Mgr Yves Le Saux : « Ils sont un don de Dieu pour nous »
Monseigneur Le Saux, évêque du Mans, rencontrera prochainement la famille syrienne accueillie et accompagnée au Mans. Pour lui, leur présence et leur foi nous interpellent.
Quels sont les fruits de la présence des chrétiens d’Orient dans le diocèse du Mans ?
Je dirais d’abord que leur présence manifeste l’humanité et la générosité des chrétiens. Je suis quand même impressionné : au total, une vingtaine de familles est accueillie sur l’ensemble du diocèse, dans différents réseaux et circonstances. Mais dans tous les cas, ce sont des collectifs paroissiaux ou équivalents qui se sont mobilisés de façon spontanée et qui les prennent en charge entièrement. C’est donc révélateur de leur sensibilité, de leur générosité.
D’autre part, l’arrivée de chrétiens d’Orient crée une ouverture, une prise de conscience de l’importance de la présence chrétienne dans l’histoire de ces pays. Même si, aujourd’hui, l’équilibre est rompu.
Il y a aussi quelque chose du mystère de l’Église. Beaucoup sont des chrétiens de tradition orientale – de rite melkite ou autre. Grace à eux, on découvre qu’on peut exprimer une même foi, un même attachement au Christ, dans une culture et une forme liturgique différentes. Je pense que cet aspect est très bénéfique. Bien sûr, on les prend en charge mais c’est un gain partagé. Qui fait du bien à qui ?
Je considère que leur présence est un don de Dieu pour nous. Je ne suis pas le seul à le penser et je le dis en tant qu’évêque. Malgré les circonstances douloureuses et complexes qui font qu’ils sont là, j’estime que Dieu, à travers eux, nous dit quelque chose, à nous. Je pense aux Irakiens qui ont tout perdu, tout quitté, pour rester attachés à la foi chrétienne. Nous qui sommes parfois un peu rapides dans nos compromissions, sur des tas de sujets, c’est un questionnement qu’on ne peut pas ne pas entendre : « Sommes-nous attachés au Christ ? »
J’ai reçu un couple d’Irakiens à l’évêché. Quand ils me racontaient leur histoire, j’avais envie de me mettre à genoux devant eux. Il y a quelque chose d’infiniment respectable qu’ils expriment de manière différente de la mienne mais je me suis senti édifié. Leur témoignage interroge mon propre attachement au Christ. On sent un lien entre la culture orientale et la culture chrétienne : tout cela est imbriqué. Nous, Occidentaux, n’y sommes pas habitués.
Les chrétiens orientaux ont une perception de l’Islam propre. Même si aujourd’hui ils sont persécutés par certains qui se disent musulmans, ils ont vécu pendant des siècles ensemble. Ils ont quelque chose à nous apprendre.
Quel regard portez-vous sur l’opération des Couloirs humanitaires ?
Une famille de trois personnes est arrivée au Mans par les Couloirs humanitaires. D’autres réseaux sont actifs dans le diocèse, comme l’association « Fraternité Chrétienne Sarthe-Orient » (FCSO). Les circuits sont donc diversifiés. Je me souviens de l’appel du pape François, il y a deux ans, demandant à chaque paroisse d’accueillir une famille de réfugiés. Chez nous, personne n’est venu !
Je suis heureux de cette initiative qui implique la Communauté de Sant’Egidio, la Pastorale des Migrants du diocèse du Mans – envers laquelle je suis très reconnaissant – et les paroisses. La mobilisation a été immédiate. Les Couloirs humanitaires facilitent énormément cet accueil : les questions administratives sont réglées de manière beaucoup plus rapide. Tout a bien fonctionné. Je pense que c’est une « porte ouverte » bienvenue et souhaitable.
Quel est votre message à celles et ceux qui hésitent à se lancer ? A la famille accueillie au Mans ?
Pour ceux qui ont la possibilité de faire quelque chose, il faut le faire. Que les accueillis soient chrétiens ou pas. « J’étais étranger et vous m’avez accueilli » (Matthieu 25, 35). Les réfugiés ne sont pas seulement des étrangers, ce sont des frères. Pour les chrétiens, frères en Christ ; frères en humanité, pour les musulmans. De fait, je pense qu’il n’y a pas d’autre solution que de mettre en œuvre ce précepte évangélique.
Et je suis reconnaissant envers les chrétiens du diocèse qui le font très naturellement. Cela me réjouit. Il n’a pas fallu lancer une campagne pour que la générosité fonctionne. Ceux qui le vivent sont très heureux et reçoivent beaucoup.
Par ailleurs, plusieurs paroisses ici sont jumelées avec des communautés là-bas, dans une relation de vis-à-vis. J’ai soutenu ces démarches de jumelage. On a pu observer un phénomène d’entraînement : une première l’a fait puis quatre autres ont emboîté le pas. Dès que nous essayons de vivre l’Evangile, une dynamique interne se crée. Ce ne sont pas les discours mais les actes qui motivent cette dynamique.
J’ai envie de dire à la famille syrienne qu’ils sont nos frères et que leur présence est une joie. Par la Providence de Dieu, ces personnes – même si les conditions de leur arrivée sont dramatiques – sont un don pour nous.