Le Pape François et le dialogue interreligieux

Le pape François a constamment œuvré pour le dialogue interreligieux, considérant la fraternité humaine comme essentielle à la paix mondiale. Il insiste sur l’importance d’un dialogue ouvert et respectueux, soulignant que chacun a droit à son identité spécifique. Lors de ses nombreux voyages et rencontres, il a constamment promu cette approche. Il a encouragé la collaboration et l’amitié entre les religions, soulignant l’importance de l’unité dans la diversité pour répondre aux défis mondiaux.

Le pape François et l’islam
Dès le début de son pontificat, le pape François pose des gestes forts pour consolider et développer la relation entre l’Eglise catholique et l’Islam, entre les chrétiens et les musulmans.
Au cœur de la « méthode François » il y a ces processus faits de ténacité, de patience et d’espérance pour trouver des voies de renouveau pour le monde. Lors d’une audience à Rome, le 9 novembre 2022, au retour du Bahreïn, le pape rappelait dans quel esprit il avait déployé ces efforts :
« Le voyage au Bahreïn ne doit pas être considéré comme un épisode isolé, il fait partie d’un parcours, inauguré par Saint Jean-Paul II lorsqu’il s’est rendu au Maroc. Ainsi, la première visite d’un Pape au Bahreïn a représenté une nouvelle étape dans le cheminement entre les croyants chrétiens et musulmans : non pas pour confondre ou édulcorer la foi, mais pour construire des alliances fraternelles au nom du Père Abraham qui était un pèlerin sur terre, sous le regard miséricordieux du Dieu unique du Ciel, Dieu de la paix ».
Mais ce n’est pas seulement une méthode car le pape François a choisi de s’engager aussi dans une vraie reconnaissance de cette altérité qui habite le monde et d’y voir la sagesse divine comme cette affirmation très audacieuse, co-signée avec le Cheikh A. Al-Tayyeb en 2019 (Abu Dhabi) le rappelle :
« Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. Cette Sagesse divine est l’origine dont découle le droit à la liberté de croyance et à la liberté d’être différents. C’est pourquoi on condamne le fait de contraindre les gens à adhérer à une certaine religion ou à une certaine culture, comme aussi le fait d’imposer un style de civilisation que les autres n’acceptent pas » (Décl. Fraternité Humaine).
Alors que le pape François vient de rejoindre son Seigneur, ce message de fraternité et de dialogue devient, grâce à la coopération nouée avec ses interlocuteurs, à « hauteur d’homme », un héritage que chrétiens et musulmans peuvent sans nul doute, faire fructifier ensemble.
Des processus à poursuivre et à renouveler : le temps supérieur à l’espace.
- Ces voyages, ainsi que les audiences accordées à Rome, participent réellement d’un processus pour « construire des alliances fraternelles » que le pape développe avant tout par la coopération et la convivialité. On compte ainsi 15 voyages sur les 47 effectués en dehors d’Italie, avec l’objectif – d’autres en ont aussi offert l’occasion – d’échanger avec des personnalités musulmanes ou d’évoquer les enjeux de la relation islamo-chrétienne, voire plus largement interreligieuse.
Particulièrement éloquente est la série de rencontres, devenues amicales, entre le Pape François et le Cheikh Ahmed Al-Tayeb (Al-Azhar – Egypte), de mai 2016 (d’abord à Rome) à novembre 2022 (Bahreïn).
Aux voyages du Pape, il faut ajouter ceux de ses proches collaborateurs, comme celui du Cardinal Jean-Louis Tauran (m.06.07.2018), alors président du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, en Arabie Saoudite, du 14 au 20 avril 2018, pour des échanges avec les autorités de la Ligue Islamique Mondiale.
Il faudrait compléter cette liste impressionnante par celle des visiteurs musulmans nombreux reçus en audience à Rome par le Pape François lui-même, ou par le Dicastère pour le dialogue interreligieux. On dénombre au moins 25 rencontres au Vatican.
- Le Pape François, dont le nom est lui-même tout un programme, cherche la continuité autant que le renouvellement dans les relations avec les musulmans. Il se situe dans le sillage du Concile Vatican II et de Paul VI. Mais comme tout pontife, il ajoute sa touche personnelle. Après Jean-Paul II dont les musulmans ont apprécié la vision spirituelle qui intègre les différences au service du rassemblement du genre humain et de la paix, et après Benoît XVI très conscient du rôle des religions dans le progrès de la sagesse au cœurs des cultures et des peuples, le pape François a voulu privilégier le contact personnel et un style très fraternel. Il a préféré la signature de documents, préparés en collaboration et dans un esprit de partenariat, en fuyant les positions surplombantes. Cette démarche était très attendue, car un certain malaise persistait au début de son pontificat, en 2013. Les relations entre le Vatican et Al-Azhar avaient en effet été mises en « sommeil », sous le pontificat précédent.
- Sous le pontificat de François, l’Eglise avance en diversifiant son approche. Sans cesser pour autant de réclamer la liberté religieuse (Evangelii Gaudium n°255), sujet essentiel comme l’a encore rappelé clairement le Cardinal Tauran, lors de son dernier voyage en Arabie Saoudite (2018). Mais le Pape François a choisi de ne pas se focaliser uniquement sur ce sujet.
Bâtir des relations dans un esprit de coopération en vue de la justice
- Dès 2013, Evangelii Gaudium (n°253) il prend la peine de distinguer soigneusement l’identité profonde d’une religion de ses dérives extrémistes, radicales ou terroristes. Pour le Pape François, les dérives extrémistes peuvent en effet survenir partout, si bien que tous devraient rester humbles. En août 2016, les autorités d’Al-Azhar, par exemple, ont vraiment apprécié ce que François déclara à ceux qui lui reprochaient de ne pas parler assez de l’islam lorsqu’il condamnait le terrorisme : « Je pense qu’il n’est pas juste d’identifier l’islam avec le terrorisme ». Cette prise de position courageuse et profondément juste allait de pair avec une reconnaissance réaliste et pragmatique de la diversité des courants de l’islam, et de leurs leaders.
Bien sûr, cette conviction supposait que les chrétiens apprennent à développer un regard moins « extérieur » sur l’islam, pour comprendre comment les musulmans regardent le monde et s’engagent pour l’apaiser. En l’azharien Ahmed Al-Tayeb, François a trouvé un leader musulman désireux de faire, lui aussi, des pas en direction du monde chrétien. Il en est sorti le fameux document signé à Abu Dhabi du 4 février 2019 qui a servi de base à l’ONU pour proclamer la journée mondiale de la Fraternité humaine (Les 4 février). Dans ce document, sont concentrés les axes majeurs promus par le pape François afin d’encourager les religions à travailler sur elles-mêmes, et de rappeler aux décideurs mondiaux leurs responsabilités dans la manipulation des convictions religieuses et l’engrenage des guerres.
- Plusieurs documents peuvent être lu comme une réflexion sur la crédibilité des religions dans le monde actuel. Les pontificats précédents avaient déjà orienté vers l’élaboration de tels critères.
Pour le Pape François, en lien avec ses interlocuteurs musulmans, la construction d’une fraternité universelle est la clef de voûte pour des religions qui veulent apporter au monde un message vraiment digne d’elles. C’est une exigence qui doit aller au-delà des incantations ou de la diplomatie. Elle procède d’une décision ferme de voir autrui comme un frère et d’une coopération concrète ancrée dans une culture du dialogue. Comme le card. M. A. Ayuso Guixot le rappelait à Londres en 2022, l’Encyclique Fratelli Tutti (2020) déclare que « les différentes religions, par leur valorisation de chaque personne humaine comme créature appelée à être fils et fille de Dieu, offrent une contribution précieuse à la construction de la fraternité et pour la défense de la justice dans la société ».
De là découle l’impérieux devoir pour les religions et particulièrement pour leurs dignitaires, prédicateurs, théologiens, de bâtir la paix en fuyant toute connivence avec la violence et la guerre, la discrimination, ou la persécution des minorités. Tous doivent, pour que leur message spirituel demeure recevable, s’employer à développer une culture de paix et de dialogue menant à la compréhension mutuelle, ou mieux encore : à la reconnaissance mutuelle. Une tradition religieuse se doit donc de rendre compte, en elle-même, du droit des autres à exister dans leurs différences.
Tous concernés par les épreuves du monde entier et par le cri des pauvres
Pape extrêmement soucieux de la dignité des peuples, des cultures et des personnes, inlassable pèlerin de l’amitié et de la relation qui permettent de trouver ensemble des solutions aux difficultés, aux malheurs, et aux ravages qui meurtrissent l’humanité et la planète, le pape François a tourné nos regards vers des réalités, des pays, des interlocuteurs souvent moins considérés, au cœur d’un monde régi par les « grands » acteurs géopolitiques.
Le pape François a bien compris le double mouvement paradoxal d’un monde de plus en plus interconnecté et pourtant très fragmenté. On peut comprendre pourquoi il souligne en 2019 : « Les religions sont aujourd’hui appelées à collaborer pour promouvoir le bien commun, qui est décliné dans les thèmes de la paix, de la justice, de la sauvegarde de la création et surtout de la nécessité de lutter contre les guerres et la violence. »
Mettant en avant à plusieurs reprise l’importance, pour les croyants, de vivre une citoyenneté qui les rend capables de se soucier de « l’ensemble », il exhortait encore, lors de l’audience du 9 novembre 2022 : « « que [les hommes] ouvrent leur intelligence et leur cœur au-delà des frontières de leur propre pays, qu’ils renoncent à l’égoïsme national et au désir de dominer les autres nations, et qu’ils entretiennent un profond respect envers toute l’humanité, qui s’avance avec tant de difficultés vers une plus grande unité. » (Gaudium et Spes, 82). Au Bahreïn, j’ai ressenti ce besoin et j’ai souhaité que, dans le monde entier, les leaders religieux et civils sachent regarder au-delà de leurs propres frontières, de leurs propres communautés, pour prendre soin de l’ensemble. C’est la seule façon d’aborder certains problèmes universels, comme l’oubli de Dieu, la tragédie de la faim, le soin de la création, la paix. Dans ce sens, le Forum de dialogue, intitulé “Orient et Occident pour la coexistence humaine”, a exhorté à choisir la voie de la rencontre et à rejeter celle de la confrontation ».
La proximité et la fidélité que le Pape François a su témoigner à ses interlocuteurs, ainsi qu’à tant de personnes en détresse autour du globe, laisse dans les cœurs une trace profonde aujourd’hui. Il reste à souhaiter que chrétiens et musulmans fassent vivre, ensemble, cet héritage lumineux.
Événements majeurs en lien avec le dialogue interreligieux

Le Pape en Égypte : « Un voyage de paix et d’unité »
La visite du pape François en Égypte les 28 et 29 avril 2017 a marqué une étape importante pour le dialogue islamo-chrétien. Le Pape a rencontré le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed al-Tayeb, lors d’une Conférence mondiale sur la paix. Cette rencontre visait à renforcer les liens entre le Vatican et la principale institution de l’islam sunnite, afin d’affirmer que les religions ne sont pas en guerre, mais plutôt victimes du terrorisme.

Le Pape aux Émirats arabes unis : un voyage historique scellé par la signature du Document sur la fraternité humaine
Le 4 février 2019, à Abou Dhabi, le pape François et l’imam d’al-Azhar ont signé le « Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune« , un appel historique à la paix et à la coexistence entre les religions. Cet événement a marqué une avancée significative dans les relations entre le christianisme et l’islam.

Un voyage au Maroc placé sous le signe de « l’Espérance »
Le Pape a rencontré le roi Mohammed VI, qui est également le Commandeur des croyants au Maroc. Ce voyage a été considéré comme un jalon important dans le dialogue interreligieux. Il a permis de montrer que les religions peuvent construire des ponts et favoriser la fraternité. Le Pape a également soutenu l’Église locale au Maroc, encourageant les religieux dans leur mission de lutter contre l’ignorance et de servir l’espérance.

Une visite historique en Irak
Le voyage du pape François en Irak du 5 au 8 mars 2021 a été un événement historique marqué par un fort accent sur le dialogue interreligieux. La visite a été perçue comme un signal fort pour le dialogue interreligieux en Irak et dans la région. Elle a offert une occasion de mettre en lumière l’importance de la coexistence pacifique entre les différentes communautés religieuses du pays, tout en apportant un soutien particulier aux chrétiens d’Irak qui ont été durement éprouvés par les persécutions de Daech.
Le pape François a rencontré le grand ayatollah Ali al-Sistani en Irak, dans la ville de Najaf. Cette rencontre historique s’inscrivait dans la volonté du pape de renforcer le dialogue interreligieux, en particulier entre chrétiens et musulmans chiites.

Le Pape en Indonésie pour la première étape d’une tournée marathon en Asie-Pacifique
Lors de sa visite, le pape a inauguré en septembre 2024 le « Tunnel de la Fraternité » à Jakarta, reliant la cathédrale Sainte-Marie de l’Assomption et la mosquée Istiqlal. Ce geste symbolique a renforcé le dialogue entre chrétiens et musulmans dans le pays musulman le plus peuplé du monde.