Message de Mgr Garnier à la Conférence épiscopale régionale de l’Afrique de l’Ouest
Notre mission commune
Nous avons beaucoup à recevoir de votre expérience missionnaire :
Le premier : j’ai rencontré dans la grande banlieue de Kinshasa, dans des quartiers de misère, des CEVB (Communautés Ecclésiales Vivantes de Base) : on m’en avait parlé et j’étais curieux de voir ce qu’elles vivaient. Dans chacune d’entre elles, quelques hommes et quelques femmes, des baptisés tout simples, la plupart du temps sans prêtre proche, savent prier, lire l’Évangile et en vivre très concrètement : en aidant financièrement de leurs maigres ressources les veuves, les jeunes filles abandonnées, les enfants mis à la porte des écoles parce que plus personne ne paie pour eux « l’écolage », je les ai vus s’occuper des enfants des rues, des filles en particulier qu’il faut loger la nuit pour les protéger ; en ouvrant une boulangerie financée au départ par le Secours Catholique et le CCFD : elle fait vivre une trentaine de femmes ; je les ai vus lutter contre les chauffeurs de taxi qui avaient, sans prévenir, doublé le prix de leurs courses ; je les ai vus aider financièrement une femme qui venait de perdre son mari, elle n’avait que le bois de la porte de sa maison pour commencer la fabrication du cercueil ; j’ai vu de mes yeux vu à quel point des hommes et des femmes tout simples qui prient savent prouver leur foi au Christ par leur charité effective.
Le second : un récent voyage aux frontières du Niger, au Burkina Faso, m’a fait découvrir la vie d’un prêtre africain ami. Sa paroisse fait une bonne soixantaine de kilomètres de long sur trente de large sans route goudronnée. Il n’a qu’une petite moto de rien du tout pour se déplacer. Dans un certain nombre de communautés, une bonne soixantaine, il ne peut passer que quelques fois par an. Or, ces communautés vivent, elles lisent l’Évangile ! Elles prient ! Elles apprennent à vivre selon l’Esprit du Christ sans la présence habituelle du prêtre. Et ces communautés annoncent l’Évangile : elles accompagnent de très nombreux catéchumènes (dans cette paroisse, il y en a plus de 600). Elles enterrent évidemment leurs morts, elles savent préparer au baptême et au mariage. Et lorsque le prêtre passe, j’ai vu la joie de l’accueillir ! Il n’avait plus qu’à vivre la mission qui est la sienne depuis son ordination : celle d’annoncer la Parole de Dieu en vérifiant qu’on ne lui fait pas dire n’importe quoi, celle de guider la communauté, celle de réconcilier ceux et celles qui se sont désunis, celle d’ouvrir le groupe à la mission pour qu’il ne s’enferme pas sur lui-même ; le catéchiste et le responsable de la communauté, le premier nommé par l’évêque et le second reconnu par lui, vont savoir le guider et lui dire où célébrer l’Eucharistie, où célébrer le pardon, où réunir ceux qui ont à se réconcilier, où rencontrer les catéchumènes, où assurer une catéchèse… Je crois vraiment que vous avez beaucoup à nous apprendre pour nous aider à relever le défi qui est le nôtre. Bien sûr, nous ne négligeons pas l’appel aux vocations sacerdotales. Bien sûr, nous nous réjouissons chaque fois qu’un jeune ou un moins jeune accepte de suivre le Christ à la manière des apôtres. Bien sûr aussi, nous savons bien que les conditions de vie ne sont pas les mêmes en Afrique qu’en France, que nous ne venons pas de la même histoire, que les moyens de communication sont infiniment plus faciles, mais notre défi demeure : les baptisés, chez nous de plus en plus comme chez vous dès aujourd’hui, doivent devenir au plus près de tous les responsables habituels de Jésus, de l’Évangile et de l’Église, dans les plus petites communautés, qu’elles soient géographiques ou non ; et les pasteurs aussi peu nombreux soient-ils, doivent consentir à passer de communauté en communauté pour en être, au nom de Jésus et de leur ordination, les entraîneurs et s’il le faut les arbitres.
A l’heure où près de 800 prêtres venus d’Afrique et de Madagascar sont en France
Si j’avais un seul appel à vous adresser de la part des évêques de France, ce serait celui-ci : qu’avant chaque envoi d’un prêtre, il y ait un véritable échange entre évêques sur les raisons de la mission et sur sa durée. Des prêtres se proposent à nous d’eux-mêmes, apparemment sans vous : nous ne voulons pas et ne pouvons pas donner suite à leur demande, sans que la demande vienne clairement de vous. Par ailleurs, ils nous disent assez souvent vouloir venir en paroisse pour une « année sabbatique ». Il nous semble alors qu’un véritable contrat Fidei Donum de trois ans, moyennant un discernement commun et positif au bout d’un an, est préférable pour tout le monde. Lorsque la mission confiée et sa durée sont claires, l’échange est toujours fécond et pour nous et pour vous.
L’Église de France a publié l’Exhortation Apostolique « Africae Munus » !
Avec l’Église en France, nous avons choisi de l’éditer et nous sommes heureux de l’avoir fait. A l’heure où tant de relations se multiplient entre nous, à l’heure où nous avons tant à recevoir les uns des autres, il nous est bon de recevoir avec vous la mission que le Saint Père vous confie, celle « de servir la réconciliation, la justice et la paix ».
Le Saint-Père nous y rappelle les cicatrices qui vous ont marqués, celles de l’esclavage et de la colonisation. Les blessures dont vous souffrez encore : les luttes ethniques fratricides et les corruptions de toutes sortes. Il fait la liste des pandémies que vous affrontez : le paludisme, le sida et la tuberculose, pour ne citer qu’elles. Le Saint-Père note toutefois que l’Afrique garde cette étonnante joie de vivre que nous vous envions quand nous voyons la tristesse et l’inquiétude répandues si largement dans la France d’aujourd’hui. Quand il appelle toutes vos Églises à donner le signe d' »une vraie fraternité et d’une réconciliation enfin réussies », quand il vous dit « L’unique médecin de ces blessures, c’est Jésus », quand il vous appelle à « suivre sans concession les pas de Jésus-Christ, à rechercher Dieu, Amour éternel et Vérité absolue », les appels qu’il vous lance, il nous les lance aussi. Cette exhortation qui vous est adressée, elle nous touche, nous aussi.
On nous demande souvent si nous sommes optimistes quant à l’avenir de l’Église en France ?
« Le moment présent est une frêle passerelle.
Si tu la charges des regrets d’hier
ou de l’inquiétude de demain,
la passerelle cède et tu perds pieds.
Le passé, Dieu le pardonne
L’avenir, Dieu le donne
Vis le jour d’aujourd’hui » !
X François Garnier
Archevêque de Cambrai
Président de la CEMUE ( Commission Episcopale de la Mission Universelle)

La Présidence de la CERAO (RECOWA en anglais)
L’Assemblée a élu Président S.Em. le Cardinal Adrien Sarr, Archevêque de Dakar (Sénégal), Premier Vice-président S.Exc. Mgr Mons. Ignatius Kaigama, Archevêque de Jos (Nigeria) et Second Vice-président S.Exc. Mgr Jose Camnate Na Bissign, Archevêque de Bissau (Guinée Bissau).
Source : Agence Fides (31/01/2012)