Antiqua et Nova, note sur les relations entre l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine

image d'intelligence artificielle pour illustrer Antiqua et Nova

Le document Antiqua Nova a été publié le 28 janvier 2025. Ce document rédigé conjointement par les dicastères pour la Doctrine de la foi et pour la Culture et l’Éducation, traite des enjeux anthropologiques, éthiques et sociaux liés à l’intelligence artificielle (IA). En 35 pages et 117 paragraphes, il explore des domaines variés tels que l’éducation, l’économie, le travail, la santé, les relations humaines et la guerre. Il met en garde contre les risques de déséquilibres sociaux, de surveillance accrue, de perte des compétences humaines et d’utilisation des armes autonomes sans contrôle humain.

I.  Introduction

II. Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

III.  L’intelligence dans la tradition philosophique et théologique

La rationalité

Incarnation

Relationalité

Relation à la vérité

La garde du monde

Une compréhension intégrale de l’intelligence humaine

Limites de l’IA

IV. Le rôle de l’éthique dans l’orientation du dévelopement et de l’utilisation de l’IA

Une aide à la liberté et à la prise de décision de l’homme

V. Questions spécifiques

L’IA et la société

L’IA et les relations humaines

IA, économie et travail

IA et santé

IA et éducation

IA, désinformation, deepfakes et abus

IA, vie privée et contrôle

L’IA et la protection de la maison commune

L’IA et la guerre

L’IA et la relation de l’humanité avec Dieu

VI. Réflexion finale

La vraie sagesse

 

Introduction

1. Avec une sagesse à la fois ancienne et nouvelle (cf. Mt 13,52), nous sommes appelés à considérer les défis et les opportunités d’aujourd’hui posés par les connaissances scientifiques et technologiques, en particulier le développement récent de l’intelligence artificielle (IA). La tradition chrétienne considère le don de l’intelligence comme un aspect essentiel de la création de l’être humain « à l’image de Dieu » (Gn 1,27). À partir d’une vision intégrale de la personne et de l’appréciation de l’appel à « cultiver » la terre et à en « prendre soin » (cf. Gn 2, 15), l’Église souligne que ce don devrait s’exprimer par un usage responsable de la rationalité et de la capacité technique au service du monde créé.

2. L’Église encourage les progrès de la science, de la technologie, des arts et de toute autre entreprise humaine, les considérant comme faisant partie de « la collaboration de l’homme et de la femme avec Dieu dans le perfectionnement de la création visible » [1]. Comme l’affirme le Siracide, Dieu « a donné la science aux hommes pour être glorifié dans ses merveilles » (Sir 38:6). Les capacités et la créativité de l’être humain viennent de Lui et, lorsqu’elles sont utilisées à bon escient, Lui rendent gloire en tant que reflet de Sa sagesse et de Sa bonté. Par conséquent, lorsque nous nous demandons ce que signifie « être humain », nous ne pouvons pas exclure la prise en compte de nos capacités scientifiques et technologiques.

3. C’est dans cette perspective que cette note aborde les questions anthropologiques et éthiques soulevées par l’IA, questions d’autant plus pertinentes que l’un des objectifs de cette technologie est d’imiter l’intelligence humaine qui l’a conçue. Par exemple, contrairement à de nombreuses autres créations humaines, l’IA peut être entraînée sur les produits de l’ingéniosité humaine et générer ainsi de nouveaux « artefacts » avec un niveau de rapidité et de compétence qui égale ou dépasse souvent les capacités humaines, comme la génération de textes ou d’images impossibles à distinguer des compositions humaines, ce qui soulève des préoccupations quant à son influence possible sur la crise croissante de la vérité dans le débat public. De plus, comme cette technologie est conçue pour apprendre et adopter certains choix de manière autonome, en s’adaptant à de nouvelles situations et en apportant des solutions non prévues par ses programmeurs, d’importants problèmes de responsabilité éthique et de sécurité se posent, avec des répercussions plus larges sur la société dans son ensemble. Cette nouvelle situation amène l’humanité à s’interroger sur son identité et son rôle dans le monde.

4. Dans l’ensemble, il existe un large consensus sur le fait que l’IA marque une nouvelle phase importante dans la relation de l’humanité avec la technologie, au cœur de ce que le pape François a décrit comme un « changement d’époque » [2]. Son influence se fait sentir à l’échelle mondiale dans un large éventail de domaines, notamment les relations interpersonnelles, l’éducation, le travail, les arts, les soins de santé, le droit, la guerre et les relations internationales. Alors que l’IA continue de progresser rapidement vers des sommets encore plus élevés, il est d’une importance cruciale d’examiner ses implications anthropologiques et éthiques. Il s’agit non seulement d’atténuer les risques et de prévenir les dommages, mais aussi de veiller à ce que ses applications soient orientées vers la promotion du progrès humain et du bien commun.

5. Afin de contribuer positivement au discernement sur l’IA, en réponse à l’appel du Pape François pour une nouvelle « sagesse du cœur » [3], l’Église offre son expérience à travers les réflexions de cette Note qui se concentrent sur les sphères anthropologiques et éthiques. Engagée dans un rôle actif au sein du débat général sur ces questions, elle exhorte ceux qui ont la tâche de transmettre la foi (parents, enseignants, pasteurs et évêques) à se consacrer avec soin et attention à cette question urgente. Bien qu’il leur soit particulièrement destiné, ce document se veut également accessible à un public plus large, à savoir ceux qui partagent le besoin d’un développement scientifique et technologique au service de l’individu et du bien commun [4].

6. À cette fin, nous distinguerons tout d’abord le concept d’« intelligence » en ce qui concerne l’IA et les êtres humains. Dans un premier temps, la perspective chrétienne sur l’intelligence humaine est envisagée, offrant un cadre général de réflexion basé sur la tradition philosophique et théologique de l’Église. Quelques lignes directrices sont ensuite proposées, dans le but d’assurer que le développement et l’utilisation de l’IA respectent la dignité humaine et favorisent le développement intégral de la personne et de la société.

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

7. Le concept d’intelligence dans l’IA a évolué au fil du temps, rassemblant une multitude d’idées issues de diverses disciplines. Bien que ses racines remontent à plusieurs siècles, un moment important de cette évolution s’est produit en 1956, lorsque l’informaticien américain John McCarthy a organisé une conférence d’été à l’université de Dartmouth pour aborder le problème de l’« intelligence artificielle », défini comme « le fait de rendre une machine capable de présenter un comportement qui serait qualifié d’intelligent si un être humain le produisait » [5]. La conférence a lancé un programme de recherche visant à utiliser des machines capables d’effectuer des tâches typiquement associées à l’intelligence humaine et à un comportement intelligent.

8. Depuis lors, la recherche dans ce domaine a progressé rapidement, conduisant au développement de systèmes complexes capables d’accomplir des tâches très sophistiquées [6]. Ces systèmes dits « d’IA étroite » sont généralement conçus pour exécuter des tâches limitées et spécifiques, telles que la traduction d’une langue à une autre, la prévision de l’évolution d’une tempête, la classification d’images, l’apport de réponses à des questions ou la génération d’images à la demande de l’utilisateur. Bien qu’il existe encore une grande variété de définitions de l’« intelligence » dans le domaine des études sur l’IA, la plupart des systèmes contemporains, en particulier ceux qui utilisent l’apprentissage automatique, s’appuient sur l’inférence statistique plutôt que sur la déduction logique. En analysant de vastes ensembles de données dans le but d’y déceler des schémas, l’IA peut « prédire » [7] leurs effets et proposer de nouvelles pistes de recherche, imitant ainsi certains processus cognitifs typiques de la capacité humaine à résoudre des problèmes. Cela a été rendu possible par les progrès de la technologie informatique (tels que les réseaux neuronaux, l’apprentissage automatique non supervisé et les algorithmes évolutionnaires) ainsi que par les innovations en matière d’équipement (telles que les processeurs spécialisés). Ces technologies permettent aux systèmes d’IA de répondre à différents types de stimuli provenant des humains, de s’adapter à de nouvelles situations et même de proposer des solutions inédites non prévues par les programmeurs initiaux [8].

9. En raison de ces progrès rapides, de nombreuses tâches autrefois exclusivement humaines sont aujourd’hui confiées à l’IA. Ces systèmes peuvent compléter, voire remplacer les capacités humaines dans de nombreux domaines, en particulier dans des tâches spécialisées telles que l’analyse de données, la reconnaissance d’images et le diagnostic médical. Bien que chaque application « étroite » de l’IA soit calibrée pour une tâche spécifique, de nombreux chercheurs espèrent parvenir à ce que l’on appelle « l’intelligence artificielle générale » (AGI), c’est-à-dire un système unique qui, fonctionnant dans tous les domaines cognitifs, serait capable d’effectuer toute tâche à la portée de l’esprit humain. Certains affirment qu’une telle IA pourrait un jour atteindre le stade de la « superintelligence », dépassant les capacités intellectuelles humaines, ou contribuer à la « superlongévité » grâce aux progrès de la biotechnologie. D’autres craignent que ces possibilités, aussi hypothétiques soient-elles, n’éclipsent un jour la personne humaine elle-même, tandis que d’autres encore se réjouissent de cette possible transformation [9].

10. Au fondement de ces points de vue comme de beaucoup d’autres sur ce sujet, il y a le postulat que le mot « intelligence » est à employer par référence à l’intelligence humaine tout comme à l’IA. Toutefois, cela ne semble pas refléter la portée réelle du concept. Dans le cas de l’être humain, en effet, l’intelligence est une faculté relative à la personne dans son intégralité, tandis que, dans celui de l’IA, elle est comprise dans un sens fonctionnel, en présupposant souvent que les activités propres à l’esprit humain peuvent se décomposer en étapes digitalisées, de manière telle que même les machines puissent les copier [10].

11. Cette perspective fonctionnelle est illustrée par le test de Turing, selon lequel une machine est considérée comme « intelligente » si une personne est incapable de distinguer son comportement de celui d’un autre être humain [11]. En particulier, dans ce contexte, le mot « comportement » se réfère à des tâches intellectuelles spécifiques, sans prendre en compte toute l’étendue de l’expérience humaine, qui comprend à la fois les capacités d’abstraction et les émotions, la créativité, le sens esthétique, moral et religieux, ni toute la variété des manifestations dont l’esprit humain est capable. Par conséquent, dans le cas de l’IA, l’« intelligence » d’un système est évaluée, de manière méthodologique mais aussi réductionniste, sur la base de sa capacité à produire des réponses appropriées, c’est-à-dire celles qui sont associées à l’intellect humain, quelle que soit la manière dont ces réponses sont générées.

12. Ses caractéristiques avancées confèrent à l’IA des capacités sophistiquées d’exécution de tâches, mais pas la capacité de penser [12]. Cette distinction est d’une importance décisive, car la manière dont l’« intelligence » est définie délimite inévitablement la compréhension de la relation entre la pensée humaine et cette technologie [13]. Pour ce faire, il convient de rappeler que la richesse de la tradition philosophique et de la théologie chrétienne offre une vision plus profonde et plus complète de l’intelligence, qui est à son tour au cœur de l’enseignement de l’Église sur la nature, la dignité et la vocation de la personne humaine [14].

L’intelligence dans la tradition philosophique et théologique

La rationalité

13. Depuis l’aube de la réflexion de l’humanité sur elle-même, l’esprit a joué un rôle central dans la compréhension de ce que signifie être « humain ». Aristote a observé que « tous les êtres humains tendent par nature à la connaissance » [15]. Cette connaissance humaine, avec sa capacité d’abstraction qui permet de saisir la nature et le sens des choses, les distingue du monde animal [16]. La nature exacte de l’intelligence a fait l’objet de recherches de la part de philosophes, de théologiens et de psychologues, qui ont également examiné comment l’être humain comprend le monde et en fait partie, tout en y occupant une place particulière. Grâce à ces recherches, la tradition chrétienne en est venue à comprendre la personne comme un être composé d’un corps et d’une âme, à la fois profondément lié à ce monde et s’étendant au-delà [17].

14. Dans la tradition classique, le concept d’intelligence est souvent décliné dans les termes complémentaires de « raison » (ratio) et d’« intellect » (intellectus). Il ne s’agit pas de facultés distinctes, mais, comme l’explique saint Thomas d’Aquin, de deux modes d’opération de la même intelligence : « Le terme intellect dérive de la pénétration intime de la vérité ; tandis que la raison dérive de la recherche et du processus discursif » [18]. Cette description concise permet de mettre en évidence les deux prérogatives fondamentales et complémentaires de l’intelligence humaine : l’intellectus se réfère à l’intuition de la vérité, c’est-à-dire à sa saisie avec les « yeux » de l’esprit, qui précède et fonde l’argumentation elle-même, tandis que la ratio se rapporte au raisonnement proprement dit, c’est-à-dire au processus discursif et analytique qui conduit au jugement. Ensemble, intellect et raison constituent les deux faces de l’acte unique d’intelligere, « opération de l’homme en tant qu’homme » [19].

15. Présenter l’être humain comme un être « rationnel », ce n’est pas le réduire à un mode de pensée spécifique ; c’est plutôt reconnaître que la capacité de compréhension intellectuelle de la réalité façonne et imprègne toutes ses activités [20], constituant d’ailleurs, exercée en bien ou en mal, un aspect intrinsèque de la nature humaine. En ce sens, le mot « rationnel » englobe en fait toutes les capacités de l’être humain : aussi bien celle de connaître et de comprendre que celle de vouloir, d’aimer, de choisir, de désirer. Le terme « rationnel » comprend donc également toutes les capacités corporelles intimement liées à celles mentionnées ci-dessus » [21]. Une perspective aussi large met en évidence la façon dont la rationalité est intégrée dans la personne humaine, créée à « l’image de Dieu », d’une manière qui élève, façonne et transforme à la fois sa volonté et ses actions [22].

Incarnation

16. La pensée chrétienne considère les facultés intellectuelles dans le cadre d’une anthropologie intégrale qui conçoit l’être humain comme un être essentiellement incarné. Dans la personne humaine, l’esprit et la matière « ne sont pas deux natures unies, mais leur union forme une unique nature » [23]. En d’autres termes, l’âme n’est pas la « partie » immatérielle de la personne contenue dans le corps, de même que le corps n’est pas l’enveloppe extérieure d’un « noyau » subtil et intangible, mais c’est l’être humain tout entier qui est, en même temps, matériel et spirituel. Cette façon de penser reflète l’enseignement de la Sainte Écriture, qui considère la personne humaine comme un être qui vit ses relations avec Dieu et avec les autres, et donc sa dimension purement spirituelle, à l’intérieur et à travers cette existence corporelle [24]. Le sens profond de cette condition est éclairé par le mystère de l’Incarnation, grâce auquel Dieu lui-même a pris notre chair, qui « a été élevée, en nous aussi, à une dignité sublime » [25].

17. Bien que profondément enracinée dans une existence corporelle, la personne humaine transcende le monde matériel grâce à son âme, qui « se trouve pour ainsi dire à l’horizon de l’éternité et du temps » [26]. C’est à elle qu’appartiennent la capacité de transcendance de l’intellect et la possession du libre arbitre, pour lesquels l’être humain « participe à la lumière de l’intelligence divine » [27]. Malgré cela, l’esprit humain ne met pas en œuvre son mode normal de connaissance sans le corps [28]. Ainsi, les capacités intellectuelles de l’être humain font partie intégrante d’une anthropologie qui reconnaît qu’il est une « unité d’âme et de corps » [29]. D’autres aspects de ce point de vue seront développés dans ce qui suit.

Relationalité

18. Les êtres humains sont « ordonnés par leur nature même à la communion interpersonnelle » [30], ayant la capacité de se connaître, de se donner par amour et d’entrer en communion avec les autres. Par conséquent, l’intelligence humaine n’est pas une faculté isolée, mais s’exerce dans les relations, trouvant sa pleine expression dans le dialogue, la collaboration et la solidarité. Nous apprenons avec les autres, nous apprenons par les autres.

19. L’orientation relationnelle de la personne humaine se fonde en définitive sur le don éternel du Dieu trinitaire, dont l’amour se révèle à la fois dans la création et dans la rédemption [31]. La personne est appelée « à partager, dans la connaissance et l’amour, la vie de Dieu » [32].

20. Un tel appel à la communion avec Dieu est nécessairement lié à un appel à la communion avec les autres. L’amour de Dieu ne peut être séparé de l’amour du prochain (cf. 1 Jn 4,20 ; Mt 22,37-39). En vertu de la grâce de partager la vie de Dieu, les chrétiens deviennent également des imitateurs du don débordant du Christ (cf. 2 Co 9,8-11 ; Ep 5,1-2) en suivant son commandement : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (Jn 13,34) [33]. L’amour et le service, faisant écho à la vie divine intime de don de soi, transcendent l’intérêt personnel pour répondre plus pleinement à la vocation humaine (cf. 1Jn 2,9). L’engagement à prendre soin les uns des autres est encore plus sublime que le fait de savoir beaucoup de choses, car même si « je connaissais tous les mystères et si j’avais toute la science […], sans la charité, je ne serais rien » (1 Co 13,2).

La relation avec la vérité

21. L’intelligence humaine est en définitive un « don de Dieu fait pour percevoir la vérité » [34]. Au double sens d’intellectus-ratio, elle permet à la personne d’accéder aux réalités qui dépassent la simple expérience sensorielle ou l’utilité, car « le désir de vérité appartient à la nature même de l’homme. C’est une propriété native de sa raison que de s’interroger sur le pourquoi des choses »[35]. En dépassant les limites des données empiriques, l’intelligence humaine « peut conquérir la réalité intelligible avec une véritable certitude » [36]. Même si la réalité n’est que partiellement connue, « le désir de vérité pousse […] la raison à aller toujours plus loin ; elle est même comme submergée par la réalisation de sa capacité toujours plus grande pour ce qu’elle atteint » [37]. Bien que la Vérité en elle-même dépasse les limites de l’intellect humain, celui-ci est néanmoins irrésistiblement attiré par elle [38], et poussé par cette attirance, l’être humain est amené à rechercher « une vérité plus profonde » [39].

22. Cette tension innée dans la recherche de la vérité se manifeste de façon particulière dans les capacités typiquement humaines de compréhension sémantique et de production créative [40], grâce auxquelles cette recherche se réalise « d’une manière conforme à la dignité de la personne humaine et à sa nature sociale » [41]. En outre, une orientation stable vers la vérité est essentielle pour que la charité soit authentique et universelle [42].

23. La recherche de la vérité atteint sa plus haute expression dans l’ouverture aux réalités qui [43] transcendent le monde physique et créé. En Dieu, toutes les vérités trouvent leur sens le plus élevé et le plus originel [44]. Se confier à Dieu est un « moment de choix fondamental, dans lequel toute la personne est impliquée » [45]. De cette façon, la personne devient en plénitude ce qu’elle est appelée à être : « L’intelligence et la volonté exercent au maximum leur nature spirituelle pour permettre au sujet d’accomplir un acte dans lequel la liberté personnelle est vécue en plénitude ».

Garde du monde

24. La foi chrétienne considère la création comme un acte libre du Dieu trinitaire qui, comme l’explique saint Bonaventure de Bagnoregio, crée « non pour accroître sa propre gloire, mais pour la manifester et la communiquer » [46]. Puisque Dieu crée selon sa sagesse (cf. Sg 9,9 ; Jr 10,12), le monde créé est imprégné d’un ordre intrinsèque qui reflète son dessein (cf. Gn 1 ; Dn 2,21-22 ; Is 45,18 ; Ps 74,12-17 ; 104) [47], au sein duquel il a appelé les êtres humains à assumer un rôle particulier : celui de cultiver et de prendre soin du monde [48].

25. Façonné par l’Artisan divin, l’être humain vit son identité d’être à l’image de Dieu en « gardant » et en « cultivant » (cf. Gn 2,15) la création, en exerçant son intelligence et son habileté pour l’assister et la faire se développer selon le dessein du Père [49]. En cela, l’intelligence humaine reflète l’Intelligence divine qui a créé toutes choses (cf. Gn 1-2 ; Jn 1) [50], les soutient continuellement et les conduit à leur fin ultime en Lui [51]. En outre, les êtres humains sont appelés à développer leurs capacités dans le domaine de la science et de la technologie parce qu’en elles, Dieu est glorifié (cf. Sir 38,6). Par conséquent, dans une juste relation avec la création, d’une part, les êtres humains emploient leur intelligence et leur habileté pour coopérer avec Dieu en guidant la création vers le but auquel Il l’a appelée [52], tandis que, d’autre part, le monde lui-même, comme l’observe saint Bonaventure, aide l’esprit humain à « s’élever graduellement, comme par les différents degrés d’une échelle, jusqu’au principe le plus élevé qu’est Dieu » [53].

Une compréhension intégrale de l’intelligence humaine

26. Dans ce contexte, l’intelligence humaine apparaît plus clairement comme une faculté qui fait partie intégrante de la manière dont la personne entière s’engage dans la réalité. L’engagement authentique exige d’embrasser toute l’étendue de l’être : spirituel, cognitif, incarné et relationnel.

27. Cet intérêt pour la réalité se manifeste de diverses manières, car chaque personne, dans son caractère unique aux multiples facettes [54], cherche à comprendre le monde, entre en relation avec les autres, résout des problèmes, exprime sa créativité et recherche un bien-être intégral grâce à la synergie des différentes dimensions de l’intelligence [55]. Cela implique des capacités logiques et linguistiques, mais peut également inclure d’autres façons d’interagir avec la réalité. Pensez au travail de l’artisan, qui « doit être capable de discerner dans la matière inerte une forme particulière que les autres ne peuvent pas reconnaître » [56] et de la mettre en lumière grâce à son intuition et à son habileté. Les peuples indigènes qui vivent près de la terre possèdent souvent un sens profond de la nature et de ses cycles [57]. De même, l’ami qui sait trouver le mot juste, ou la personne qui sait bien gérer les relations humaines, illustrent une intelligence qui est « le fruit de la réflexion, du dialogue et de la rencontre généreuse entre les personnes » [58]. Comme le fait remarquer le pape François, « à l’ère de l’intelligence artificielle, nous ne pouvons pas oublier que la poésie et l’amour sont nécessaires pour sauver l’humain » [59].

28. Au cœur de la vision chrétienne de l’intelligence se trouve l’intégration de la vérité dans la vie morale et spirituelle de la personne, orientant ses actions à la lumière de la bonté et de la vérité de Dieu. Selon son dessein, l’intelligence entendue au sens plein comprend aussi la possibilité de savourer ce qui est vrai, bon et beau, et l’on peut donc dire, comme le poète français du XXe siècle Paul Claudel, que « l’intelligence n’est rien sans la délectation » [60]. Même Dante Alighieri, lorsqu’il atteint le plus haut des cieux au Paradis, peut témoigner que le point culminant de ce plaisir intellectuel se trouve dans « Luce intellettüal, piena d’amore ; / amor di vero ben, pien di letizia ; / letizia che trascende ogne dolzore » [61].

29. Une conception correcte de l’intelligence humaine ne peut donc pas être réduite à la simple acquisition de faits ou à la capacité d’accomplir certaines tâches spécifiques ; elle implique au contraire l’ouverture de la personne aux questions ultimes de la vie et reflète une orientation vers le Vrai et le Bien [62]. Expression de l’image divine dans la personne, l’intelligence est capable d’accéder à la totalité de l’être, c’est-à-dire de considérer l’existence dans sa globalité qui ne s’épuise pas dans ce qui est mesurable, et de saisir ainsi le sens de ce qu’elle est parvenue à comprendre. Pour les croyants, cette capacité implique, d’une manière particulière, la possibilité de croître dans la connaissance des mystères de Dieu à travers l’approfondissement rationnel des vérités révélées (intellectus fidei) [63]. La véritable intelligentia est façonnée par l’amour divin, qui « a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint » (Rm 5,5). Il s’ensuit que l’intelligence humaine possède une dimension contemplative essentielle, c’est-à-dire une ouverture désintéressée à ce qui est Vrai, Bon et Beau au-delà de toute utilité particulière.

Limites de l’IA

30. À la lumière de ce qui précède, les différences entre l’intelligence humaine et les systèmes d’IA actuels semblent évidentes. Bien qu’il s’agisse d’une réalisation technologique extraordinaire capable d’imiter certaines opérations associées à la rationalité, l’IA ne fonctionne qu’en effectuant des tâches, en atteignant des objectifs ou en prenant des décisions basées sur des données quantitatives et une logique informatique. Grâce à son pouvoir d’analyse, par exemple, elle excelle à intégrer des données provenant de divers domaines, à modéliser des systèmes complexes et à faciliter les liens interdisciplinaires. Elle pourrait ainsi faciliter la collaboration entre experts pour résoudre des problèmes dont la complexité est telle qu’ils « ne peuvent être abordés d’un seul point de vue ou à partir d’un seul ensemble d’intérêts » [64].

31. Cependant, bien que l’IA traite et simule certaines expressions de l’intelligence, elle reste fondamentalement confinée dans un cadre logico-mathématique, ce qui lui impose certaines limites inhérentes. Alors que l’intelligence humaine se développe continuellement de manière organique au cours de la croissance physique et psychologique d’une personne et qu’elle est façonnée par une myriade d’expériences vécues dans le corps, l’IA n’a pas la capacité d’évoluer dans ce sens. Bien que les systèmes avancés puissent « apprendre » grâce à des processus tels que l’apprentissage automatique, ce type de formation est essentiellement différent du développement de l’intelligence humaine, qui est façonnée par ses expériences corporelles : stimuli sensoriels, réponses émotionnelles, interactions sociales et contexte unique qui caractérise chaque moment. Ces éléments façonnent et forment l’individu dans son histoire personnelle. En revanche, l’IA, dépourvue de corps physique, s’appuie sur le raisonnement et l’apprentissage computationnels à partir de vastes ensembles de données comprenant des expériences et des connaissances pourtant collectées par des êtres humains.

32. Par conséquent, bien que l’IA puisse simuler certains aspects du raisonnement humain et exécuter certaines taches avec une rapidité et une efficacité incroyables, ses capacités de calcul ne représentent qu’une fraction des possibilités les plus larges de l’esprit humain. Ainsi, elle ne peut pas actuellement reproduire le discernement moral et la capacité d’établir d’authentiques relations. En outre, l’intelligence de la personne s’insère à l’intérieur d’une histoire de formation intellectuelle et morale vécue à un niveau personnel, qui modèle de façon essentielle la perspective de chaque personne, en impliquant les dimensions physique, émotive, sociale, morale et spirituelle de sa vie. Comme l’IA ne peut offrir cette profondeur de compréhension, des approches fondées uniquement sur cette technologie ou qui la prennent comme chemin d’accès principal à l’interprétation du monde peuvent amener à faire « perdre le sens de la totalité, des relations qui existent entre les choses, d’un horizon large » [65].

33. L’intelligence humaine ne consiste pas principalement à accomplir des tâches fonctionnelles, mais plutôt à comprendre et à s’engager activement dans la réalité sous tous ses aspects ; elle est également capable d’intuitions surprenantes. Comme l’IA ne possède pas la richesse de la corporalité, de la relationnalité et de l’ouverture du cœur humain à la vérité et à la bonté, ses capacités, bien qu’apparemment infinies, sont incomparables à la capacité humaine d’appréhender la réalité. On peut apprendre beaucoup d’une maladie, tout comme on peut apprendre d’une étreinte de réconciliation, et même d’un simple coucher de soleil. Tout ce que nous vivons en tant qu’êtres humains nous ouvre de nouveaux horizons et nous offre la possibilité d’atteindre une nouvelle sagesse. Aucun appareil, qui ne fonctionne qu’avec des données, ne peut égaler ces expériences et tant d’autres dans nos vies.

34. Établir une équivalence trop forte entre l’intelligence humaine et l’IA comporte le risque de succomber à une vision fonctionnaliste, selon laquelle les personnes sont valorisées en fonction des tâches qu’elles peuvent accomplir. Or, la valeur d’une personne ne dépend pas de la possession de capacités singulières, de réalisations cognitives et technologiques ou de succès individuels, mais de sa dignité intrinsèque fondée sur le fait qu’elle est créée à l’image de Dieu [66]. Par conséquent, cette dignité reste intacte en toutes circonstances, même chez ceux qui sont incapables d’exercer leurs capacités, qu’il s’agisse d’un enfant à naître, d’une personne inconsciente ou d’une personne âgée souffrante [67]. Elle sous-tend la tradition des droits de l’homme – en particulier ce que l’on appelle aujourd’hui les « neurodroits » – qui « constituent un point de convergence important dans la recherche d’un terrain d’entente » [68] et peuvent donc servir de guide éthique fondamental dans les discussions sur le développement et l’utilisation responsables de l’IA.

35. À la lumière de cela, comme le note le Pape François, « l’utilisation même du mot “intelligence” » en référence à l’IA « est trompeuse » [69] et risque de négliger ce qu’il y a de plus précieux dans la personne humaine. Dans cette perspective, l’IA ne doit pas être considérée comme une forme artificielle d’intelligence, mais comme l’un de ses produits [70].

Le rôle de l’éthique dans l’orientation du développement et de l’utilisation de l’IA

36. À partir de ces considérations, on peut se demander comment l’IA peut être comprise dans le cadre du dessein de Dieu. L’activité technico-scientifique n’est pas neutre, car elle est une entreprise humaine qui met en question les dimensions humanistes et culturelles de l’ingéniosité humaine [71].

37. Considérées comme le fruit des potentialités inscrites dans l’intelligence humaine [72], la recherche scientifique et le développement des compétences techniques font partie de la « collaboration de l’homme et de la femme avec Dieu pour amener la création visible à la perfection » [73]. En même temps, toutes les réalisations scientifiques et technologiques sont en fin de compte des dons de Dieu [74]. Par conséquent, les êtres humains doivent toujours utiliser leurs dons en vue de l’objectif supérieur pour lequel il les a accordés [75].

38. Nous pouvons reconnaître avec gratitude que la technologie a « remédié à d’innombrables maux qui affligeaient et limitaient les êtres humains » [76], et nous pouvons tous nous en réjouir. Néanmoins, toutes les innovations technologiques ne représentent pas en elles-mêmes un véritable progrès [77]. L’Église est donc particulièrement opposée aux applications qui menacent le caractère sacré de la vie ou la dignité de la personne [78]. Comme toute autre entreprise humaine, le développement technologique doit être orienté vers le service de la personne et contribuer aux efforts visant à atteindre « une plus grande justice, une plus grande fraternité et un ordre plus humain des relations sociales », qui sont « plus précieux que le progrès dans le domaine technique » [79]. Les préoccupations concernant les implications éthiques du développement technologique sont partagées non seulement par l’Église, mais aussi par les scientifiques, les chercheurs en technologie et les associations professionnelles, qui appellent de plus en plus à une réflexion éthique pour orienter ce progrès de manière responsable.

39. Pour relever ces défis, il convient d’attirer l’attention sur l’importance de la responsabilité morale fondée sur la dignité et la vocation de la personne. Ce principe est également valable pour les questions liées à l’IA. Ici, la dimension éthique est primordiale puisque ce sont les personnes qui conçoivent les systèmes et qui déterminent à quoi ils servent [80]. Entre une machine et un être humain, seul ce dernier est véritablement un agent moral, c’est-à-dire un sujet moralement responsable qui exerce sa liberté dans ses décisions et en assume les conséquences [81] ; seul l’être humain est en relation avec la vérité et le bien, guidé par la conscience morale qui l’appelle « à aimer, à faire le bien et à éviter le mal » [82], attestant de « l’autorité de la vérité en référence au Bien suprême, dont la personne humaine ressent l’attrait » [83] ; seul l’être humain peut être suffisamment conscient de lui-même pour pouvoir écouter et suivre la voix de la conscience, en discernant avec prudence et en recherchant le bien possible dans chaque situation [84]. En effet, cela aussi fait partie de l’exercice de l’intelligence de la personne.

40. Comme tout produit de l’ingéniosité humaine, l’IA peut être utilisée à des fins positives ou négatives [85]. Lorsqu’elle est utilisée de manière à respecter la dignité humaine et à promouvoir le bien-être des individus et des communautés, elle peut contribuer favorablement à la vocation humaine. Toutefois, comme dans tous les domaines où l’être humain est appelé à prendre des décisions, l’ombre du mal s’étend ici aussi. Là où la liberté humaine permet de choisir le mal, l’évaluation morale de cette technologie dépend de la manière dont elle est orientée et employée.

41. Cependant, ce ne sont pas seulement les fins mais aussi les moyens employés pour les atteindre qui sont éthiquement significatifs ; la vision globale et la compréhension de la personne intégrée dans de tels systèmes sont également importantes. Les produits technologiques reflètent la vision du monde de leurs concepteurs, propriétaires, utilisateurs et régulateurs [86] et, grâce à leur pouvoir, ils « façonnent le monde et engagent les consciences au niveau des valeurs » [87]. Au niveau sociétal, certains développements technologiques peuvent également renforcer les relations et les dynamiques de pouvoir qui ne sont pas conformes à une vision correcte de l’individu et de la société.

42. Par conséquent, les fins et les moyens utilisés dans une application donnée de l’IA, ainsi que la vision globale qu’elle incarne, doivent être évalués pour s’assurer qu’ils respectent la dignité humaine et promeuvent le bien commun [88]. En effet, comme l’a dit le pape François, la « dignité intrinsèque de tout homme et de toute femme » doit être « le critère clé dans l’évaluation des technologies émergentes, qui révèlent leur positivité éthique dans la mesure où elles aident à manifester cette dignité et à en accroître l’expression, à tous les niveaux de la vie humaine » [89], y compris dans les sphères sociale et économique. En ce sens, l’intelligence humaine joue un rôle crucial non seulement dans la conception et la production des technologies, mais aussi dans l’orientation de leur utilisation en fonction du bien authentique de la personne [90]. La responsabilité d’exercer cette gestion avec sagesse appartient à tous les niveaux de la société, sous la conduite du principe de subsidiarité et des autres principes de la Doctrine sociale de l’Église.

Une aide à la liberté humaine et à la prise de décision

43. L’engagement de veiller à ce que l’IA respecte et promeuve toujours la valeur suprême de la dignité de chaque être humain et la plénitude de sa vocation est un critère de discernement qui concerne les développeurs, les propriétaires, les opérateurs et les régulateurs, ainsi que les utilisateurs finaux, et qui reste valable pour toutes les utilisations de la technologie à tous les niveaux.

44. Une analyse des implications de ce principe pourrait donc commencer par l’examen de l’importance de la responsabilité morale. Étant donné que la causalité morale au sens plein n’appartient qu’aux agents personnels, et non aux agents artificiels, il est de la plus haute importance de pouvoir identifier et définir qui est responsable des processus d’IA, en particulier de ceux qui comportent des possibilités d’apprentissage, de correction et de reprogrammation. Si les méthodes empiriques (bottom-up) et les réseaux neuronaux très profonds permettent à l’IA de résoudre des problèmes complexes, ils rendent également difficile la compréhension des processus qui ont conduit à ces solutions. Cela complique l’établissement des responsabilités, car si une application d’IA devait produire des résultats indésirables, il deviendrait difficile de déterminer à qui les attribuer. Pour résoudre ce problème, il faut tenir compte de la nature des processus de responsabilité dans des contextes complexes et hautement automatisés, où les résultats ne sont souvent observables qu’à moyen ou long terme. Il est donc important que la personne qui prend des décisions sur la base de l’IA en soit tenue pour responsable et qu’il soit possible de rendre compte de l’utilisation de l’IA à chaque étape du processus décisionnel [91].

45. Outre la détermination des responsabilités, il convient d’établir les finalités assignées aux systèmes d’IA. Bien qu’ils puissent utiliser des mécanismes d’apprentissage autonome non supervisés et suivre parfois des chemins qui ne peuvent être reconstruits, ils poursuivent en fin de compte des objectifs qui leur ont été assignés par l’homme et sont régis par des processus établis par ceux qui les ont conçus et programmés. Il s’agit là d’un défi car, à mesure que les modèles d’IA deviennent de plus en plus capables d’apprentissage autonome, la possibilité d’exercer un contrôle sur eux afin de s’assurer que ces applications servent les objectifs humains peut être réduite. Cela pose le problème crucial de savoir comment s’assurer que les systèmes d’IA sont commandés pour le bien des personnes et non contre elles.

46. Si l’utilisation éthique des systèmes d’IA interpelle en premier lieu ceux qui les développent, les produisent, les gèrent et les supervisent, cette responsabilité est également partagée par les utilisateurs. En effet, comme l’a observé le pape François, « ce que fait la machine est un choix technique entre plusieurs possibilités et se fonde soit sur des critères bien définis, soit sur des déductions statistiques. L’être humain, en revanche, non seulement choisit, mais dans son cœur il est capable de décider » [92]. Ceux qui utilisent l’IA pour effectuer une tâche et en suivre les résultats créent un contexte dans lequel ils sont en fin de compte responsables du pouvoir qu’ils ont délégué. Par conséquent, dans la mesure où l’IA peut aider les humains à prendre des décisions, les algorithmes qui la pilotent doivent être fiables, sûrs, suffisamment robustes pour gérer les incohérences et transparents dans leur fonctionnement afin d’atténuer les biais et les effets secondaires indésirables [93]. Les cadres réglementaires doivent garantir que toutes les entités juridiques peuvent rendre compte de l’utilisation de l’IA et de toutes ses conséquences, avec des mesures appropriées pour garantir la transparence, la confidentialité et la responsabilité [94]. En outre, les utilisateurs devraient veiller à ne pas devenir trop dépendants de l’IA pour leurs décisions, ce qui augmenterait le degré déjà élevé de subordination à la technologie qui caractérise la société contemporaine.

47. L’enseignement moral et social de l’Église contribue à préparer une utilisation de l’IA qui préserve la capacité d’action de l’homme. Les considérations relatives à la justice, par exemple, devraient porter sur des questions telles que l’encouragement d’une dynamique sociale juste, la défense de la sécurité internationale et la promotion de la paix. En faisant preuve de prudence, les individus et les communautés peuvent discerner comment utiliser l’IA au profit de l’humanité, tout en évitant les applications susceptibles de porter atteinte à la dignité humaine ou de nuire à la planète. Dans ce contexte, le concept de « responsabilité » devrait être compris non seulement dans son sens le plus étroit, mais aussi comme le fait de « prendre soin de l’autre, et pas seulement […] de rendre compte de ce que l’on a fait » [95].

48. Par conséquent, l’IA, comme toute technologie, peut faire partie d’une réponse consciente et responsable à la vocation de l’humanité à la bonté. Toutefois, comme nous l’avons vu plus haut, elle doit être dirigée par l’intelligence humaine de manière à s’aligner sur cette vocation, en garantissant le respect de la dignité de la personne. Reconnaissant cette « éminente dignité », le Concile Vatican II affirme que « l’ordre social […] et son progrès doivent toujours faire prévaloir le bien des personnes » [96]. À la lumière de cela, l’utilisation de l’IA, comme l’a dit le pape François, doit être accompagnée par « une éthique fondée sur une vision du bien commun, une éthique de la liberté, de la responsabilité et de la fraternité, capable de favoriser le plein développement des personnes en relation avec les autres et avec la création » [97].

Questions spécifiques

49. Dans cette perspective générale, les points suivants illustreront comment les arguments exposés ci-dessus peuvent contribuer à fournir une orientation dans des situations concrètes, conformément à la « sagesse du cœur » proposée par le Pape François [98]. Sans être exhaustive, cette proposition est offerte au service d’un dialogue qui cherche à identifier les manières dont l’EI peut défendre la dignité humaine et promouvoir le bien commun [99].

IA et société

50. Comme l’a dit le pape François, « la dignité intrinsèque de chaque personne et la fraternité qui nous lie en tant que membres de l’unique famille humaine doivent être à la base du développement des nouvelles technologies et servir de critères indiscutables pour les évaluer avant leur utilisation » [100].

51. Dans cette optique, l’IA pourrait « introduire des innovations majeures dans les domaines de l’agriculture, de l’éducation et de la culture, une amélioration du niveau de vie de nations et de peuples entiers, le développement de la fraternité humaine et de l’amitié sociale », et ainsi être « utilisée pour promouvoir le développement humain intégral » [101]. Elle pourrait également aider les organisations à identifier les personnes dans le besoin et à lutter contre les cas de discrimination et de marginalisation. Par ces moyens et d’autres similaires, l’IA pourrait contribuer au développement humain et au bien commun [102].

52. Cependant, si l’IA offre de nombreuses possibilités pour le bien, elle peut également entraver, voire s’opposer au développement humain et au bien commun. Le pape François a noté que « les données recueillies jusqu’à présent semblent suggérer que les technologies numériques ont servi à accroître les inégalités dans le monde. Non seulement les différences de richesse matérielle, qui sont importantes, mais aussi les différences d’accès à l’influence politique et sociale » [103]. En ce sens, l’IA pourrait être utilisée pour prolonger les situations de marginalisation et de discrimination, pour créer de nouvelles formes de pauvreté, pour élargir la « fracture numérique » et exacerber les inégalités sociales [104].

53. En outre, le fait que la majeure partie du pouvoir sur les principales applications de l’IA soit actuellement concentrée entre les mains de quelques entreprises puissantes soulève d’importantes préoccupations éthiques. Ce problème est exacerbé par la nature même des systèmes d’IA, dans lesquels aucun individu n’est en mesure d’exercer un contrôle total sur les ensembles de données vastes et complexes utilisés pour les calculs. Cette absence de responsabilité bien définie entraîne le risque que l’IA soit manipulée à des fins personnelles ou commerciales, ou pour orienter l’opinion publique vers les intérêts d’un secteur. Ces entités, motivées par leurs propres intérêts, ont la capacité d’exercer « des formes de contrôle aussi subtiles qu’invasives, créant des mécanismes de manipulation des consciences et du processus démocratique » [105].

54. À cela s’ajoute le risque que l’IA soit utilisée pour promouvoir ce que le pape François a appelé le « paradigme technocratique », qui tend à résoudre tous les problèmes du monde par les seuls moyens technologiques [106]. Selon ce paradigme, la dignité humaine et la fraternité sont souvent mises de côté au nom de l’efficacité, « comme si la réalité, la bonté et la vérité fleurissaient spontanément du pouvoir même de la technologie et de l’économie » [107]. Au contraire, la dignité humaine et le bien commun ne devraient jamais être négligés au nom de l’efficacité [108], car « les développements technologiques qui ne conduisent pas à une amélioration de la qualité de vie de toute l’humanité, mais qui au contraire exacerbent les inégalités et les conflits, ne peuvent jamais être considérés comme un véritable progrès » [109]. L’IA devrait plutôt être mise « au service d’un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social et plus intégral » [110].

55. Pour y parvenir, il faut approfondir la réflexion sur le rapport entre autonomie et responsabilité, car une plus grande autonomie implique une plus grande responsabilité de chacun dans les différents aspects de la vie commune. Pour les chrétiens, le fondement de cette responsabilité est la reconnaissance que toute capacité humaine, y compris l’autonomie personnelle, vient de Dieu et est destinée à être mise au service des autres [111]. Par conséquent, plutôt que de se limiter à la poursuite d’objectifs économiques ou technologiques, l’IA devrait être utilisée en faveur du « bien commun de toute la famille humaine », c’est-à-dire de l’ensemble « des conditions de la vie sociale qui permettent aux groupes comme aux individus d’atteindre plus pleinement et plus rapidement leur propre perfection » [112].

56. Le Concile Vatican II affirme que l’être humain, par « sa nature la plus intime, est un être social et que, sans relations avec les autres, il ne peut ni vivre ni exprimer ses dons » [113]. Cette conviction souligne que la vie en société appartient à la nature et à la vocation de la personne [114]. En tant qu’être social, l’homme recherche des relations qui impliquent l’échange mutuel et la recherche de la vérité, de sorte que, « pour s’aider mutuellement dans leur recherche, ils se révèlent les uns aux autres la vérité qu’ils ont découverte ou qu’ils croient avoir découverte » [115].

57. Cette recherche, comme d’autres aspects de la communication humaine, suppose la rencontre et l’échange mutuel entre des personnes qui portent en elles l’empreinte de leur histoire, de leurs pensées, de leurs croyances et de leurs relations. Nous ne pouvons pas non plus oublier que l’intelligence humaine est une réalité multiple, multiforme et complexe : individuelle et sociale, rationnelle et affective, conceptuelle et symbolique. Le pape François souligne cette dynamique en indiquant que « nous pouvons chercher la vérité ensemble dans le dialogue, dans une conversation calme ou une discussion passionnée. C’est un chemin persévérant, fait aussi de silences et de souffrances, capable de recueillir patiemment la vaste expérience des personnes et des peuples. [Le problème est qu’un chemin de fraternité, local et universel, ne peut être parcouru que par des esprits libres et prêts à s’engager dans de vraies rencontres » [116].

L’IA et les relations humaines

58. C’est dans ce contexte que les défis posés par l’IA aux relations humaines peuvent être envisagés. Comme d’autres moyens technologiques, l’IA a la capacité de favoriser les liens au sein de la famille humaine. Toutefois, l’IA pourrait également entraver une rencontre authentique avec la réalité et, en fin de compte, conduire les gens à « une insatisfaction profonde et mélancolique dans les relations interpersonnelles, ou à un isolement préjudiciable » [117]. Or, les relations humaines authentiques requièrent la richesse humaine de savoir être avec les autres, de partager leurs peines, leurs exigences et leurs joies [118]. L’intelligence humaine s’exprimant et s’enrichissant également de manière interpersonnelle et incarnée, les rencontres authentiques et spontanées avec les autres sont indispensables pour s’engager dans la réalité dans sa globalité.

59. Précisément parce que « la vraie sagesse présuppose une rencontre avec la réalité » [119], les progrès de l’IA présentent un défi supplémentaire : comme elle peut effectivement imiter les travaux de l’intelligence humaine, on ne peut plus considérer comme acquise la capacité de comprendre si l’on interagit avec un être humain ou une machine. Bien que l’IA « générative » soit capable de produire du texte, de la parole, des images et d’autres résultats avancés qui sont généralement l’œuvre d’êtres humains, elle doit être considérée pour ce qu’elle est : un outil et non une personne [120]. Cette distinction est souvent obscurcie par le langage utilisé par les praticiens, qui tend à anthropomorphiser l’IA et donc à brouiller la frontière entre ce qui est humain et ce qui est artificiel.

60. L’anthropomorphisation de l’IA pose des problèmes particuliers pour la croissance des enfants, qui peuvent se sentir encouragés à développer des modèles d’interaction qui comprennent les relations humaines de manière utilitaire, comme c’est le cas avec les chatbots. De telles approches risquent de conduire les jeunes à percevoir les enseignants comme des dispensateurs d’informations et non comme des professeurs qui les guident et les accompagnent dans leur développement intellectuel et moral. Les relations authentiques, enracinées dans l’empathie et l’engagement loyal pour le bien de l’autre, sont essentielles et irremplaçables pour favoriser le plein développement de la personne.

61. Dans ce contexte, il est important de préciser – même si une terminologie anthropomorphique est souvent utilisée – qu’aucune application de l’IA ne peut réellement ressentir de l’empathie. Les émotions ne peuvent être réduites à des expressions faciales ou à des phrases générées en réponse à des demandes d’utilisateurs ; au contraire, les émotions sont comprises dans la manière dont une personne, dans son ensemble, se rapporte au monde et à sa propre vie, le corps jouant un rôle central. L’empathie requiert la capacité d’écouter, de reconnaître l’unicité irréductible de l’autre, d’accueillir son altérité et aussi de comprendre le sens de ses silences [121]. Contrairement à la sphère des jugements analytiques, dans laquelle l’IA prédomine, la véritable empathie existe dans la sphère relationnelle. Elle implique de percevoir et de faire sienne l’expérience de l’autre, tout en maintenant la distinction de chaque individu [122]. Bien que l’IA puisse simuler des réponses empathiques, la nature nettement personnelle et relationnelle de l’empathie authentique ne peut être reproduite par des systèmes artificiels [123].

62. Par conséquent, il faut toujours éviter de présenter l’IA comme une personne, et le faire à des fins frauduleuses constitue une grave violation de l’éthique susceptible d’éroder la confiance sociale. De même, l’utilisation de l’IA pour tromper dans d’autres contextes – tels que l’éducation ou les relations humaines, y compris la sphère de la sexualité – doit être considérée comme contraire à l’éthique et nécessite une vigilance particulière afin de prévenir d’éventuels dommages, de maintenir la transparence et de garantir la dignité de tous [124].

63. Dans un monde de plus en plus individualiste, certains se sont tournés vers l’IA à la recherche de relations humaines profondes, d’une simple compagnie ou même de liens affectifs. Cependant, tout en reconnaissant que les êtres humains sont faits pour vivre des relations authentiques, il faut rappeler que l’IA ne peut que les simuler. Ces relations avec d’autres êtres humains font partie intégrante de la manière dont une personne humaine grandit pour devenir ce qu’elle est censée être. Par conséquent, si l’IA est utilisée pour favoriser des contacts authentiques entre les personnes, elle peut contribuer de manière positive à la pleine réalisation de la personne ; à l’inverse, si nous remplaçons ces relations et la relation avec Dieu par des moyens technologiques, nous risquons de remplacer la relation authentique par un simulacre sans vie (cf. Ps 160,20 ; Rm 1,22-23). Au lieu de nous retirer dans des mondes artificiels, nous sommes appelés à nous impliquer de manière sérieuse et engagée dans le monde, au point de nous identifier aux pauvres et aux souffrants, de consoler ceux qui souffrent et de créer des liens de communion avec tous.

IA, économie et travail

64. Compte tenu de sa nature transversale, l’IA est également de plus en plus appliquée dans les systèmes économiques et financiers. Actuellement, les investissements les plus prononcés sont observés dans le secteur technologique ainsi que dans ceux de l’énergie, de la finance et des médias, avec une référence particulière aux domaines du marketing et des ventes, de la logistique, de l’innovation technologique, de la conformité et de la gestion des risques. L’application à ces domaines révèle la nature ambivalente de l’IA, source d’énormes opportunités mais aussi de risques profonds. Une première criticité réelle découle de la possibilité que, du fait de la concentration de l’offre en quelques entreprises, ce soient ces dernières qui bénéficient de la valeur créée par l’IA plutôt que les entreprises dans lesquelles elle est utilisée.

65. Par ailleurs, dans la sphère économico-financière, il existe des aspects plus généraux sur lesquels l’IA peut produire des effets qu’il convient d’évaluer avec soin, liés avant tout à l’interaction entre la réalité concrète et le monde numérique. Un premier point à considérer concerne la coexistence d’institutions économiques et financières qui se présentent dans un contexte donné sous des formes différentes et alternatives. Il s’agit d’un facteur à promouvoir car il pourrait apporter des avantages en termes de soutien à l’économie réelle en favorisant son développement et sa stabilité, en particulier en temps de crise. Toutefois, il convient de souligner que les réalités numériques, libérées des contraintes spatiales, tendent à être plus homogènes et impersonnelles qu’une communauté liée à un lieu particulier et à une histoire concrète, avec un parcours commun caractérisé par des valeurs et des espoirs partagés, mais aussi par d’inévitables désaccords et divergences. Cette diversité est un atout indéniable pour la vie économique d’une communauté. Remettre l’économie et la finance entièrement entre les mains de la technologie numérique réduirait cette variété et cette richesse, de sorte que de nombreuses solutions aux problèmes économiques, accessibles par un dialogue naturel entre les parties concernées, risquent de ne plus être viables dans un monde dominé par des procédures et des proximités qui ne sont qu’apparentes.

66. Le monde du travail est un autre domaine où l’impact de l’IA se fait déjà profondément sentir. Comme dans beaucoup d’autres domaines, elle provoque des transformations substantielles dans de nombreuses professions, avec des effets divers. D’une part, l’IA a le potentiel d’accroître les compétences et la productivité, offrant la possibilité de créer des emplois, permettant aux travailleurs de se concentrer sur des tâches plus innovantes et ouvrant de nouveaux horizons à la créativité et à l’inventivité.

67. Cependant, alors que l’IA promet de stimuler la productivité en prenant en charge des tâches ordinaires, les travailleurs sont souvent contraints de s’adapter à la vitesse et aux exigences des machines, au lieu que ces dernières soient conçues pour aider ceux qui travaillent. Ainsi, contrairement aux avantages annoncés de l’IA, les approches actuelles de la technologie peuvent paradoxalement déqualifier les travailleurs, les soumettre à une surveillance automatisée et les reléguer à des tâches rigides et répétitives. La nécessité de suivre le rythme de la technologie peut éroder le sentiment d’autonomie des travailleurs et étouffer les compétences innovantes qu’ils sont appelés à apporter à leur travail [125].

68. L’IA supprime la nécessité de certaines activités précédemment exercées par les humains. Si elle est utilisée pour remplacer les travailleurs humains plutôt que pour les accompagner, il existe un « risque substantiel d’avantage disproportionné pour quelques-uns au détriment de l’appauvrissement du plus grand nombre » [126]. En outre, à mesure que l’IA devient plus puissante, le travail risque de perdre sa valeur dans le système économique. C’est la conséquence logique du paradigme technocratique : le monde d’une humanité asservie à l’efficacité, dans lequel, en fin de compte, le coût de cette humanité doit être réduit. Au contraire, les vies humaines sont précieuses en elles-mêmes, au-delà de leur rendement économique. Le Pape François coûte que, en conséquence de ce paradigme, aujourd’hui « il ne semble pas logique d’investir pour que les laissés-pour-compte, les faibles ou les moins doués puissent faire leur chemin dans la vie » [127]. Et nous devons conclure avec lui que « nous ne pouvons pas permettre qu’un outil aussi puissant et indispensable que l’intelligence artificielle renforce un tel paradigme, mais nous devons plutôt faire de l’intelligence artificielle un rempart précisément contre son expansion » [128].

69. C’est pourquoi il est bon de toujours se rappeler que « dans l’ordre des choses, il faut se conformer à l’ordre des personnes et non l’inverse » [129]. Le travail humain ne doit donc pas être seulement au service du profit, mais « de l’homme : de l’homme considéré dans sa totalité, c’est-à-dire en tenant compte de la hiérarchie de ses besoins matériels et des exigences de sa vie intellectuelle, morale, spirituelle et religieuse » [130]. Dans ce contexte, l’Église reconnaît que le travail n’est « pas seulement […] une façon de gagner son pain », mais aussi « une dimension inaliénable de la vie sociale » et « un moyen de croissance personnelle, d’établir des relations saines, de s’exprimer, de partager des dons, de se sentir coresponsable de l’amélioration du monde et, en fin de compte, de vivre en tant que peuple » [131].

70. Étant donné que le travail « fait partie du sens de la vie sur cette terre, un chemin vers la maturité, le développement humain et l’épanouissement personnel », « nous ne devrions pas chercher à remplacer de plus en plus le travail humain par le progrès technologique : cela nuirait à l’humanité elle-même » [132], mais plutôt nous efforcer de le promouvoir. Dans cette perspective, l’IA devrait assister et non remplacer le jugement humain, tout comme elle ne devrait jamais dégrader la créativité ou réduire les travailleurs à de simples « rouages de la machine ». Par conséquent, « le respect de la dignité des travailleurs et l’importance de l’emploi pour le bien-être économique des individus, des familles et des sociétés, la sécurité de l’emploi et des salaires équitables, devraient être une priorité absolue pour la communauté internationale à mesure que ces formes de technologie pénètrent de plus en plus profondément sur le lieu de travail » [133].

L’IA et les soins de santé

71. En tant que participants à l’œuvre de guérison de Dieu, les professionnels de la santé ont la vocation et la responsabilité d’être « les gardiens et les serviteurs de la vie humaine » [134]. C’est pourquoi la profession de soignant a une « dimension éthique intrinsèque et incontournable », comme le reconnaît le serment d’Hippocrate, qui exige des médecins et des soignants qu’ils s’engagent à « respecter absolument la vie humaine et son caractère sacré » [135]. Cet engagement, à l’instar du bon samaritain, doit être réalisé par des hommes et des femmes « qui ne laissent pas s’édifier une société d’exclusion, mais se font voisins, relèvent et réhabilitent l’homme déchu, pour que le bien soit commun » [136].

72. Dans cette optique, l’IA semble présenter un potentiel énorme pour toute une série d’applications dans le domaine médical, par exemple en facilitant le travail de diagnostic des professionnels de la santé, en facilitant la relation entre les patients et le personnel médical, en proposant de nouveaux traitements et en élargissant l’accès à des soins de qualité, même pour les personnes souffrant de situations d’isolement ou de marginalité. De cette manière, la technologie pourrait renforcer la « proximité compatissante et tendre » [137] des professionnels de la santé à l’égard des malades et des personnes souffrantes.

73. Cependant, si l’IA devait être utilisée non pas pour améliorer, mais pour remplacer entièrement la relation entre les patients et les soignants, laissant les premiers interagir avec une machine plutôt qu’avec un être humain, il y aurait une réduction d’une structure relationnelle humaine très importante dans un système centralisé, impersonnel et inégalitaire. Au lieu d’encourager la solidarité avec les malades et les personnes souffrantes, ces applications de l’IA risqueraient d’aggraver la solitude qui accompagne souvent la maladie, en particulier dans le contexte d’une culture où « les personnes ne sont plus considérées comme une valeur primaire à respecter et à protéger » [138]. Une telle utilisation de ces systèmes ne serait pas conforme au respect de la dignité de la personne et à la solidarité avec les personnes souffrantes.

74. La responsabilité du bien-être du patient et des décisions qui affectent sa vie est au cœur de la profession de santé. Cette responsabilité exige que le personnel médical exerce toute sa compétence et son intelligence pour faire des choix réfléchis et éthiquement motivés concernant les personnes qui lui sont confiées, en respectant toujours la dignité inviolable du patient et le principe du consentement éclairé. Par conséquent, les décisions concernant le traitement des patients et la charge de responsabilité qui y est attachée doivent toujours rester du ressort des individus et ne jamais être déléguées à l’IA [139].

75. Par ailleurs, l’utilisation de l’IA pour déterminer qui doit recevoir un traitement, en se basant principalement sur des critères économiques ou d’efficacité, est un cas particulièrement problématique de « paradigme technocratique » qu’il convient de rejeter [140]. En effet, « optimiser les ressources, c’est les utiliser de manière éthique et solidaire et ne pas pénaliser les plus fragiles » [141] ; sans compter que, dans ce domaine, de tels instruments sont exposés « à des formes de préjugés et de discriminations : les erreurs systémiques peuvent facilement se multiplier, produisant non seulement des injustices dans des cas individuels mais aussi, par effet domino, de véritables formes d’inégalités sociales » [142].

76. En outre, l’intégration de l’IA dans les soins de santé présente également le risque d’amplifier d’autres inégalités déjà existantes en matière d’accès aux soins. Les soins de santé étant de plus en plus axés sur la prévention et les modes de vie, il se peut que les solutions basées sur l’IA favorisent involontairement les populations plus aisées, qui bénéficient déjà d’un meilleur accès aux ressources médicales et à une alimentation de qualité. Cette tendance risque de renforcer le modèle d’une « médecine pour les riches », dans lequel ceux qui ont les moyens financiers bénéficient d’outils de prévention avancés et d’informations médicales personnalisées, tandis que les autres luttent pour accéder aux services les plus élémentaires. Des cadres de gestion équitables sont donc nécessaires pour garantir que l’utilisation de l’IA dans les soins de santé n’exacerbe pas les inégalités existantes, mais serve le bien commun.

L’IA et l’éducation

77. Les paroles du Concile Vatican II restent tout à fait pertinentes : « L’éducation véritable doit promouvoir la formation de la personne humaine en vue de sa finalité ultime et pour le bien des divers groupes dont l’homme fait partie » [143]. Il s’ensuit que l’éducation « n’est jamais un simple processus de transmission de connaissances et de compétences intellectuelles ; elle doit plutôt contribuer à la formation intégrale de la personne dans ses diverses dimensions (intellectuelle, culturelle, spirituelle…), y compris, par exemple, la vie communautaire et les relations vécues au sein de la communauté académique » [144], dans le respect de la nature et de la dignité de la personne humaine.

78. Cette approche implique un engagement à éduquer l’esprit, mais toujours dans le cadre du développement intégral de la personne : « Nous devons briser cette image de l’éducation, selon laquelle éduquer, c’est remplir la tête d’idées. Nous éduquons ainsi des automates, des macrocéphales, et non des personnes. Éduquer, c’est prendre des risques dans la tension entre la tête, le cœur et les mains » [145].

79. Au coeur de ce travail de formation de la personne humaine intégrale se trouve la relation indispensable entre l’enseignant et l’élève. L’enseignant ne se contente pas de transmettre des connaissances, mais il est aussi un modèle des principales qualités humaines et un inspirateur de la joie de la découverte [146]. Sa présence motive les élèves à la fois par les contenus qu’il enseigne et par l’attention qu’il leur porte. Ce lien favorise la confiance, la compréhension mutuelle et la capacité à prendre en compte la dignité et le potentiel uniques de chaque individu. Chez l’élève, cela peut susciter un véritable désir de progresser. La présence physique de l’enseignant crée une dynamique relationnelle que l’IA ne peut pas reproduire, une dynamique qui approfondit l’engagement et nourrit le développement intégral de l’élève.

80. Dans ce contexte, l’IA présente à la fois des opportunités et des défis. Si elle est utilisée avec prudence, dans le cadre d’une véritable relation enseignant-élève et en fonction des objectifs authentiques de l’éducation, elle peut devenir une ressource éducative précieuse, améliorant l’accès à l’éducation et offrant un soutien personnalisé et un retour d’information immédiat aux étudiants. Ces avantages pourraient améliorer l’expérience d’apprentissage, en particulier dans les cas où une attention particulière aux individus est nécessaire ou lorsque les ressources éducatives sont rares.

81. D’autre part, une tâche essentielle de l’éducation est de former « l’intellect à bien raisonner en toutes matières, à tendre vers la vérité et à la saisir » [147], en aidant le « langage de la tête » à se développer en harmonie avec le « langage du cœur » et le « langage des mains » [148]. Ceci est d’autant plus important à une époque marquée par la technologie, où « il ne s’agit plus seulement d’utiliser des outils de communication, mais de vivre dans une culture largement numérisée qui a des impacts profonds sur la notion de temps et d’espace, sur la perception de soi, des autres et du monde, sur la manière de communiquer, d’apprendre, de s’informer et d’entrer en relation avec les autres » [149]. Cependant, au lieu de favoriser « un intellect éduqué » qui « apporte avec lui puissance et grâce à chaque travail et occupation qu’il entreprend » [150], l’utilisation extensive de l’IA dans l’éducation pourrait conduire à une dépendance accrue des étudiants vis-à-vis de la technologie, à une érosion de leur capacité à effectuer certaines activités de manière autonome et à une aggravation de leur dépendance vis-à-vis des écrans [151].

82. En outre, si certains systèmes d’IA sont spécifiquement conçus pour aider les gens à développer leur esprit critique et leurs compétences en matière de résolution de problèmes, de nombreux autres programmes se contentent de fournir des réponses au lieu de pousser les élèves à les trouver eux-mêmes ou à rédiger des textes par eux-mêmes [152]. Au lieu de former les jeunes à accumuler des informations et à fournir des réponses rapides, l’éducation devrait « promouvoir des libertés responsables qui, à la croisée des chemins, savent choisir avec bon sens et intelligence » [153]. A partir de là, « l’éducation à l’utilisation des formes d’intelligence artificielle devrait viser avant tout à promouvoir l’esprit critique. Il est nécessaire que les utilisateurs de tous âges, mais surtout les jeunes, développent une capacité de discernement dans l’utilisation des données et des contenus collectés sur le web ou produits par les systèmes d’intelligence artificielle. Les écoles, les universités et les sociétés scientifiques sont appelées à aider les étudiants et les professionnels à embrasser les aspects sociaux et éthiques du développement et de l’utilisation de la technologie » [154].

83. Comme l’a rappelé saint Jean-Paul II, « dans le monde d’aujourd’hui, caractérisé par une évolution si rapide de la science et de la technologie, les tâches de l’université catholique revêtent une importance et une urgence toujours plus grandes » [155]. En particulier, les universités catholiques sont invitées à être présentes comme de grands laboratoires d’espérance à ce carrefour de l’histoire. Dans une perspective inter- et transdisciplinaire, elles doivent exercer « avec sagesse et créativité » [156], une recherche précise sur ce phénomène, en aidant à mettre en valeur les potentialités salutaires des divers domaines de la science et de la réalité, en les orientant toujours vers des applications éthiquement qualifiées, clairement au service de la cohésion de nos sociétés et du bien commun, en atteignant de nouvelles frontières de dialogue entre la Foi et la Raison.

84. En outre, il est bien connu que les programmes d’IA actuels peuvent fournir des informations déformées ou artefactuelles, conduisant les étudiants à se fier à des contenus inexacts. « De cette manière, on risque non seulement de légitimer les fake news et de renforcer l’avantage d’une culture dominante, mais aussi de saper le processus éducatif in nuce » [157]. Avec le temps, la distinction entre les utilisations appropriées et inappropriées de ces technologies, tant dans l’éducation que dans la recherche, pourrait devenir plus claire. En même temps, un principe directeur décisif est que l’utilisation de l’IA doit toujours être transparente et jamais ambiguë.

IA, désinformation, deepfake et abus

85. L’IA soutient également la dignité de la personne humaine lorsqu’elle est utilisée comme une aide à la compréhension de faits complexes ou comme un guide vers des ressources valables dans la recherche de la vérité [158].

86. Cependant, il existe également un risque sérieux que l’IA génère des contenus manipulés et de fausses informations qui, étant très difficiles à distinguer des données réelles, peuvent facilement induire en erreur. Cela peut se produire accidentellement, comme dans le cas de l’« hallucination » de l’IA, qui se produit lorsqu’un système génératif produit un contenu qui semble refléter la réalité mais qui n’est pas vrai. Bien qu’il soit difficile de gérer ce phénomène, puisque la génération d’informations imitant celles produites par les humains est l’une des principales caractéristiques de l’IA, c’est un défi que de garder ces risques sous contrôle. Les conséquences de ces aberrations et de ces fausses informations peuvent être très graves. Par conséquent, tous ceux qui produisent et utilisent l’IA devraient s’engager à garantir la véracité et l’exactitude des informations traitées par ces systèmes et diffusées au public.

87. Si l’IA a le potentiel latent de générer des contenus fictifs, il existe un problème encore plus préoccupant, celui de son utilisation intentionnelle à des fins de manipulation. Cela peut se produire, par exemple, lorsqu’un opérateur humain ou une organisation génère et diffuse intentionnellement des informations, telles que des images, des vidéos et des deepfakes audio, dans le but de tromper ou de nuire. Un deepfake est une fausse représentation d’une personne qui a été modifiée ou générée par un algorithme d’intelligence artificielle. Le danger que représentent les deepfakes est particulièrement évident lorsqu’ils sont utilisés pour cibler ou nuire à quelqu’un : bien que les images ou les vidéos puissent être artificielles en elles-mêmes, les dommages qu’elles causent sont réels et laissent « de profondes cicatrices dans le cœur de la personne qui les subit », qui se sent ainsi « blessée dans sa dignité humaine » [159].

88. Plus généralement, en faussant « la relation avec les autres et avec la réalité » [160], les produits audiovisuels contrefaits générés par l’IA peuvent progressivement saper les fondements de la société. Cela nécessite une réglementation rigoureuse, car la désinformation, en particulier par le biais de médias contrôlés ou influencés par l’IA, peut se propager involontairement et alimenter la polarisation politique et le mécontentement social. En effet, lorsque la société devient indifférente à la vérité, divers groupes construisent leurs propres versions des « faits », ce qui affaiblit les « relations et interdépendances » [161] qui sous-tendent la vie sociale. Comme les « deepfakes » incitent les gens à tout remettre en question et que le faux contenu généré par l’IA érode la confiance dans ce qui est vu et entendu, la polarisation et les conflits ne feront que s’aggraver. Cette tromperie généralisée n’est pas un problème mineur : elle touche au cœur de l’humanité, démolissant la confiance fondamentale sur laquelle les sociétés sont construites [162].

89. La lutte contre la tromperie alimentée par l’IA n’est pas seulement l’affaire des experts en la matière, mais requiert les efforts de toutes les personnes de bonne volonté. « Si la technologie doit servir la dignité humaine plutôt que lui nuire, et si elle doit promouvoir la paix plutôt que la violence, la communauté humaine doit être proactive en s’attaquant à ces tendances dans le respect de la dignité humaine et en promouvant le bien » [163]. Ceux qui produisent et partagent du matériel généré par l’IA doivent toujours veiller à vérifier la véracité de ce qu’ils diffusent et, dans tous les cas, ils doivent « éviter de partager des mots et des images dégradants pour les êtres humains, et donc exclure ce qui alimente la haine et l’intolérance, avilit la beauté et l’intimité de la sexualité humaine, et exploite les faibles et les sans-défense » [164]. Cela appelle à une prudence constante et à un discernement attentif de la part de chaque utilisateur en ce qui concerne son activité en ligne [165].

IA, vie privée et contrôle

90. Les êtres humains sont intrinsèquement relationnels, de sorte que les données que chaque personne crée dans le monde numérique peuvent être considérées comme une expression objectivée de cette nature relationnelle. En effet, les données ne véhiculent pas seulement des informations, mais aussi des connaissances personnelles et relationnelles qui, dans un contexte de plus en plus numérisé, peuvent devenir un pouvoir sur l’individu. De plus, si certains types de données peuvent concerner des aspects publics de la vie d’une personne, d’autres peuvent toucher à son intimité, voire à sa conscience. En définitive, la vie privée joue un rôle central dans la protection des frontières de la vie intérieure des personnes et dans la garantie de leur liberté d’entrer en relation, de s’exprimer et de prendre des décisions sans être indûment contrôlées. Cette protection est également liée à la défense de la liberté religieuse, car la surveillance numérique peut également être utilisée pour exercer un contrôle sur la vie des croyants et l’expression de leur foi.

91. Il convient d’aborder la question de la vie privée du point de vue du souci de la liberté légitime et de la dignité inaliénable de la personne en toutes circonstances [166]. En ce sens, le Concile Vatican II a inclus le droit « à la sauvegarde de la vie privée » parmi les droits fondamentaux nécessaires « pour mener une vie vraiment humaine », qui doivent être étendus à toutes les personnes en vertu de leur « éminente dignité » [167]. L’Église a en outre affirmé le droit au respect légitime de la vie privée dans le contexte du droit de la personne à une bonne réputation, à la défense de son intégrité physique et mentale, et à être à l’abri des violations et des intrusions indues [168]: autant d’éléments qui relèvent du respect de la dignité intrinsèque de la personne humaine [169].

92. Les progrès du traitement et de l’analyse des données rendus possibles par l’IA permettent de détecter des schémas dans le comportement et la pensée d’une personne, même à partir d’une petite quantité d’informations, ce qui rend la confidentialité des données encore plus nécessaire en tant que sauvegarde de la dignité et de la nature relationnelle de la personne humaine. Comme l’a observé le pape François, « à mesure que se développent des attitudes de fermeture et d’intolérance qui nous isolent des autres, les distances se réduisent ou disparaissent au point de faire perdre le droit à l’intimité. Tout devient une sorte de spectacle qui peut être épié, surveillé, et la vie est exposée à un examen constant » [170].

93. S’il existe des moyens légitimes et appropriés d’utiliser l’IA dans le respect de la dignité humaine et du bien commun, rien ne justifie qu’elle soit utilisée à des fins de contrôle et d’exploitation, pour restreindre la liberté des individus ou pour profiter à quelques-uns au détriment du plus grand nombre. Le risque de surveillance excessive doit être contrôlé par des organismes de contrôle appropriés, de manière à garantir la transparence et la responsabilité publique. Les personnes chargées de ce contrôle ne devraient jamais outrepasser leur autorité, qui doit toujours être en faveur de la dignité et de la liberté de chaque personne en tant que base essentielle d’une société juste et à dimension humaine.

94. En outre, « le respect fondamental de la dignité humaine postule que l’unicité de la personne ne doit pas être identifiée à un ensemble de données » [171]. Cela s’applique particulièrement aux utilisations de l’IA liées à l’évaluation d’individus ou de groupes sur la base de leur comportement, de leurs caractéristiques ou de leur histoire, une pratique connue sous le nom de « notation sociale » : « Dans les processus décisionnels sociaux et économiques, nous devons être prudents avant de confier des jugements à des algorithmes qui traitent des données collectées, souvent subrepticement, sur les individus et leurs caractéristiques et comportements antérieurs. Ces données peuvent être contaminées par des préjugés sociaux et des idées préconçues. D’autant plus que le comportement passé d’un individu ne devrait pas être utilisé pour lui refuser la possibilité de changer, de grandir et de contribuer à la société. Nous ne pouvons pas permettre aux algorithmes de limiter ou de conditionner le respect de la dignité humaine, ni d’exclure la compassion, la miséricorde, le pardon et, surtout, l’ouverture à l’espoir d’un changement chez l’individu » [172].

L’IA et la protection de la maison commune

95. L’IA a de nombreuses applications prometteuses pour améliorer notre relation avec la maison commune qui nous héberge, comme la création de modèles pour prédire les événements météorologiques extrêmes, la proposition de solutions d’ingénierie pour réduire leur impact, la gestion des opérations de sauvetage et la prédiction des mouvements de population [173]. En outre, l’IA peut soutenir l’agriculture durable, optimiser la consommation d’énergie et fournir des systèmes d’alerte précoce pour les urgences de santé publique. Toutes ces avancées pourraient renforcer la résilience face aux défis liés au climat et promouvoir un développement plus durable.

96. Dans le même temps, les modèles d’IA d’aujourd’hui et le matériel qui les supporte nécessitent de grandes quantités d’énergie et d’eau et contribuent de manière significative aux émissions de CO2, en plus d’être gourmands en ressources. Cette réalité est souvent masquée par la manière dont cette technologie est présentée dans l’imaginaire populaire, où des mots comme « nuage » [174] peuvent donner l’impression que les données sont stockées et traitées dans un domaine intangible, distinct du monde physique. Au contraire, le nuage n’est pas un domaine éthéré séparé du monde physique, mais, comme tout dispositif informatique, il a besoin de machines, de câbles et d’énergie. Il en va de même pour la technologie qui sous-tend l’IA. Au fur et à mesure que ces systèmes gagnent en complexité, en particulier les grands modèles de langage (LLM), ils nécessitent des ensembles de données de plus en plus importants, une puissance de calcul accrue et des infrastructures de stockage de données massives. Compte tenu du lourd tribut que ces technologies prélèvent sur l’environnement, le développement de solutions durables est essentiel pour réduire leur impact sur la « maison commune ».

97. Ainsi, comme l’enseigne le Pape François, il est important de « chercher des solutions non seulement dans la technologie, mais aussi dans un changement de l’être humain » [175]. En outre, une conception correcte de la création sait reconnaître que la valeur de toutes les choses créées ne peut être réduite à une simple utilité. Par conséquent, une gestion pleinement humaine de la terre rejette l’anthropocentrisme déformé du paradigme technocratique, qui cherche à « extraire tout ce qui est possible » de la nature [176], et du « mythe du progrès », selon lequel « les problèmes écologiques seront simplement résolus par de nouvelles applications techniques, sans considérations éthiques ni changements fondamentaux » [177]. Cette mentalité doit céder la place à une vision plus holistique qui respecte l’ordre de la création et promeut le bien intégral de la personne humaine, sans négliger la sauvegarde de « notre maison commune » [178].

L’IA et la guerre

98. Le Concile Vatican II et le magistère papal qui l’a suivi ont affirmé avec force que la paix n’est pas la simple absence de guerre et ne se limite pas au maintien d’un équilibre des forces entre des adversaires. Au contraire, selon les mots de saint Augustin, la paix est « la tranquillité de l’ordre » [179]. En effet, la paix ne peut être atteinte sans la protection des biens des personnes, la libre communication, le respect de la dignité des personnes et des peuples et la pratique assidue de la fraternité. La paix est l’œuvre de la justice et l’effet de la charité, et elle ne peut être obtenue par la seule force ou par la seule absence de guerre, mais elle doit être construite avant tout par une diplomatie patiente, par la promotion active de la justice, de la solidarité, du développement humain intégral et du respect de la dignité de toutes les personnes [180]. Ainsi, les instruments destinés à maintenir une certaine paix ne doivent jamais pouvoir être utilisés à des fins d’injustice, de violence ou d’oppression, mais doivent toujours être subordonnés à la « ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples et leur dignité, et à la pratique assidue de la fraternité » [181].

99. Si les capacités analytiques de l’intelligence artificielle peuvent être utilisées pour aider les nations à rechercher la paix et à garantir la sécurité, « l’utilisation de l’intelligence artificielle en temps de guerre » peut s’avérer très problématique. Le pape François a noté que « la possibilité de mener des opérations militaires à l’aide de systèmes de contrôle à distance a conduit à une perception réduite de la dévastation qu’ils causent et de la responsabilité de leur utilisation, contribuant à une approche encore plus froide et plus détachée de l’immense tragédie de la guerre » [182]. De plus, la facilité avec laquelle les armes, rendues autonomes, rendent la guerre plus viable va à l’encontre du principe même de la guerre comme dernier recours en cas de légitime défense [183], augmentant les moyens de guerre bien au-delà de la portée du contrôle humain et accélérant une course aux armements déstabilisante avec des conséquences dévastatrices pour les droits de l’homme [184].

100. En particulier, les systèmes d’armes autonomes létales, capables d’identifier et de frapper des cibles sans intervention humaine directe, sont « une grave source de préoccupation éthique », car ils sont dépourvus de la « capacité humaine exclusive de jugement moral et de prise de décision éthique » [185]. Pour ces raisons, le pape François a appelé de toute urgence à repenser le développement de ces armes afin d’en interdire l’utilisation, « en commençant déjà par un engagement proactif et concret pour introduire un contrôle humain toujours plus grand et significatif. Aucune machine ne devrait jamais choisir de prendre la vie d’un être humain » [186].

101. L’écart entre les machines capables de tuer de manière précise et autonome et celles capables de destruction massive étant faible, certains chercheurs travaillant dans le domaine de l’IA ont exprimé leur inquiétude quant au « risque existentiel » que représente une telle technologie, capable d’agir de manière à menacer la survie de l’humanité ou de régions entières. Cette inquiétude doit être prise au sérieux, dans la lignée des préoccupations actuelles concernant les technologies qui confèrent à la guerre « un pouvoir de destruction incontrôlable, affectant de nombreux civils innocents » [187], n’épargnant même pas les enfants. Dans ce contexte, l’appel de Gaudium et spes à « considérer le thème de la guerre avec une mentalité entièrement nouvelle » [188] est plus urgent que jamais.

102. En même temps, si les risques théoriques de l’IA méritent l’attention, il existe également des dangers plus urgents et plus immédiats concernant la manière dont des individus mal intentionnés pourraient l’utiliser [189]. L’IA, comme tout autre outil, est une extension du pouvoir de l’humanité, et bien que nous ne puissions pas prédire tout ce qu’elle sera capable d’accomplir, on sait malheureusement bien ce que les humains sont capables de faire. Les atrocités déjà commises au cours de l’histoire de l’humanité suffisent à susciter de vives inquiétudes quant aux abus potentiels de l’IA.

103. Comme l’a observé saint Jean-Paul II, « l’humanité possède aujourd’hui des instruments d’une puissance sans précédent : elle peut faire de ce monde un jardin ou le réduire à un tas de décombres » [190]. Dans cette perspective, l’Église rappelle, avec le Pape François, que « la liberté humaine peut soit offrir sa contribution intelligente à une évolution positive », soit se transformer « en un chemin de décadence et de destruction réciproque » [191]. Pour éviter que l’humanité ne s’engage dans des spirales d’autodestruction [192], il est nécessaire de prendre clairement position contre toutes les applications de la technologie qui menacent intrinsèquement la vie et la dignité de la personne humaine. Un tel engagement exige un discernement minutieux quant à l’utilisation de l’IA, en particulier dans le domaine de la défense militaire, afin de s’assurer qu’elle respecte toujours la dignité humaine et sert le bien commun. Le développement et l’utilisation de l’IA dans le domaine de l’armement devraient être soumis aux plus hauts niveaux d’examen éthique, en veillant à ce que la dignité humaine et le caractère sacré de la vie soient respectés [193].

L’IA et la relation de l’humanité avec Dieu

104. La technologie offre des moyens efficaces pour découvrir et exploiter les ressources de la planète, même si, dans certains cas, l’humanité cède de plus en plus le contrôle de ces ressources aux machines. Dans certains cercles de scientifiques et de futurologues, un certain optimisme règne quant au potentiel de l’intelligence artificielle générale (IAG), une forme hypothétique d’IA qui pourrait rattraper ou surpasser l’intelligence humaine et conduire à des progrès dépassant l’imagination. Certains pensent même que l’IAG serait capable d’atteindre des capacités surhumaines. Alors que la société s’éloigne du lien avec le transcendant, certains sont tentés de se tourner vers l’IA en quête de sens ou d’épanouissement, des désirs qui ne peuvent trouver leur véritable satisfaction que dans la communion avec Dieu [194].

105. Cependant, la présomption de remplacer Dieu par une œuvre de ses propres mains est une idolâtrie, contre laquelle l’Écriture Sainte met en garde (par exemple Ex 20, 4 ; 32, 1-5 ; 34, 17). En outre, l’IA peut être encore plus séduisant que les idoles traditionnelles : en effet, contrairement à ces dernières, qui « ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas » (Ps 115, 5-6), l’IA peut « parler » ou, du moins, en donner l’illusion (cf. Ap 13, 15). Il faut plutôt se rappeler que l’IA n’est qu’un pâle reflet de l’humanité, étant produite par des esprits humains, formée à partir de matériel produit par des êtres humains, prédisposée à des stimuli humains et soutenue par un travail humain. Elle ne peut pas disposer de nombreuses capacités propres à la vie humaine et elle est également faillible. Par conséquent, en cherchant en elle un « Autre » plus grand avec lequel partager son existence et sa responsabilité, l’humanité risque de créer un substitut de Dieu. En fin de compte, ce n’est pas l’IA qui est déifiée et adorée, mais l’être humain, qui devient ainsi l’esclave de son propre travail [195].

106. Bien qu’elle puisse être mise au service de l’humanité et contribuer au bien commun, l’IA reste un produit de la main de l’homme, portant « l’empreinte de l’art et de l’ingéniosité humaine » (Ac 17, 29), auquel il ne faut jamais attribuer une valeur disproportionnée. Comme le dit le livre de la Sagesse : « C’est un homme qui les a faits, c’est un homme qui a emprunté le souffle qui les a façonnés. Or, nul ne peut façonner un dieu comme lui ; étant mortel, il fait une chose morte avec des mains impies. Il est toujours meilleur que les objets qu’il adore ; par rapport à eux, il a eu la vie, mais eux jamais » (Sg 15, 16-17).

107. Au contraire, « dans son intériorité, [l’être humain] transcende l’univers des choses : c’est dans ces profondeurs qu’il retourne, lorsqu’il revient à lui-même, là où l’attend ce Dieu qui scrute les cœurs, là où, sous le regard de Dieu, il décide de son destin » [196]. C’est dans le cœur – rappelle le Pape François – que chaque personne découvre le « lien paradoxal entre la valorisation de soi et l’ouverture aux autres, entre la rencontre très personnelle avec soi-même et le don de soi aux autres » [197]. C’est pourquoi « seul le cœur est capable de placer les autres facultés et passions et toute notre personne dans une attitude de révérence et d’obéissance amoureuse au Seigneur » [198], qui « nous offre de nous traiter comme “toi”, toujours et pour toujours » [199].

Réflexion finale

108. Considérant les différents défis posés par le progrès technologique, le Pape François a relevé la nécessité d’un développement « de la responsabilité, des valeurs et de la conscience » proportionnel à l’augmentation des possibilités offertes par cette technologie [200], reconnaissant que « plus le pouvoir des hommes croît, plus leur responsabilité s’étend et s’élargit » [201].

109. D’autre part, « la question essentielle et fondamentale » reste toujours de savoir « si l’homme, en tant qu’homme, dans le contexte de ce progrès, devient vraiment meilleur, c’est-à-dire plus mûr spirituellement, plus conscient de la dignité de son humanité, plus responsable, plus ouvert aux autres, en particulier aux plus nécessiteux et aux plus faibles, plus disposé à donner et à apporter de l’aide à tous » [202].

110. Il est donc essentiel de pouvoir évaluer de manière critique les applications individuelles dans des contextes particuliers afin de déterminer si elles promeuvent ou non la dignité et la vocation humaines et le bien commun. Comme pour de nombreuses technologies, les effets des différentes applications de l’IA ne sont pas toujours prévisibles dès le départ. Dans la mesure où ces applications et leur impact social deviennent plus clairs, un retour d’information approprié devrait commencer à être fourni à tous les niveaux de la société, conformément au principe de subsidiarité. Il est important que les utilisateurs individuels, les familles, la société civile, les entreprises, les institutions, les gouvernements et les organisations internationales, chacun à leur niveau, s’efforcent de garantir que l’utilisation de l’IA est appropriée pour le bien de tous.

111. Aujourd’hui, un défi et une opportunité importants pour le bien commun consistent à considérer cette technologie dans un horizon d’intelligence relationnelle, qui met l’accent sur l’interconnexion des individus et des communautés et exalte la responsabilité partagée pour le bien-être intégral d’autrui. Le philosophe du 20e siècle Nicolas Berdiaev a observé que les gens accusent souvent les machines d’être responsables des problèmes individuels et sociaux ; cependant, « cela ne fait qu’humilier l’homme et ne correspond pas à sa dignité », car « c’est une chose indigne de transférer la responsabilité de l’homme à une machine » [203]. Seule la personne humaine peut être considérée comme moralement responsable, et les défis d’une société technologique concernent en fin de compte son esprit. Par conséquent, faire face à ces défis « exige une revigoration de la sensibilité spirituelle » [204].

112. Un autre point à considérer est l’appel, suscité par l’apparition de l’IA sur la scène mondiale, à une appréciation renouvelée de tout ce qui est humain. Comme l’a fait remarquer l’écrivain catholique français Georges Bernanos il y a de nombreuses années, « le danger n’est pas dans la multiplication des machines, mais dans le nombre toujours croissant d’hommes habitués, dès l’enfance, à ne rien vouloir de plus que ce que les machines peuvent donner » [205]. Le défi est tout aussi vrai aujourd’hui qu’à l’époque, car la progression rapide de la numérisation entraîne le risque d’un « réductionnisme numérique », dans lequel les expériences non quantifiables sont mises de côté, puis oubliées, ou considérées comme non pertinentes parce qu’elles ne peuvent pas être calculées en termes formels. L’IA ne devrait être utilisée que comme un outil complémentaire à l’intelligence humaine et ne devrait pas en remplacer la richesse [206]. Cultiver les aspects de la vie humaine qui vont au-delà du calcul est essentiel pour préserver une « humanité authentique », qui « semble habiter au milieu de la civilisation technologique, presque imperceptiblement, comme un brouillard filtrant sous une porte fermée » [207].

La vraie sagesse

113. Aujourd’hui, l’immense étendue des connaissances est accessible d’une manière qui aurait émerveillé les générations passées ; cependant, pour éviter que le progrès de la science ne reste humainement et spirituellement stérile, il faut aller au-delà de la simple accumulation de données et viser la vraie sagesse [208].

114. Cette sagesse est le don dont l’humanité a le plus besoin pour faire face aux questions profondes et aux défis éthiques posés par l’IA : « Ce n’est qu’en nous dotant d’un regard spirituel, qu’en retrouvant une sagesse du cœur, que nous pourrons lire et interpréter la nouveauté de notre temps » [209]. Cette « sagesse du cœur » est « cette vertu qui nous permet de tisser ensemble le tout et les parties, les décisions et leurs conséquences ». L’humanité ne peut pas « exiger cette sagesse des machines », car elle « se laisse trouver par ceux qui la cherchent et se laisse voir par ceux qui l’aiment ; elle devance ceux qui la désirent et va à la recherche de ceux qui en sont dignes (cf. Sg 6, 12-16) » [210].

115. Dans un monde marqué par l’EI, nous avons besoin de la grâce de l’Esprit Saint, qui « nous permet de voir les choses avec les yeux de Dieu, de comprendre les liens, les situations, les événements et d’en découvrir le sens » [211].

116. Puisque « ce qui mesure la perfection des personnes, c’est leur degré de charité, et non la quantité de données et de connaissances qu’elles peuvent accumuler » [212], la manière dont l’intelligence artificielle est adoptée « pour inclure les derniers, c’est-à-dire les frères et les sœurs les plus faibles et les plus nécessiteux, est la mesure révélatrice de notre humanité » [213]. Cette sagesse peut éclairer et guider une utilisation centrée sur l’homme de cette technologie qui, en tant que telle, peut aider à promouvoir le bien commun, à prendre soin de la « maison commune », à faire progresser la recherche de la vérité, à soutenir le développement humain intégral, à encourager la solidarité et la fraternité humaines et à conduire l’humanité à son but ultime : la communion heureuse et pleine avec Dieu [214].

117. Dans la perspective de la Sagesse, les croyants pourront agir comme des agents responsables, capables d’utiliser cette technologie pour promouvoir une vision authentique de la personne humaine et de la société [215], à partir d’une compréhension du progrès technologique comme faisant partie du plan de Dieu sur la création : une activité que l’humanité est appelée à ordonner au Mystère pascal de Jésus-Christ, dans la recherche constante du Vrai et du Bien.

Le Souverain Pontife François, lors de l’audience accordée le 14 janvier 2025 aux soussignés, Préfets et Secrétaires du Dicastère pour la Doctrine de la Foi et du Dicastère pour la Culture et l’Éducation, a approuvé cette Note et en a ordonné la publication.

Donné à Rome, au siège du Dicastère pour la Doctrine de la Foi et du Dicastère pour la Culture et l’Éducation, le 28 janvier 2025, Mémoire liturgique de saint Thomas d’Aquin, Docteur de l’Église.

Víctor Manuel Card. Fernández, Préfet
Mgr Armando Matteo, Secrétaire Section doctrinale

José Card. Tolentino de Mendonça, Préfet
S.E. Mgr Paul Tighe, Secrétaire Section culture

[1] Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 378. Voir aussi Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 34 : AAS 58 (1966), 1052-1053.

[2] François, Discours aux participants à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale pour la vie (28 février 2020) : AAS 112 (2020), 307. Cf. Id., Discours à la Curie romaine pour les vœux de Noël (21 décembre 2019) : AAS 112 (2020), 43.

[3] Cf. François, Message pour la LVIIIe Journée Mondiale des Communications Sociales (24 janvier 2024) : L’Osservatore Romano, 24 janvier 2024, 8.

[4] Cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 2293 ; Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 35 : AAS 58 (1966), 1053.

[5] J. McCarthy et al, A Proposal for the Dartmouth Summer Research Project on Artificial Intelligence (31 août 1955), http://www-formal.stanford.edu/jmc/history/dartmouth/dartmouth.html (consulté le 21 octobre 2024).

[6] Cf. François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1 janvier 2024), nn. 2-3 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 2.

[7] Les termes utilisés dans ce document pour décrire les résultats ou les procédures de l’IA sont employés de manière figurée pour expliquer ses actions et n’entendent pas lui attribuer des qualités humaines.

[8] Cf. François, Discours à la Session du G7 sur l’Intelligence Artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024): L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 3; Id., Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1 janvier 2024), n. 2: L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 2.

[9] Dans ces lignes, les principales positions des « transhumanistes » et des « posthumanistes » peuvent être discernées. Les transhumanistes affirment que les progrès technologiques permettront aux êtres humains de dépasser leurs limites biologiques et d’améliorer leurs capacités physiques et cognitives. Les post-humanistes, quant à eux, affirment que ces progrès finiront par altérer l’identité humaine de telle sorte que les êtres humains ne pourront même plus être considérés comme véritablement « humains ». Ces deux positions reposent sur une perception fondamentalement négative de la corporalité, qui est davantage considérée comme un obstacle que comme une partie intégrante de l’identité humaine, qui est également appelée à participer à la pleine réalisation de la personne. Une telle vision négative est en contradiction avec une compréhension correcte de la dignité humaine. Tout en soutenant un véritable progrès scientifique, l’Église affirme que cette dignité se fonde sur « la personne comme unité inséparable » du corps et de l’âme, et qu’elle est « également inhérente à son corps, qui participe à sa manière à ce que la personne humaine soit l’image de Dieu » (Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita [8 avril 2024], n. 18).

[10] Cette approche reflète une perspective fonctionnaliste, qui réduit l’esprit humain à ses fonctions et suppose que celles-ci peuvent être entièrement quantifiées en termes physiques et mathématiques. Cependant, même dans le cas où une future IAG se révélerait réellement intelligente, elle resterait de nature fonctionnelle.

[11] Cf. A.M. Turing, « Computing Machinery and Intelligence », Mind 59 (1950) 443-460.

[12] Si l’on attribue la « pensée » aux machines, il faut préciser qu’il s’agit de procédures de calcul et non de pensée critique. De même, si l’on pense que ces appareils peuvent fonctionner selon une pensée logique, il faut préciser que cela se limite à la logique informatique. Au contraire, par sa nature même, la pensée humaine se caractérise comme un processus créatif capable d’aller au-delà des données de départ dont il dispose.

[13] Sur le rôle fondamental du langage dans la formation de la compréhension, cf. M. Heidegger, Über den Humanismus, Klostermann, Francfort-sur-le-Main 1949 (tr. it. Lettera sull’« Umanismo », Milan 1995).

[14] Pour une exploration plus approfondie de ces fondements anthropologiques et théologiques, voir AI Research Group of the Centre for Digital Culture of the Dicastery for Culture and Education, Encountering Artificial Intelligence : Ethical and Anthropological Investigations (Theological Investigations of Artificial Intelligence, 1), édité par M.J. Gaudet, N. Herzfeld, P. Scherz, J.J. Wales, Pickwick, Eugene 2024, 43-144.

[15] Aristote, Métaphysique, I.1, 980a21.

[16] Cf. Augustin d’Hippone, De Genesi ad litteram libri duodecim, III, 20, 30 : PL 34, 292 : « L’homme est fait à l’image de Dieu par rapport à la faculté par laquelle il est supérieur aux animaux privés de raison. Or, cette faculté est précisément la raison ou l’esprit ou l’intelligence ou tout autre nom que l’on donne à cette faculté » ; Id., Enarrationes in Psalmos, 54, 3 : PL 36, 629 : « Considérant donc toutes les choses qu’il possède, l’homme arrive à la conclusion que, dans la mesure où il possède l’intelligence, il se distingue des animaux ». Cela est également confirmé par saint Thomas, qui affirme que « l’homme est le plus parfait de tous les êtres terrestres doués de mouvement. Et son opération naturelle propre est l’intuition », par laquelle l’homme fait abstraction des choses et « reçoit dans son esprit les intelligibles en acte » (Thomas d’Aquin, Summa contra Gentiles, II, 76).

[17] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 15 : AAS 58 (1966), 1036.

[18] Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, II-II, q. 49, a. 5, ad 3. Pour une perspective contemporaine qui reprend certains éléments de la distinction classique et médiévale entre ces deux modes de pensée, cf. D. Kahneman, Thinking, Fast and Slow, Farrar, Straus and Giroux, New York 2011 (tr. it. Pensieri lenti e veloci, Milano 2012).

[19] Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, I, q. 76, a. 1, resp.

[20] Cf. Irénée de Lyon, Adversus haereses, V, 6, 1 : PG 7/2, 1136-1138.

[21] Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), n. 9. Cf. François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 213 : AAS 112 (2020), 1045 : « L’intelligence peut ainsi scruter la réalité des choses, par la réflexion, l’expérience et le dialogue, pour reconnaître dans cette réalité qui la transcende le fondement de certaines exigences morales universelles ».

[22] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale sur certains aspects de l’évangélisation (3 décembre 2007), n. 4 : AAS 100 (2008), 491-492.

[23]Catéchisme de l’Église catholique, n. 365. Cf. Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, I, q. 75, a. 4, resp.

[24] En effet, la Bible « considère généralement l’homme comme un être qui existe dans le corps et qui est impensable en dehors de lui “ (Commission Biblique Pontificale, « Qu’est-ce que l’homme ? » (Ps 8, 5). Un itinéraire d’anthropologie biblique [30 septembre 2019], n. 19). Cf. Ibid. n. 20-21, 43-44, 48.

[25] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 22 : AAS 58 (1966), 1042. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr. Dignitas personae (8 septembre 2008), n. 7 : AAS 100 (2008), 863 : « Le Christ n’a pas dédaigné la corporéité humaine, mais il en a pleinement révélé le sens et la valeur ».

[26] Thomasd’Aquin, Summa contra Gentiles, II, 81.

[27] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 15 : AAS 58 (1966), 1036.

[28] Cf. Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, I, q. 89, a. 1, resp. : « L’existence séparée du corps n’est pas conforme à sa nature […]. C’est pourquoi l’âme est unie au corps afin d’avoir une existence et un fonctionnement conformes à sa nature ».

[29] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 14 : AAS 58 (1966), 1035. Cf. Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), n. 18.

[30] Commission Théologique Internationale, Communion et Service. La personne humaine créée à l’image de Dieu (2004), n. 56. Cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 357.

[31] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr. Dignitas personae (8 septembre 2008), nn. 5, 8 : AAS 100 (2008), 862.863-864 ; Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), nn. 15, 24, 53-54.

[32] Catéchisme de l’Église catholique, n. 356. Cf. Ibid., n. 221.

[33] Cf. Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), nn. 13, 26-27.

[34] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr. Donum veritatis (24 mai 1990), n. 6 : AAS 82 (1990), 1552. Cf. Jean-Paul II, Lett. enc. Veritatis splendor (6 août 1993), n. 109 : AAS 85 (1993), 1219 ; Pseudo Dionysius Areopagitus, De divinis nominibus, VII, 2 : PG 3, 868B-C : « Les âmes aussi ont un discours rationnel, dans la mesure où elles se déplacent largement et en rond autour de la vérité des choses. […] Mais, par suite de la réduction du multiple à l’Un, elles peuvent être estimées dignes des compréhensions angéliques, dans la mesure où cela est possible et réalisable de la part des âmes ».

[35] Jean-Paul II, Lett. enc. Fides et ratio (14 septembre 1998), n. 3 : AAS 91 (1999), 7.

[36] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 15 : AAS 58 (1966), 1036.

[37] Jean-Paul II, Lett. enc. Fides et ratio (14 septembre 1998), n. 42 : AAS 91 (1999), 38. Cf. François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 208 : AAS 112 (2020), 1043 : « L’intelligence humaine peut dépasser les convenances du moment et saisir certaines vérités qui ne changent pas, qui ont été des vérités avant nous et qui seront toujours des vérités. En scrutant la nature humaine, la raison découvre des valeurs qui sont universelles parce qu’elles en découlent » ; Ibid. n. 184 : AAS 112 (2020), 1034.

[38] Cf. B. Pascal, Pensées, n. 267 (éd. Brunschvicg ; tr. it. Pensieri, Città Nuova, Roma 2003) : « Le dernier pas de la raison est de reconnaître qu’il y a des choses infinies qui la dépassent ».

[39] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 15 : AAS 58 (1966), 1036. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale sur certains aspects de l’évangélisation (3 décembre 2007), n. 4 : AAS 100 (2008), 491-492.

[40] La capacité sémantique permet à l’être humain de saisir le contenu d’un message exprimé dans n’importe quelle forme de communication, d’une manière qui est liée à sa structure matérielle ou empirique (comme le code informatique) et qui, en même temps, la transcende. Dans ce cas, l’intelligence devient une sagesse qui « permet de VOIR les choses avec les yeux de Dieu, de comprendre les liens, les situations, les événements et d’en découvrir le sens » (François, Message pour la LVIIIe Journée mondiale des Communications [24 janvier 2024] : L’Osservatore Romano, 24 janvier 2024, 8). La créativité permet de produire des contenus ou des idées nouvelles, offrant surtout un point de vue original sur la réalité. Ces deux capacités présupposent une subjectivité personnelle pour se réaliser pleinement.

[41] Conc. Œcum. Vat. II, Déclar. Dignitatis humanae (7 décembre 1965), n. 3 : AAS 58 (1966), 931.

[42] La charité « est beaucoup plus qu’un sentiment subjectif si elle s’accompagne d’un engagement de vérité […]. C’est précisément son rapport à la vérité qui favorise l’universalisme de la charité et la préserve ainsi d’être « reléguée dans une sphère étroite et privée de relations ». […] L’ouverture à la vérité protège la charité d’une fausse foi qui reste « dépourvue de souffle humain et universel » (François, Lett. enc. Fratelli tutti [3 octobre 2020], n. 184 : AAS 112 [2020], 1034). Les citations internes sont tirées de Benoît XVI, Lettre encyclique Caritas in veritate (29 juin 2009), nn. 3-4 : AAS 101 (2009), 642-643.

[43] Jean-Paul II, Enc. Fides et ratio (14 septembre 1998), 13 : AAS 91 (1999), 15.

[44] Cf. Commission théologique internationale, Communion et service. La personne humaine créée à l’image de Dieu (2004), n. 7.

[45] Jean-Paul II, Enc. Fides et ratio (14 septembre 1998), 13 : AAS 91 (1999), 15. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale sur certains aspects de l’évangélisation (3 décembre 2007), 4 : AAS 100 (2008), 491-492.

[46] Bonaventure de Bagnoregio, In II Librum Sententiarum, d. I, p. 2, a. 2, q. 1, cité dans le Catéchisme de l’Église catholique, n. 293. Cf. Ibid. n. 294.

[47] Cf. Catéchisme de l’Église catholique, nn. 295, 299, 302. Bonaventure compare l’univers à « un livre, dans lequel la Trinité créatrice brille, est représentée et lue » (Bonaventure de Bagnoregio, Breviloquium, II, 12, 1), cette même Trinité qui accorde l’existence à toutes les choses. « Toute créature du monde est pour nous comme un livre, une image et un miroir « (Alain de Lille, De incarnatione Christi : PL 210, 579a).

[48] Cf. François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 67 : AAS 107 (2015), 874 ; Jean-Paul II, Lett. enc. Laborem exercens (14 septembre 1981), n. 6 : AAS 73 (1981), 589-592 ; Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 33-34 : AAS 58 (1966), 1052-1053 ; Commission Théologique Internationale, Communion et Service. La personne humaine créée à l’image de Dieu (2004), n. 57 : « L’être humain occupe une place unique dans l’univers selon le plan divin : il jouit du privilège de participer au gouvernement divin de la création visible. [Puisque la position de l’homme en tant que dirigeant est en fait une participation au gouvernement divin de la création, nous en parlons ici comme d’une forme de service ».

[49] Cf. Jean-Paul II, Enc Lett. Veritatis splendor (6 août 1993), nn. 38-39 : AAS 85 (1993), 1164-1165.

[50] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), nn. 33-34 : AAS 58 (1966), 1052-1053. Cette idée se retrouve également dans le récit de la création, où Dieu conduit les créatures à Adam « pour voir comment il les appellerait : tout nom que l’homme donnerait à chacun des êtres vivants serait son nom » (Gn 2,19), une action qui démontre l’implication active de l’intelligence humaine dans la gestion de la création par Dieu. Jean Chrysostome, Homiliae in Genesim, XIV, 17-21 : PG 53, 116-117.

[51] Cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 301.

[52] Cf. Ibid., n. 302.

[53] Bonaventure da Bagnoregio, Breviloquium II, 12, 1. Cf. Ibid., II, 11, 2.

[54] Cf. François, Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 236 : AAS 105 (2013), 1115 ; Id., Discours aux participants à la rencontre des aumôniers et des responsables de la pastorale universitaire, promue par le Dicastère pour la culture et l’éducation (24 novembre 2023) : L’Osservatore Romano, 24 novembre 2023, 7.

[55] Cf. J.H. Newman, The Idea of a University Defined and Illustrated, Discourse 5.1, Basil Montagu Pickering, London 18733, 99-100 (tr. it. L’idea di un’università, Roma 2005); François, Discorso a rettori, docenti, studenti e personale delle università e istituzioni pontificie romane (25 février 2023): AAS 115 (2023), 316.

[56] François, Discours aux représentants de la Confédération nationale de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises (CNA) (15 novembre 2024) : L’Osservatore Romano, 15 novembre 2024, 8.

[57] Cf. François, Exhort. ap. Querida Amazonia (2 février 2020), n. 41 : AAS 112 (2020), 246 ; Id., Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 146 : AAS 107 (2015), 906.

[58] François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 47 : AAS 107 (2015), 864. Id., Lett. enc. Dilexit nos (24 octobre 2024), nn. 17-24 : L’Osservatore Romano, 24 octobre 2024, 5 ; Id, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), nn. 47-50 : AAS 112 (2020), 985-987.

[59] François, Lett. enc. Dilexit nos (24 octobre 2024), n. 20 : L’Osservatore Romano, 24 octobre 2024, 5.

[60] P. Claudel, Conversation sur Jean Racine, Gallimard, Paris 1956, 32. Cf. François, Lett. enc. Dilexit nos (24 ottobre 2024), n. 13 : L’Osservatore Romano, 24 ottobre 2024, 5 : « L’intelligenza e la volontà si [mettano] al suo servizio [del cuore], sentendo e gustando le verità piuttosto che volerle dominare come fanno spesso alcune scienze ».

[61] Dante Alighieri, Paradiso, Canto XXX.

[62] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Déclar. Dignitatis humanae (7 décembre 1965), n. 3 : AAS 58 (1966), 931 : « La norme suprême de la vie humaine est la loi divine, éternelle, objective et universelle, par laquelle Dieu, avec sagesse et amour, ordonne, dirige et gouverne l’univers et les chemins de la communauté humaine. Et Dieu fait participer l’être humain à sa loi, afin que l’homme, sous sa douce conduite, connaisse toujours mieux l’immuable vérité » ; Idem, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 16 : AAS 58 (1966), 1037.

[63] Cf. Conc. Œcum. Vat. I, Dogm. const. Dei Filius (24 avril 1870), ch. 4 : DH 3016.

[64] François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 110 : AAS 107 (2015), 892.

[65] François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 110 : AAS 107 (2015), 891. Id., Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 204 : AAS 112 (2020), 1042.

[66] Nell’essere umano, Dio « ha scolpito la sua immagine e somiglianza (cf. Gn 1,26), conferendogli una dignità incomparabile […]. In effetti, al di là dei diritti che l’uomo acquista col proprio lavoro, esistono diritti che non sono il corrispettivo di nessuna opera da lui prestata, ma che derivano dall’essenziale sua dignità di persona » (Jean-Paul II, Lett. enc. Centesimus annus [1 mai 1991], n. 11 : AAS 83 [1991], 807). Cf. François, Discours à la Session du G7 sur l’Intelligence Artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024) : L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 3-4.

[67] Cf. Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), nn. 8-9 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr. Dignitas personae (8 septembre 2008), n. 22.

[68] François, Discorso ai partecipanti all’Assemblea Plenaria della Pontificia Accademia per la Vita (28 février 2020): AAS 112 (2020), 310.

[69] François, Message pour la LVIII e Journée Mondiale des Communications Sociales (24 janvier 2024) : L’Osservatore Romano, 24 janvier 2024, 8.

[70] In questo senso, l’espressione « intelligenza artificiale» è da intendersi come un termine tecnico per indicare la relativa tecnologia, ricordando che l’espressione è usata anche per designare il campo di studi e non solo le sue applicazioni.

[71] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), nn. 34-35 : AAS 58 (1966), 1052-1053 ; Jean-Paul II, Lett. enc. Centesimus annus (1 mai 1991), n. 51 : AAS 83 (1991), 856-857.

[72] À titre d’exemple, voir l’encouragement à l’exploration scientifique dans Albertus Magnus, De Mineralibus, II, 2, 1, et l’appréciation des arts mécaniques dans Hugues de Saint-Victor, Didascalicon, I, 9. Ces auteurs, qui font partie d’une longue liste d’hommes et de femmes d’Église engagés dans la recherche scientifique et l’innovation technique, ont montré que « la foi et la science peuvent être unies dans la charité si la science est mise au service des hommes et des femmes de notre temps, et non déformée à leur détriment ou même à leur destruction » (François, Discours aux participants à la IIe Conférence de la Spécola vaticane en mémoire de Georges Lemaître [20 juin 2024] : L’Osservatore Romano, 20 juin 2024, 8). Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 36 : AAS 58 (1966), 1053-1054 ; Jean-Paul II, Lett. enc. Fides et ratio (14 septembre 1998), nn. 2, 106 : AAS 91 (1999), 6-7.86-87.

[73] Catéchisme de l’Église catholique, n. 378.

[74] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 34 : AAS 58 (1966), 1053.

[75] Cf. Ibid. n. 35 : AAS 58 (1966), 1053.

[76] François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 102 : AAS 107 (2015), 888.

[77] Cf. François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 105 : AAS 107 (2015), 889 ; Id., Lett. enc. Fratelli tutti (3 ottobre 2020), n. 27 : AAS 112 (2020), 978 ; Benoit XVI, Lett. enc. Caritas in veritate (29 juin 2009), n. 23 : AAS 101 (2009), 657-658.

[78] Cf. Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), nn. 38-39, 47 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instr. Dignitas personae (8 septembre 2008), passim.

[79] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 35 : AAS 58 (1966), 1053. Cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 2293.

[80] Cf. François, Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle à Borgo Egnazia (Puglia) (14 juin 2024) : L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 2-4.

[81] Cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 1749 : « La liberté fait de l’homme un sujet moral. Quand il agit librement, l’homme est, pour ainsi dire, le père de ses propres actes ».

[82] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 16 : AAS 58 (1966), 1037. Cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 1776.

[83] Catéchisme de l’Église catholique, n. 1777.

[84] Cf. ibid, nos 1779-1781. Le Pape François encourage également les efforts de tous pour que « la technologie soit centrée sur l’homme, éthiquement conçue et orientée vers le bien “ (François, Discours aux participants à la rencontre des « Dialogues Minerva » [27 mars 2023]: AAS 115 [2023], 463).

[85] Cf. François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 oct. 2020), n. 166 : AAS 112 (2020), 1026-1027 ; Id., Discours aux participants à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale pour la vie (23 septembre 2024) : AAS 112 (2020), 308. Sur le rôle de la capacité humaine d’agir dans la détermination de la fin particulière (« Zweck ») que chaque application technologique remplit à la lumière d’un but antérieur (Ziel), voir F. Dessauer, Streit um die Technik, Freiburg i. Br., 1956, 144.

[86] Cf. François, Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024) : L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 4 : « La technologie naît pour un but et, dans son impact sur la société humaine, elle représente toujours une forme d’ordre dans les relations sociales et un arrangement de pouvoir, permettant à certains d’accomplir des actions et empêchant d’autres d’en accomplir d’autres. Cette dimension de pouvoir constitutive de la technologie inclut toujours, de manière plus ou moins explicite, la vision du monde de ceux qui l’ont réalisée et développée ».

[87] François, Discours aux participants à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale pour la vie (28 février 2020) : AAS 112 (2020), 309.

[88] Cf. François, Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024) : L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 3-4.

[89] François, Discorso ai partecipanti all’incontro dei “Minerva Dialogues”(27 mars 2023): AAS 115 (2023), 464. Cf. Id., Lett. enc. Fratelli tutti (3 ottobre 2020), nn. 212-213 : AAS 112 (2020), 1044-1045.

[90] Cf. Jean-Paul II, Lett. enc. Laborem exercens (14 septembre 1981), n. 5 : AAS 73 (1981), 589 ; François, Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024) : L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 3-4.

[91] Cf. François, Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024) : L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 2 : « Face aux prodiges des machines, qui semblent pouvoir choisir de manière autonome, nous devons être très clairs sur le fait que la décision doit toujours être laissée à l’être humain, même avec les tons dramatiques et urgents avec lesquels cela se présente parfois dans nos vies. Nous condamnerions l’humanité à un avenir sans espoir si nous enlevions aux gens la capacité de décider d’eux-mêmes et de leur vie, en les condamnant à dépendre des choix des machines ».

[92] Ibid.

[93] Dans ce document, le terme « biais » (erreur systématique, préjugé) fait référence au biais algorithmique (qui se produit lorsqu’un système informatique produit des erreurs systématiques et constantes qui peuvent involontairement discriminer certains groupes de personnes), et non au « vecteur de biais » dans les réseaux neuronaux (qui rassemble les paramètres utilisés pour ajuster les sorties des « neurones » du réseau pendant le processus d’apprentissage, afin de mieux s’adapter aux données).

[94] Cf. François, Discours aux participants de la réunion « Dialogues Minerva » (27 mars 2023) : AAS 115 (2023), 464, où le Saint-Père a noté le consensus croissant pour que « les processus de développement respectent des valeurs telles que l’inclusion, la transparence, la sécurité, l’équité, la vie privée et la responsabilité », et a salué « les efforts des organisations internationales pour réglementer ces technologies afin qu’elles promeuvent un progrès authentique, c’est-à-dire qu’elles contribuent à laisser un monde meilleur et une qualité de vie intégralement plus élevée ».

[95] François, Discours à une délégation de la Société Max Planck (23 février 2023) : L’Osservatore Romano, 23 février 2023, 8.

[96] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 26 : AAS 58 (1966), 1046-1047.

[97] François, Discours aux participants au séminaire « Le bien commun à l’ère numérique » (27 septembre 2019) : AAS 111 (2019), 1571.

[98] Cf. François, Message pour la LVIIIe Journée mondiale des Communications (24 janvier 2024), L’Osservatore Romano, 24 janvier 2024, 8 : L’Osservatore Romano, 24 janvier 2024, 8. Pour une discussion plus approfondie sur les questions éthiques soulevées par l’IA dans une perspective chrétienne catholique, voir AI Research Group of the Centre for Digital Culture of the Dicastery for Culture and Education, Encountering Artificial Intelligence : Ethical and Anthropological Investigations (Theological Investigations of Artificial Intelligence, 1), ed. J. Gaudet, N. Herzfeld, P. Scherz, J.J. Wales, Pickwick, Eugene 2024, 147-253.

[99] Sur l’importance du dialogue dans une société pluraliste, orientée vers une « éthique sociale solide et stable », voir François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), nn. 211-214 : AAS 112 (2020), 1044-1045.

[100] François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 2 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 2.

[101] François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 6 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 3. Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 26 : AAS 58 (1966), 1046-1047.

[102] Cf. François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 112 : AAS 107 (2015), 892-893.

[103] François, Discours aux participants à la rencontre des « Dialogues de Minerve » (27 mars 2023) : AAS 115 (2023), 464.

[104] Conseil pontifical pour les communications sociales, Ethique sur Internet (22 février 2002), n. 10.

[105] François, Exhort. apost. Christus vivit (25 mars 2019), n. 89 : AAS 111 (2019), 413-414, citant le Document final de la quinzième Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques (27 octobre 2018), n. 24 : AAS 110 (2018), 1593. Benoît XVI, Discours aux participants au congrès international sur la loi morale naturelle promu par l’Université pontificale du Latran (12 février 2007) : AAS 99 (2007), 245.

[106] Cf. François, Enc Lett. Laudato si’ (24 mai 2015), nn. 105-114 : AAS 107 (2015), 889-893 ; Id., Exhort. Ap. Laudate Deum (4 octobre 2023), nn. 20-33 : AAS 115 (2023), 1047-1050.

[107] François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 105 : AAS 107 (2015), 889. Cf. l’Exhort. ap. Laudate Deum (4 octobre 2023), nn. 20-21 : AAS 115 (2023), 1047.

[108] Cf. François, Discours aux participants à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale pour la vie (28 février 2020) : AAS 112 (2020), 308-309.

[109] François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 2 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 2.

[110] François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 112 : AAS 107 (2015), 892.

[111] Cf. François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), nn. 101, 103, 111, 115, 167 : AAS 112 (2020), 1004-1005,1007-1009,1027.

[112] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 26 : AAS 58 (1966), 1046-1047. Léon XIII, Lett. enc. Rerum novarum (15 mai 1891), n. 28 : Acta Leonis XIII, 11 (1892), 123.

[113] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 12 : AAS 58 (1966), 1034.

[114] Cf. Conseil pontifical Justice et Paix, Compendium de la doctrine sociale de l’Église (2004), n. 149.

[115] Conc. Œcum. Vat. II, Déclar. Dignitatis humanae (7 décembre 1965), n. 3 : AAS 58 (1966), 931. Cf. François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 50 : AAS 112 (2020), 986-987.

[116] François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 50 : AAS 112 (2020), 986-987.

[117] François, Lettre encyclique. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 47 : AAS 107 (2015), 865. Cf. Id., Exhort. ap. Fratelli tutti (25 mars 2019), nn. 88-89 : AAS 111 (2019), 413-414.

[118] Cf. François, Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 88 : AAS 105 (2013), 1057.

[119] François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 47 : AAS 112 (2020), 985.

[120] Cf. François, Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024) : L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 2.

[121] Cf. François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 50 : AAS 112 (2020), 986-987.

[122] Cf. E. Stein, Zum Problem der Einfühlung, Buchdruckerei des Waisenhauses, Halle 1917 (tr. it. Il problema dell’empatia, Milano 1985).

[123] Cf. François, Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 88 : AAS 105 (2013), 1057 : « De même que certains voudraient un Christ purement spirituel, sans chair et sans croix, ils exigent aussi des relations interpersonnelles uniquement médiatisées par des dispositifs sophistiqués, par des écrans et des systèmes qui peuvent être allumés et éteints à volonté. En attendant, l’Évangile nous invite toujours à courir le risque de rencontrer le visage de l’autre, avec sa présence physique qui interpelle, avec sa douleur et ses exigences, avec sa joie contagieuse dans un corps à corps constant. La foi authentique dans le Fils de Dieu fait chair est inséparable du don de soi » ; Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 24 : AAS 58 (1966), 1044-1045.

[124] Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), n. 1.

[125] Cf. François, Discours aux participants au Séminaire « Le bien commun à l’ère numérique » (27 septembre 2019) : AAS 111 (2019), 1570 ; Id., Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 18, 124-129 : AAS 107 (2015), 854.897-899.

[126] François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 5 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 3.

[127] François, Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 209 : AAS 105 (2013), 1107.

[128] François, Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024), L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 4 : L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 4. Pour l’enseignement du pape François sur l’IA par rapport au « paradigme technocratique », cf. Id., Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), nn. 106-114 : AAS 107 (2015), 889-893.

[129] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 26 : AAS 58 (1966), 1046-1047, cité dans le Catéchisme de l’Église catholique, n. 1912. Cf. Jean XXIII, Lett. enc., Mater et magistra (15 mai 1961), n. 219 : AAS 53 (1961), 453.

[130] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 64 : AAS 58 (1966), 1086.

[131] François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 162 : AAS 112 (2020), 1025. Cf. Jean-Paul II, Lett. enc. Laborem exercens (14 septembre 1981), n. 6 : AAS 73 (1981), 591 : « Le travail est “pour l’homme”, et non l’homme “pour le travail”. Avec cette conclusion, on reconnaît à juste titre la prééminence du sens subjectif du travail sur le sens objectif ».

[132] François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 128 : AAS 107 (2015), 898. Cf. Id., Exhort. ap. Amoris laetitia (19 mars 2016), n. 24 : AAS 108 (2016), 319-320.

[133] François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 5 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 3.

[134] Jean-Paul II, Lett. enc. Evangelium vitae (25 mars 1995), n. 89 : AAS 87 (1995), 502.

[135] Ibid.

[136] François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 67 : AAS 112 (2020), 993, cité dans Id., Message pour la XXXIe Journée mondiale du Malade (11 février 2023) : L’Osservatore Romano, 10 janvier 2023, 8.

[137] François, Message pour la XXXIIe Journée Mondiale du Malade (11 février 2024) : L’Osservatore Romano, 13 janvier 2024, 12.

[138] François, Discours au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège (11 janvier 2016) : AAS 108 (2016), 120. Cf. Id., Lett. enc. Tous les frères (3 octobre 2020), n. 18 : AAS 112 (2020), 975 ; Id., Message pour la XXXIIe Journée Mondiale du Malade (11 février 2024) : L’Osservatore Romano, 13 janvier 2024, 12.

[139] Cf. François, Discours aux participants à la rencontre des « Dialogues de Minerve » (27 mars 2023) : AAS 115 (2023), 465 ; Id., Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024) : L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 2.

[140] Cf. François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), nn. 105, 107 : AAS 107 (2015), 889-890; Id., Lett. end. Fratelli tutti (3 octobre 2020), nn. 18-21 : AAS 112 (2020), 975-976 ; Id., Discours aux participants à la rencontre des « Dialogues de Minerve » (27 mars 2023) : AAS 115 (2023), 465.

[141] François, Discours aux participants à la rencontre promue par la Commission charité et santé de la Conférence épiscopale italienne (10 février 2017) : AAS 109 (2017), 243. Ibid. 242-243 : « S’il y a un secteur dans lequel la culture du rebut rend évidentes ses conséquences douloureuses, c’est précisément le secteur des soins de santé. Lorsque la personne malade n’est pas placée au centre et considérée dans sa dignité, on génère des attitudes qui peuvent aller jusqu’à la spéculation sur les malheurs d’autrui. Et c’est très grave ! […] Le modèle d’entreprise dans le domaine de la santé, s’il est adopté sans discernement […] risque de produire des déchets humains ».

[142] François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 5 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 3.

[143] Conc. Œcum. Vat. II, Déclar. Gravissimum educationis (28 octobre 1965), n. 1 : AAS 58 (1966), 729.

[144] Congrégation pour l’Éducation Catholique, Instr. pour l’application du mode d’enseignement à distance dans les universités/facultés ecclésiastiques (2021), 2. Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Déclar. Gravissimum educationis (28 octobre 1965), n. 1 : AAS 58 (1966), 729 ; François, Message pour la XXLIXe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2016), n. 6 : AAS 108 (2016), 57-58.

[145] François, Discours à la délégation du « Global Researchers Advancing Catholic Education Project » (20 avril 2022) : AAS 114 (2022), 580.

[146] Cf. Paul VI, Exhort. ap. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 41 : AAS 68 (1976), 31 : « Si l’homme contemporain écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins », citant Id., Discours aux membres du « Consilium de Laicis » (2 octobre 1974) : AAS 66 (1974), 568.

[147] J.H. Newman, The Idea of a University Defined and Illustrated, Discourse 6.1, Basil Montagu Pickering, London 18733, 125-126.

[148] Cf. François, Rencontre avec les étudiants du Collège Barbarigo de Padoue à l’occasion du 100e anniversaire de sa fondation (23 mars 2019) : L’Osservatore Romano, 24 mars 2019, 8 ; Id., Discours aux recteurs, aux professeurs, aux étudiants et au personnel des universités et des institutions pontificales romaines (25 février 2023) : AAS 115 (2023), 316.

[149] François, Exhort. ap. Christus vivit (25 mars 2019), n. 86 : AAS 111 (2019), 413, citant XVe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, Document final (27 octobre 2018), n. 21 : AAS 110 (2018), 1592.

[150] J.H. Newman, The Idea of a University Defined and Illustrated, Discourse 7.6, Basil Montagu Pickering, London 18733, 167.

[151] Cf. François, Exhort. ap. Christus vivit (25 mars 2019), n. 88 : AAS 111 (2019), 413.

[152] Dans un document stratégique de 2023 sur l’utilisation de l’IA générative dans l’éducation et la recherche, l’UNESCO note : « L’une des questions clés [de l’utilisation de l’IA générative (GenAI) dans l’éducation et la recherche] est de savoir si les humains peuvent éventuellement céder des niveaux élémentaires de processus de pensée et d’acquisition de compétences à l’IA, et se concentrer plutôt sur des capacités cognitives d’ordre supérieur basées sur les réponses fournies par de tels systèmes ». L’écriture, par exemple, est souvent associée à la structuration de la pensée. Avec GenAI […], les écrivains peuvent désormais partir d’un plan bien organisé fourni par l’algorithme. Certains experts ont décrit l’utilisation de la GenAI pour générer des textes de cette manière comme « écrire sans penser » » (UNESCO, Guidance for Generative AI in Education and Research [2023], 37-38). La philosophe germano-américaine Hannah Arendt a prévu cette possibilité dès son livre de 1959, La condition humaine, et a mis en garde : « S’il devait finalement s’avérer que la connaissance (au sens de savoir-faire) et la pensée se sont séparées une fois pour toutes, alors nous deviendrions effectivement des esclaves inutiles, non pas tant des machines que de notre savoir-faire » (H. Arendt, The Human Condition, The University of Chicago Press, Chicago 20182, 3 ; tr. it. Vita activa. La condition humaine, Milan 2017).

[153] François, Exhort. ap. Amoris laetitia (19 mars 2016), n. 262 : AAS 108 (2016), 417.

[154] François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 7 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 3. Cf. Id., Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 167 : AAS 107 (2015), 914.

[155] Jean-Paul II, Const. apost. Ex corde Ecclesiae (15 août 1990), n. 7 : AAS 82 (1990), 1479.

[156] François, Const. apost. Veritatis gaudium (29 janvier 2018), n. 4c : AAS 110 (2018), 9-10.

[157] François, Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024) : L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 3.

[158] Par exemple, elle pourrait aider à accéder aux « multiples […] ressources que l’homme possède pour favoriser le progrès dans la connaissance de la vérité » recueillies dans les œuvres philosophiques (Jean-Paul II, Lett. enc. Fides et ratio [14 septembre 1998], n. 3 : AAS 91 [1999], 7). Cf. Ibid. n. 4 : AAS 91 (1999), 7-8.

[159] Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), n. 43. Cf. Ibid. nn. 61-62.

[160] François, Message pour la LVIIIe Journée mondiale des Communications (24 janvier 2024): L’Osservatore Romano, 24 janvier 2024, 8.

[161] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 25 : AAS 58 (1966), 1053. Cf. François, Lett. enc., Fratelli tutti (3 octobre 2020), passim : AAS 112 (2020), 969-1074.

[162] Cf. François, Exhort. apost. Christus vivit (25 mars 2019), n. 89 : AAS 111 (2019), 414 ; Jean-Paul II, Lett. enc., Fides et ratio (14 septembre 1998), n. 25 : AAS 91 (1999), 25-26: « Personne ne peut être sincèrement indifférent à la vérité de son savoir. [C’est la leçon de saint Augustin lorsqu’il écrit : « J’ai rencontré beaucoup de gens qui voulaient tromper, mais qui voulaient être trompés, personne » », citant Augustin d’Hippone, Confessionum libri tredecim, X, 23, 33 : PL 32, 793.

[163] Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), n. 62.

[164] Benoît XVI, Message pour la XLIIIe Journée Mondiale des Communications (24 mai 2009) : L’Osservatore Romano, 24 janvier 2009, 8.

[165] Dicastère pour la Communication, Vers une pleine présence. Réflexion pastorale sur l’engagement dans les médias sociaux (28 mai 2023), n. 41 ; Conc. Œcum. Vat. II, Déclar. Inter mirifica (4 décembre 1963), nn. 4, 8-12 : AAS 56 (1964), 146.148-149.

[166] Cf. Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), nn. 1, 6, 16, 24.

[167] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 26 : AAS 58 (1966), 1046. Léon XIII, Lett. enc. Rerum novarum (15 mai 1891), n. 32 : Acta Leonis XIII, 11 (1892), 127 : « Il n’est permis à personne de violer impunément la dignité de l’homme, dont Dieu lui-même dispose avec un grand respect », cité dans Jean-Paul II, Lett. enc. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 9 : AAS 83 (1991), 804.

[168] Catéchisme de l’Église catholique, n. 2477, 2489 ; can. 220 CIC ; can. 23 CCEO ; Jean-Paul II, Discours à l’occasion de la IIIe Conférence générale de l’épiscopat latino-américain (28 janvier 1979), III, 1-2 : Insegnamenti, II/1 (1979), 202-203.

[169] Cf. Mission de l’Observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies, Déclaration du Saint-Siège lors de la discussion thématique sur les autres mesures de désarmement et de sécurité internationale (24 octobre 2022) : « Le respect de la dignité humaine dans l’espace numérique oblige les États à respecter également le droit à la vie privée, en protégeant les citoyens d’une surveillance intrusive et en leur permettant de défendre leurs données personnelles contre un accès non autorisé ».

[170] François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 42 : AAS 112 (2020), 984.

[171] François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 5 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 3.

[172] François, Discours aux participants à la rencontre des « Dialogues de Minerve » (27 mars 2023) : AAS 115 (2023), 465.

[173] Le rapport intérimaire 2023 de l’Organe consultatif des Nations unies sur l’IA a dressé une liste des « attentes initiales concernant l’aide de l’IA dans la lutte contre le changement climatique » (Organe consultatif des Nations unies sur l’IA, Rapport intérimaire : Gouverner l’IA pour l’humanité [décembre 2023], 3). Le document note que « conjointement avec des systèmes prédictifs qui peuvent transformer les données en idées et les idées en actions, les outils basés sur l’IA peuvent aider à développer de nouvelles stratégies et de nouveaux investissements pour réduire les émissions, influencer de nouveaux investissements du secteur privé dans le net zéro, protéger la biodiversité et construire une résilience sociale à grande échelle » (Ibid.).

[174] Il s’agit d’un réseau de serveurs physiques disséminés dans le monde entier qui permet aux utilisateurs de stocker, de traiter et de gérer leurs données à distance, sans avoir besoin d’espace de stockage ou de puissance de calcul dans les appareils locaux.

[175] François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 9 : AAS 107 (2015), 850.

[176] Ibid., n. 106 : AAS 107 (2015), 890.

[177] Ibid., n. 60 : AAS 107 (2015), 870.

[178] Ibid., nn. 3, 13 : AAS 107 (2015), 848.852.

[179] Augustin d’Hippone, De Civitate Dei, XIX, 13, 1: PL 41, 460.

[180] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), nn. 77-82 : AAS 58 (1966), 1100-1107 ; François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), nn. 256-262 : AAS 112 (2020), 1060-1063 ; Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), nn. 38-39 ; Catéchisme de l’Église catholique, nn. 2302-2317.

[181] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 78 : AAS 58 (1966), 1101.

[182] François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 6 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 3.

[183] Cf. Catéchisme de l’Église catholique, nn. 2308-2310.

[184] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), nn. 80-81 : AAS 58 (1966), 1013-1105.

[185] François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 6 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 3. Cf. Id., Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024) : L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 2 : « Nous devons garantir et protéger un espace de contrôle humain significatif sur le processus de choix des programmes d’intelligence artificielle : la dignité humaine elle-même en dépend. »

[186] François, Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle à Borgo Egnazia (Pouilles) (14 juin 2024), L’Osservatore Romano, 14 juin 2024, 2. Cf. Mission de l’Observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies, Déclaration du Saint-Siège au Groupe de travail II sur les technologies émergentes à la Commission du désarmement des Nations unies (3 avril 2024) : « Le développement et l’utilisation de systèmes d’armes autonomes létaux dépourvus de contrôle humain approprié soulèveraient des préoccupations éthiques fondamentales, car de tels systèmes ne pourront jamais être des sujets moralement responsables capables de respecter le droit humanitaire international.

[187] François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 258 : AAS 112 (2020), 1061. Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 80 : AAS 58 (1966), 1103-1104.

[188] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 80 : AAS 58 (1966), 1103-1104.

[189] Cf. François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 6 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 3 : « Nous ne pouvons pas non plus ignorer la possibilité que des armes sophistiquées se retrouvent entre de mauvaises mains, facilitant par exemple des attaques terroristes ou des interventions visant à déstabiliser les institutions gouvernementales légitimes. En définitive, le monde n’a vraiment pas besoin que les nouvelles technologies contribuent au développement inique du marché et du commerce des armes, en promouvant la folie de la guerre ».

[190] Jean-Paul II, Acte de consécration à Marie Très Sainte à l’occasion du Jubilé des évêques (8 octobre 2000), n. 3 : Insegnamenti, XXIII/2 (2000), 565.

[191] François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 79 : AAS 107 (2015), 878.

[192] Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate (29 juin 2009), n. 51 : AAS 101 (2009), 687.

[193] Cf. Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Déclar. Dignitas infinita (8 avril 2024), nn. 38-39.

[194] Augustin d’Hippone, Confessionum libri tredecim, I, 1, 1 : PL 32, 661.

[195] Cf. Jean-Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987), n. 28 : AAS 80 (1988), 548 : « On comprend mieux aujourd’hui que la seule accumulation de biens et de services […] ne suffit pas pour atteindre le bonheur humain. Par conséquent, la disponibilité des nombreux avantages réels apportés ces derniers temps par la science et la technologie, y compris la technologie de l’information, n’apporte pas non plus la libération de toutes les formes d’esclavage. Au contraire, […] si toute la masse des ressources et des potentialités mises à la disposition de l’homme n’est pas gouvernée par une compréhension morale et une orientation vers le vrai bien de la race humaine, elle se retourne facilement contre lui pour l’opprimer ». Ibidem, n. 29, 37 : AAS 80 (1988), 550-551, 563-564.

[196] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 14 : AAS 58 (1966), 1036.

[197] François, Lett. enc. Dilexit nos (24 octobre 2024), n. 18 : L’Osservatore Romano, 24 octobre 2024, 6.

[198] Ibid., n. 27 : L’Osservatore Romano, 24 octobre 2024, 5.

[199] Ibid., n. 25 : L’Osservatore Romano, 24 octobre 2024, 5-6.

[200] François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 105 : AAS 107 (2015), 889. R. Guardini, Das Ende der Neuzeit, Werkbund Verlag, Würzburg 1965, 87ff. (tr. it. La fine dell’epoca moderna, Brescia 1984).

[201] Conc. Œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes (7 décembre 1965), n. 34 : AAS 58 (1966), 1053.

[202] Jean-Paul II, Lett. enc. Redemptor hominis (4 mai 1979), n. 15 : AAS 71 (1979), 287-288.

[203] N. Berdjaev, « Man and Machine », in C. Mitcham – R. Mackey (edd.), Philosophy and Technology : Readings in the Philosophical Problems of Technology, The Free Press, New York 19832, 212-213.

[204] Ibid., 210.

[205] G. Bernanos, « La révolution de la liberté » (1944), in Id., Le Chemin de la Croix-des-Âmes, Rocher, Monaco 1987, 829.

[206] Cf. François, Rencontre avec les étudiants du Collège Barbarigo de Padoue à l’occasion du 100e anniversaire de sa fondation (23 mars 2019) : L’Osservatore Romano, 24 mars 2019, 8; Id., Discours aux recteurs, aux professeurs, aux étudiants et au personnel des universités et des institutions pontificales romaines (25 février 2023) : AAS 115 (2023), 316.

[207] François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 112 : AAS 107 (2015), 892-893.

[208] Cf. Bonaventure de Bagnoregio, Collationes in Hexaemeron, XIX, 3 ; François, Lett. enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 50 : AAS 112 (2020), 986 : « L’accumulation écrasante d’informations qui nous inonde n’équivaut pas à une plus grande sagesse. La sagesse n’est pas fabriquée par des recherches impatientes sur Internet, ni une somme d’informations dont la véracité n’est pas assurée. De cette façon, on ne mûrit pas dans la rencontre avec la vérité ».

[209] François, Message pour la LVIIIe Journée mondiale des Communications (24 janvier 2024) : L’Osservatore Romano, 24 janvier 2024, 8.

[210] Ibid.

[211] Ibid.

[212] François, Exhort. ap. Gaudete et exsultate (19 mars 2018), n. 37 : AAS 110 (2018), 1121.

[213] François, Message pour la LVIIe Journée Mondiale de la Paix (1er janvier 2024), n. 6 : L’Osservatore Romano, 14 décembre 2023, 3. Cf. Id., Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 112 : AAS 107 (2015), 892-893 ; Id. Esort. ap. Gaudete et exsultate (19 mars 2018), n. 46 : AAS 110 (2018), 1123-1124.

[214] Cf. François, Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 112 : AAS 107 (2015), 892-893.

[215] Cf. François, Discours aux participants au Séminaire « Le bien commun à l’ère numérique » (27 septembre 2019) : AAS 111 (2019), 1570-1571.

Message de Sa Sainteté le Pape François au Président de la République Française S.E. Monsieur Emmanuel Macron à l’occasion du « Sommet pour l’Action sur l’Intelligence Artificielle » Paris, 10-11 février 2025.

Monsieur le Président, Excellences, distingués participants,

J’ai appris votre louable initiative de tenir un Sommet sur l’intelligence artificielle, à Paris, les 10 et 11 février 2025. J’ai su que vous, Monsieur le Président, vous avez voulu consacrer ce sommet à l’action sur l’intelligence artificielle.

Au cours de notre rencontre, dans les Pouilles, dans le contexte du G7, j’avais eu l’occasion de souligner l’urgence de « garantir et protéger un espace de contrôle significatif de l’être humain sur le processus de choix des programmes d’intelligence artificielle ». Je pensais en effet que sans ces mécanismes, l’intelligence artificielle, bien qu’étant un nouvel outil « fascinant », pourrait montrer son côté le plus « redoutable », en devenant une menace pour la dignité humaine (cf. Discours à la session du G7 sur l’intelligence artificielle).

Je me félicite donc des efforts entrepris, avec courage et détermination, pour entamer un
parcours politique dans le sens de la protection de l’humanité contre une utilisation de l’intelligence artificielle « qui limite la vision du monde à des réalités exprimables en chiffres et enfermées dans des catégories préconçues, évinçant l’apport d’autres formes de vérité et en imposant des modèles anthropologiques, socio-économiques et culturels uniformes » (ibid.) ; et du fait qu’au Sommet de Paris, vous ayez voulu impliquer le plus grand nombre d’acteurs et d’experts dans une réflexion qui vise à produire des résultats concrets.

Dans ma dernière Lettre encyclique Dilexit nos, j’ai voulu distinguer la catégorie des algorithmes de celle du “cœur”, le concept-clé défendu par le grand philosophe et scientifique Blaise Pascal, auquel j’ai consacré une Lettre apostolique à l’occasion du quatrième anniversaire de sa naissance (cf. Sublimitas et miseria hominis, 2023), afin de souligner que, si les algorithmes peuvent être utilisés pour tromper l’homme, le “cœur”, entendu comme le siège des sentiments les plus intimes et les plus vrais, ne pourra jamais le tromper (cf. Lettre encyclique, Dilexit nos, nn. 14.20).

À tous ceux qui participeront au Sommet de Paris, je demande de ne pas oublier que c’est seulement du “cœur” de l’homme que provient le sens de son existence (cf. Blaise Pascal, Pensées). Je demande d’accepter comme axiomatique, le principe exprimé si élégamment par un autre grand philosophe français, Jacques Maritain : « L’amour vaut plus que l’intelligence » (Jacques Maritain, Réflexions sur l’intelligence, 1938).

Vos efforts, chers participants, sont un exemple brillant d’une saine politique qui veut inscrire les nouveautés technologiques dans un projet visant au bien commun pour « ouvrir le chemin à des opportunités différentes qui n’impliquent pas d’interrompre la créativité de l’homme et son rêve de progrès, mais de canaliser cette énergie de façon nouvelle » (Laudato si’, n. 191).

L’intelligence artificielle, j’en suis convaincu, peut devenir un puissant outil pour les scientifiques et les experts qui cherchent ensemble des solutions innovantes et créatives en faveur de l’éco-durabilité de notre planète. Sans ignorer que la consommation d’énergie associée au fonctionnement des infrastructures de l’intelligence artificielle est en soi hautement consommatrice d’énergie.

Déjà dans mon Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2024 consacré à l’intelligence artificielle, j’ai souligné que « dans les débats sur la réglementation de l’intelligence artificielle, il faudrait tenir compte de la voix de toutes les parties prenantes, y compris les pauvres, les marginalisés et d’autres qui restent souvent ignorés dans les processus décisionnels mondiaux » (Message pour la 57ᵉ Journée Mondiale de la Paix, 1ᵉʳ janvier 2024). Dans cette perspective, je souhaite que le sommet de Paris avance pour qu’une plate-forme d’intérêt public sur l’intelligence artificielle soit créée ; et pour que chaque nation puisse trouver dans l’intelligence artificielle un instrument, d’une part, de développement et de lutte contre la pauvreté, et d’autre part, de protection des cultures et des langues locales. Ce n’est qu’ainsi que tous les peuples de la terre pourront contribuer à la création de données, qui seront utilisées par l’intelligence artificielle, représentant la véritable diversité et richesse qui caractérise l’humanité tout entière.

Cette année, le Dicastère pour la Doctrine de la Foi et le Dicastère pour la Culture et l’Éducation ont travaillé ensemble sur une Note sur « Intelligence Artificielle et Intelligence Humaine ». Dans ce document, publié le 28 janvier dernier, ont été examinées plusieurs questions spécifiques relatives à l’intelligence artificielle que le sommet actuel est en train d’aborder et quelques autres qui me préoccupent plus particulièrement. À l’avenir, j’espère que les travaux des prochains Sommets qui devraient donner suite au présent, examineront plus en détail les effets sociaux de l’intelligence artificielle sur les relations humaines, sur l’information et sur l’éducation. La question fondamentale, cependant, reste et restera toujours anthropologique, à savoir : «si l’homme, comme homme » dans le contexte du progrès technologique « deviendra vraiment meilleur, c’est-à-dire plus mûr spirituellement, plus conscient de la dignité de son humanité. Plus responsable, plus ouvert aux autres, en particulier aux plus nécessiteux et aux plus faibles » (Lettre encyclique Redemptor hominis, n. 15). Notre ultime défi est l’homme et restera toujours l’homme ; ne l’oublions jamais. Merci, Monsieur le Président, et merci à vous tous qui avez travaillé durant ce Sommet.

Du Vatican, le 7 février 2025
François

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