Entretiens de Valpré : dans l’Eglise, l’obéissance est responsable

Les sixièmes Entretiens de Valpré, qui se tiendront le lundi 4 octobre 2010 près de Lyon, porteront sur le thème : « Autorité, obéissance. Jusqu’où ? ». Ils réuniront, autour du cardinal Philippe Barbarin, plusieurs centaines de décideurs et spécialistes du monde l’entreprise.
Interview de Pierre de Charentenay, jésuite, rédacteur en chef de la revue Etudes qui animera l’atelier « L’autorité et l’obéissance dans les trois religions monothéistes ».

Assiste-t-on, dans l’Eglise, à une crise de l’autorité ?

Cette crise est générale. Il n’est qu’à regarder la sphère familiale. Ce phénomène est lié au développement de l’individualisme de vouloir tout décider, ce qu’on veut, quand on veut et sur tous les sujets. On ne supporte plus la limitation à nos comportements. Or dans l’Eglise, nous avons certains critères d’action et de vie morale qui dépendent de toute une tradition et dont l’autorité est le garant. Forcément, cela manifeste un certain côté « autoritaire » qui entre en opposition avec la manière dont le monde voit la liberté. Deux logiques s’affrontent. Dans la vie interne de l’Eglise, c’est normal qu’il existe des débats. La crise d’autorité intervient si se manifeste un excès de volonté d’autorité. A ce moment là, l’Eglise donne des armes à ceux qui la critiquent. Mais je peux témoigner que cet exercice de l’autorité se vit globalement de façon équilibré. Dans les paroisses, les choses se passent majoritairement très bien, les laïcs reconnaissant que le prêtre a un rôle spécifique. Pour le reste, on grossit toujours des phénomènes extrêmes et marginaux. Ce thème est un très bon sujet à travailler par l’Eglise afin de remettre en débat son fonctionnement. Il faut se poser sans cesse la question de règles trop fortes qui ne correspondent en rien à sa tradition.
 

L’Eglise catholique apparaît très hiérarchique. Quels en sont les fondements théologiques ?

Cette hiérarchie est fondée sur un argument théologique fort. Depuis l’Evangile est donné à quelques-uns un pouvoir d’autorité de lier et délier : « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise…» (Matthieu 16, 18-19). Mais cette capacité est au service de la communauté. Elle n’est en aucun cas au service des désirs d’un responsable sur son peuple ; ce qui n’est pas toujours appliqué aujourd’hui. Or on ne peut pas séparer l’autorité de l’Eglise de sa justification qui doit être d’abord ce service, à l’image du Pasteur qui mène son troupeau. Il faut savoir que beaucoup d’Eglises nous envient la papauté. Le pape est une figure d’unité très forte. Son autorité est nécessaire pour l’unité de l’Eglise. C’est même un avantage considérable, un point extrêmement positif qui explique l’effort très sensible de Benoît XVI vis à vis de la réintégration des quatre évêques intégristes car il ne veut pas qu’un nouveau schisme s’installe. La papauté est une institution très importante pour l’enseignement universel de l’Eglise. Celui-ci se construit à travers les encycliques qui s’ajoutent les unes aux autres pour élaborer une doctrine. Ces encycliques font autorité, une autorité non pas absolue comme les dogmes et qui reste relative car on n’écrirait plus par exemple, dans les mêmes termes celles du 19ème siècle. Rédigées après consultation de gens très différents, elles sont très précieuses.
 

Comment un croyant peut-il concilier obéissance et liberté ?

L’obéissance dans l’Eglise n’est pas un rapport de dépendance à l’autorité mais une obéissance responsable, intelligente, ouverte à l’Esprit. Et l’Esprit Saint n’est pas simplement dans la tête des responsables ! Il parle à l’ensemble de la communauté. Le concile Vatican II a rappelé que les laïcs ont non seulement leur place dans l’Eglise, mais qu’ils ont une capacité d’initiative. « Les laïcs sont l’Eglise » selon la formule de Jean-Paul II. L’autorité ecclésiastique doit aussi en tenir compte. La déclaration « Dignitatis humanae » sur la liberté religieuse retrouve l’essentiel de la tradition qui favorise une foi responsable, libre et personnelle devant Dieu.
Dans notre période d’individualisme total, il est très important de rappeler que le chrétien l’est par sa capacité personnelle à suivre le Christ. Il ne s’agit pas simplement d’une obéissance externe aux autorités ecclésiales. Cette position demande à chacun de faire ses choix, sans se reposer sur une tradition qui lui dictera sa conduite. L’Eglise donne des indications, laissant leur interprétation libre. C’est bien d’obéir à Dieu dont il s’agit, d’obéir à ce que je perçois de lui. Cette capacité d’obéissance peut même mener à l’objection de conscience, à l’image du Christ qui refuse d’obéir à tous les pouvoirs et en meurt. C’est l’obéissance de Maximilien Kolbe à l’appel de Dieu (Ce franciscain polonais s’est offert de mourir à la place d’un père de famille à Auschwitz). Que cette objection de conscience puisse exister est capital.
 
Quelques intervenants des 9ème Entretiens de Valpré

Autour de l’archevêque de Lyon, le cardinal Barbarin, interviendront de 12h30 à 20H15 des personnalités aussi différentes que le procureur de la République Eric de Montgolfier, la présidente de General Electric France Clara Gaymard ou encore l’amiral Olivier Lajous, directeur du personnel militaire de la Marine nationale. Au programme : déjeuner-débat, entretiens à plusieurs voix, forum retransmis en direct sur RCF, huit ateliers et un grand entretien.
 

Par Chantal Joly

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