Les pistes de ski, terre de mission en Savoie

geoffroy_genin_portraitLa saison d’hiver est l’occasion pour le Père Geoffroy Genin, curé de la Paroisse Saint-Martin d’Aime (Haute-Tarentaise), de rendre visible l’Eglise sur les pistes des grandes stations de la Plagne, Les Arcs, Tignes, Val d’Isère… Par Chantal Joly.

Vous skiez en affichant votre identité. Pourquoi avoir choisi cette démarche ?

Il faut peut-être préciser que j’ai été ordonné lors de la Pentecôte 2000 à 42 ans, après tout un parcours dans des cabinets-conseils. Cette vie professionnelle m’a amené à rencontrer en permanence des inconnus. Je crois aussi profondément que le fait d’aller là où vivent les personnes me permet de les rejoindre. Ainsi j’essaye de répondre à l’appel de notre pape François : accompagner, sortir ! Dans ma première paroisse, à Tarare, dans le diocèse de Lyon, voyant peu d’hommes à la messe, j’ai initié « La marche des hommes ». Il s’agissait d’une randonnée programmée après qu’ils aient fait une demi-heure de ménage chez eux. Elle permettait d’échanger sur des thèmes choisis pour eux. Les hommes étant plus à l’aise dans le côte à côte que dans le face à face, la parole se libérait. Puis à Villefranche-sur-Saône, constatant l’absence des jeunes à la vie paroissiale, furent organisés des « Samedis foot » où les pères de famille venaient avec leurs enfants. Tout cela pour tisser des liens et offrir une image heureuse de l’Eglise.

Ici, dans cette vallée de Haute-Tarentaise les locaux travaillent énormément aux remontées mécaniques, aux caisses, dans la restauration, l’hôtellerie… Quant aux touristes, ils passent, mais ils ont aussi droit à vivre de leur foi. Voulant être fidèle à ceux vers qui j’ai été envoyé, je vais donc les visiter tous : pisteurs dans leurs cabanes, touristes sur les remontées, cuisiniers dans leur cuisine…

Vous avez notamment instauré le « ski-dating ». Expliquez-nous en le principe.

C’est très simple, j’affiche sur la porte de l’église ‘’ski-dating’’ en donnant la date, le lieu et l’horaire du rendez-vous en bas de tel télésiège. Nous montons et, c’est parti pour un temps de confidence ou de confession. Nous profitons de la descente pour une ‘’pénitence’’, qui est de l’ordre d’un chant ou d’une prière à voix haute, au rythme des virages. C’est trois fois rien mais la rumeur le dit : « Notre curé est avec nous ». C’est une façon heureuse et légère de rendre l’Eglise vivante et présente.

Comment votre attitude est-elle accueillie ?

Mise à part la remarque d’un pisteur qui, la première année, était dérangé par le fait que j’avais pris un vieux blouson de sa profession sur lequel était mal griffonné mon nom et, une autre fois, la blague d’un groupe de jeunes qualifiant mon tour de cou Buff de « burka » en riant, jamais je n’ai cru choquer. Je ressens au contraire comme une attente non exprimée que révèle cette visibilité. Je perçois un certain plaisir que l’Eglise soit présente dans le monde. De fait, je me montre, plus facilement, je pense, que l’année de mon arrivée. Que de discussions dans les bennes !

Quant à ce qui s’échange, c’est très court mais très ciblé. Les gens vont à l’essentiel, non pas sur des généralités mais, par exemple, en demandant de prier pour un de leurs enfants. Ce n’est pas dans ces moments là que je parle le plus du Christ. C’est vraiment de l’écoute et du compagnonnage. Par contre, le dimanche soir, après la messe, un repas réunit moniteurs, pisteurs, saisonniers et quelques touristes, invités d’un soir. C’est un vrai temps de catéchèse sur des points fondamentaux de la foi chrétienne, appuyés sur l’Evangile du jour.

Cette pastorale des pistes signifie-t-elle moins de temps en paroisse ?

Je n’ai l’impression de voler ni l’Eglise ni les paroissiens car ces moments ne me prennent pas énormément de temps. Le dimanche matin, je suis en bas de la vallée et le soir j’assure une messe en station ; je dois donc de toute façon faire le trajet. J’allie ainsi des moments de fun à ski à ce qui m’habite profondément. Dans ce doyenné de Haute-Tarentaise, nous sommes deux prêtres. Nous avons travaillé et demandé aux laïcs de prendre plus d’initiatives, de prendre en main leur responsabilités de chrétiens, d’être créatifs pour donner vie à leur communauté. Par exemple, ont été mis en place des parrainages de couples (baptême ou mariage) par lesquels ils font découvrir la vie de l’Eglise locale. Pour ma part, je suis celui qui les accompagne – j’espère avec fidélité au Christ !

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