Gestation pour autrui
Fiche proposée par le groupe de travail « bioéthique », de la Conférence des évêques de France.
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État de la question
La Gestation pour autrui (GPA) est le nom donné à la technique dite des « mères porteuses ». Elle appartient à l’Assistance médicale à la procréation[1]. Avec ses caractéristiques propres, elle s’inscrit dans un marché international procréatif. Elle est interdite en France et dans beaucoup d’autres pays.
La GPA utilise une femme pour que celle-ci porte l’enfant durant le temps de la grossesse afin que les parents dits « d’intention » puissent récupérer l’enfant une fois né, de telle sorte qu’il soit considéré comme le leur. Cela se traduit par une convention entre cette femme et les parents d’intention. L’enfant leur est pratiquement toujours remis moyennant un prix à payer. Des intermédiaires privés se sont constitués pour établir ces conventions et garantir leur exécution.
La GPA se présente sous plusieurs modalités : insémination de la mère porteuse avec les spermatozoïdes du père d’intention qui sera aussi le père biologique, ou avec ceux d’un donneur ; conception in vitro d’un embryon humain, à partir des gamètes des parents d’intention, ou de l’un des parents avec un donneur, ou de deux donneurs, qui sera implanté dans l’utérus de la mère porteuse.
Les demandeurs sont des couples homme/femme dont la femme ne peut porter un enfant, des hommes célibataires ou des couples d’hommes, ou même des femmes fertiles qui, refusant « l’inconvénient » de la gestation et de l’accouchement, recourent à la GPA « pour raison de commodité » (CCNE, Avis 126).
La Cour de Cassation (arrêt du 31 mai 1991) a posé comme principe que « la convention par laquelle une femme s’engage, fut-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes ». La loi du 29 juillet 1994 a introduit un article 16-7 dans le Code civil : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle. »
Pour contourner l’interdiction française, des Français se rendent à l’étranger, dans un État où la GPA est autorisée. De retour en France, ils demandent la transcription sur les registres français d’état civil de l’acte de naissance de l’enfant, établi dans son pays de naissance. Depuis 2015, la Cour de cassation accepte la transcription lorsque cet acte dit la réalité : les parents sont la « mère porteuse » et le père biologique, selon le principe certa mater est[2]. Dans trois arrêts du 5 juillet 2017, la Cour a reconduit ce principe en précisant que si la mère n’est pas la « mère porteuse », la transcription ne peut être autorisée.
Le conjoint ou la conjointe du père peut ensuite demander à adopter l’enfant. Depuis un quatrième arrêt du 5 juillet 2017, la Cour de cassation accepte l’adoption (en l’occurrence simple) tandis que les juridictions du fond ne l’ont pas suivie et ont rejeté les demandes d’adoption (en l’occurrence plénière) (Cour d’appel de Paris, 30 janvier 2018). Jusqu’à cette décision du 5 juillet 2017, la Cour de cassation refusait l’adoption, simple ou plénière, puisque la GPA, en organisant la mise à l’écart de la mère porteuse – la femme qui a accouché – dans le but de rendre l’enfant adoptable, détourne l’adoption de son sens : donner des parents à un enfant qui en a été privé (par les malheurs de la vie et non par un contrat).
Bien que la loi française frappe de nullité toute convention de GPA, ses effets sont, dans une large mesure, acceptés en France par la justice[3]. Dès lors, il est difficile à la France de lutter contre la GPA.
Questions que cela pose
Le Comité Consultatif National d’Éthique souligne que « de toutes les procédures d’AMP, la GPA est la seule qui sépare l’enfant de la femme qui l’a porté, et la seule susceptible également de dissocier totalement une transmission biologique (génétique via les gamètes, épigénétique via la grossesse) et sociale (l’accueil parental de l’enfant à la naissance), les parents d’intention pouvant ne participer à aucune étape de la procréation et de la gestation[4] ».
La GPA établit une rupture du lien gestationnel contracté entre l’enfant et la femme qui l’a porté. Si la mère porteuse a été inséminée, il y a une disjonction entre la mère biologique gestatrice et la mère éducative dite d’intention. Si la mère dite d’intention a donné son ovocyte pour que l’embryon soit conçu puis implanté dans l’utérus de la mère porteuse, il y a disjonction entre la mère gestatrice et la mère d’intention qui est aussi la mère biologique. La disjonction est encore plus forte quand la GPA est réalisée au profit d’un couple d’hommes : l’enfant, séparé de sa mère gestatrice, est de plus sans mère. Il serait illégitime de légaliser la naissance d’enfants sans mère.
Or, la gestation ne peut être effacée dans la construction de l’enfant. L’épigénétique[5] montre que l’environnement biologique (et psychique) au cours de la gestation n’est pas sans importance pour l’enfant qui naîtra et se développera. L’enfant abandonné par la mère porteuse aussitôt après sa naissance subit donc un préjudice. D’ailleurs, l’abandon d’enfant est interdit par la loi.
Pour éviter un lien trop grand entre la mère porteuse et l’enfant, des conventions privilégient voire obligent que l’ovocyte ne vienne pas de la mère porteuse, et imposent (aux États Unis) que les parents d’intention soient reconnus comme les parents avant la naissance, ce qui provoque un acte administratif de naissance ne correspondant pas à la réalité des faits : la mère inscrite n’est pas la femme qui a accouché. De nouveau, cela est préjudiciable à l’enfant.
La GPA utilise le corps d’une femme pendant les neuf mois de la gestation, la plupart du temps pour une rémunération ou compensation financière, sans que soit toujours assurée son intégrité physique et psychique (surtout en Asie). Ce sont souvent des femmes pauvres qui ont besoin d’argent. Cette « utilisation » d’une femme est contraire à sa dignité et au principe d’indisponibilité du corps.
On parle de « GPA éthique » : elle serait réalisée gratuitement grâce à une femme amie ou membre de la famille, qui offre son corps pour porter l’enfant d’un couple qui ne le pourrait pas. De fait, la GPA a toujours un coût, qui réclame soit une indemnité soit un dédommagement. Outre les questions éthiques graves, s’ajoutent des risques dus à la proximité des deux mères dans la vie courante : la mère porteuse ne sera-t-elle pas intrusive dans la vie du couple en considérant que l’enfant est aussi le sien ?
La GPA rend illisible la filiation de l’enfant, dès lors que plus de deux adultes interviennent (cela peut aller jusqu’à cinq) pour qu’il existe et se développe avant et après la naissance.
Il est illégitime de payer une somme pour avoir un enfant, selon un contrat. Même si la GPA était gratuite, il y aurait encore un contrat organisant la disposition de l’enfant comme d’un bien. Or, « dans le contrat de GPA, le corps et la personne de l’enfant sont dans une position d’objet du contrat, incompatible avec les principes généraux du droit. Cette position d’objet produit des effets, car le contrat doit prévoir ce qu’il advient si l’objet du contrat n’est pas conforme à ce qui est espéré[6] ».
Le désir d’enfant est louable et la souffrance due à l’infertilité médicale est à accompagner[7]. Mais ce désir ne peut devenir un « droit à l’enfant », surtout face aux préjudices graves que crée la GPA.
Dès 1987, l’Église a porté un discernement négatif sur la GPA : « La maternité de substitution représente un manquement objectif aux obligations de l’amour maternel, de la fidélité conjugale et de la maternité responsable ; elle offense la dignité de l’enfant et son droit à être conçu, porté, mis au monde et éduqué par ses propres parents ; elle instaure, au détriment des familles, une division entre les éléments physiques, psychiques et moraux qui les constituent[8]. »
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[1] Voir J.-R. Binet, Droit de la bioéthique, LGDJ, 2017, p. 174-176.
[2] La femme qui accouche est la mère. Ce principe ne rend pas compte de la dissociation entre génétique et gestation.
[3] Voir J.-R. Binet, « Gestation pour autrui : le droit français à la croisée des chemins », n. 9 – septembre 2017, LEXISNEXIS.
[4] Avis n. 126 du 15 juin 2017. Voir aussi les Avis n. 90, du 24 novembre 2005 et n. 110, du 1er avril 2010.
[5] Par la génétique, on étudie le génome et son environnement biologique. Cet environnement a une telle influence sur l’expression des gênes (et non sur leur structure interne) qu’il mérite d’être étudié pour lui-même : c’est l’épigénétique.
[6] Comité Consultatif National d’Éthique, Avis n. 126, p. 34. Cet avis expose quelques situations dramatiques sur la GPA.
[7] L’accompagnement d’un couple hétérosexuel infertile n’est pas le même pour un couple homosexuel. Voir l’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, du 15 mars 2012, n. 25951/07, qui ne juge pas discriminatoire le refus de la France à la demande d’un couple de femmes pour pouvoir recourir à la PMA. (Voir fiche sur l’assistance médicale à la procréation).
[8] L’accompagnement d’un couple hétérosexuel infertile n’est pas le même pour un couple homosexuel. Voir l’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, du 15 mars 2012, n. 25951/07, qui ne juge pas discriminatoire le refus de la France à la demande d’un couple de femmes pour pouvoir recourir à la PMA. (Voir fiche sur l’assistance médicale à la procréation).
Fiches du groupe de travail "bioéthique"
- Assistance médicale à la procréation ou AMP
- Don de gamètes
- Dons d’organes
- Fin de vie
- Gestation pour autrui
- Intelligence artificielle
- Interactions biologie-psychisme
- Mégadonnées (Big Data)
- Utilisation des biotechnologies sur les cellules embryonnaires et germinales humaines
- Recherche sur l’embryon humain
- Thérapie génique germinale