Mgr Rivière : « Je suis en dette par rapport à Taizé »
A Taizé, le 10 mai 2015, Mgr Benoît Rivière, évêque d’Autun, a pris part à la célébration du centenaire de la naissance de frère Roger (1915 – 2005). Il évoque la personnalité du fondateur, la place de la communauté dans la vie diocésaine et son importance pour les jeunes du monde entier.
Que retenez-vous de cette journée à Taizé ?
C’était une fête de famille très ouverte. J’ai été frappé par la présence de beaucoup de jeunes, descendants de frère Roger. On oublie qu’il avait de nombreux frères et sœurs. L’histoire de l’implantation de la Communauté a été rappelée. Pendant la guerre, frère Roger cherchait un lieu pour commencer son expérience communautaire. Les habitants de Taizé ont eu cette belle expression : « Restez chez nous : nous sommes si seuls ». Les débuts ont été marqués par l’accueil d’enfants, élevés par sa sœur. Il a tout de suite cherché à créer une forme de vie monastique œcuménique. Pendant cette journée, j’ai été heureux de voir un certain nombre de pasteurs protestants. Je suis intervenu auprès des pèlerins de la province de Bourgogne. Nous avons fait une méditation biblique sur la Visitation. Commencée par la messe, la journée s’est conclue par une prière d’action de grâce.
Avez-vous connu frère Roger Schutz ?
Mon lien avec Taizé remonte à mon grand-père, Edmond Michelet [(1899-1970), homme politique et résistant, NDLR], qui aimait s’y ressourcer. Les anciens gardent le souvenir de la confiance qui existait entre les deux hommes. Mon grand-père était attaché à ce lieu car il y voyait un pôle de formation chrétienne et spirituelle, une authentique vie monastique et de prière, ainsi qu’un immense effort oecuménique. Moi, j’ai connu Taizé jeune prêtre, en tant qu’aumônier de collégiens et d’étudiants, avec lesquels j’ai participé à de nombreuses rencontres européennes. Taizé a été pour moi un lieu d’initiation à la prière. J’ai rencontré frère Roger à plusieurs reprises. Je reste frappé par sa douceur et sa joie, par sa foi qui ne cherchait pas à s’imposer mais qui rayonnait, par son attachement persévérant à l’avancée de la cause œcuménique. Il l’a fait à partir d’une vie communautaire ancrée dans la réconciliation, en cherchant à tisser des liens simples et d’amitié, avec des personnes en responsabilité dans l’Eglise et dans la société, partout dans le monde. Ce maillage de belles relations est une des caractéristiques de Taizé. La communauté a noué énormément d’amitiés fraternelles de par le monde.
Quel est votre regard personnel sur Taizé ?
Je suis en dette par rapport à la Communauté, dans le sens où j’ai toujours beaucoup reçu là-bas : grâce d’apaisement, de retrouvailles avec soi-même et avec le Seigneur, espérance en l’avenir de l’Eglise renouvelée quand je vois tous ces jeunes passer par Taizé. C’est aussi un lieu où beaucoup de prêtres viennent se ressourcer et exercer le ministère du pardon. De nombreux jeunes aiment aller trouver un frère ou un prêtre pour l’écoute, le soir après la prière. C’est étonnant. Je pense que Taizé demeure un lieu par lequel beaucoup sont heureux de passer, précisément parce qu’on les laisse libres. Les jeunes ont le sentiment qu’à Taizé, ils sont renvoyés à leur liberté d’enfant de Dieu dans le monde. La communauté est authentiquement monastique, avec un style de vie sobre, pour ne pas dire pauvre. Il y a là aussi le signe d’une communauté qui vit les trois vœux (pauvreté, obéissance et chasteté). C’est un témoignage vivant.
Comment la Communauté colore-t-elle la vie du diocèse ?
Je dirais que les frères sont des diocésains. Pas simplement parce qu’ils habitent sur le territoire de Saône-et-Loire, mais parce qu’ils sont heureux de participer à la vie de l’Eglise, c’est-à-dire à la croissance du corps du Christ en Saône-et-Loire. Ils ne regardent pas de loin la vie diocésaine : ils sont impliqués dans l’histoire de l’Eglise locale. Quand ils encouragent les jeunes à aller dans les paroisses, eux-mêmes le vivent. Cela me frappe beaucoup. Ils se tiennent au courant de ce qui anime la vie du diocèse, envoient régulièrement des frères participer à des activités. Le diocèse d’Autun est heureux de vivre certaines grandes étapes de son histoire à Taizé. Ainsi, tous les 5 ans, un grand rassemblement diocésain se tient sur la colline, préparé en étroite collaboration avec les frères. Le prochain aura lieu le 4 octobre 2015, sur le thème : « Dans la joie du serviteur ». Au terme de cette journée, nous ouvrirons un synode qui durera 2 ans.
Vous avez été en responsabilité nationale pour la pastorale des jeunes. Quelle est la place de Taizé ?
Nous avons organisé volontairement à Taizé des rencontres nationales et des rassemblements de préparation aux Journées Mondiales de la Jeunesse. Taizé est un des lieux importants où des jeunes de sensibilité très diverses se retrouvent. Ils peuvent se parler dans le respect et en prenant le temps. La plupart des jeunes engagés dans l’Eglise, de près ou de loin, sont familiarisés avec Taizé. De ce point de vue-là, c’est un lieu fédérateur, un lieu de communion, où nous abordons les choses avec sobriété, authenticité et prière, qui est la marque de Taizé.
Nouvelle biographie de Roger Schutz
Soeur de la communauté apostolique Saint-François-Xavier, Sabine Laplane vient de publier « Frère Roger, de Taizé. Avec presque rien » (Editions du Cerf). A partir de nombreuses archives de la Communauté, elle brosse le portrait du fondateur. Elle est aussi l’auteur de Prier 15 jours avec frère Roger de Taizé (Nouvelle Cité).