À Bari, les évêques expérimentent l’Église méditerranéenne
Cinquante-huit évêques du pourtour méditerranéen sont attendus du 19 au 23 février à Bari, ville portuaire au Sud de l’Italie. La rencontre intitulée “Méditerranée, frontière de paix” permettra d’échanger et d’engager une réflexion commune sur la migration. Par Florence de Maistre.
“L’initiative revient à la conférence épiscopale italienne et à son président, le cardinal Gualtiero Bassetti, c’est une première ! J’ai été sollicité pour participer à cette rencontre. C’est important, d’autant que mon diocèse compte plus de 100 km de littoral méditerranéen”, indique Mgr Pierre-Marie Carré, archevêque de Montpellier. La réunion se tient à Bari, capitale des Pouilles, du 19 au 23 février prochain. Cinquante-huit évêques représentant les conférences épiscopales des dix-neuf pays qui bordent la Méditerranée ont ainsi répondu à l’invitation. Le document préparatoire adressé aux participants précise la démarche : “pour un dialogue fraternel et pour regarder ensemble les joies et les difficultés que vivent les peuples de notre grand lac de Tibériade”.
Mgr Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, et Mgr Carré représenteront la France. À noter également, la présence du Cardinal Jean-Claude Hollerich, archevêque du Luxembourg et président de la Comece (Commission des épiscopats de la communauté européenne), celle de Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger et président de la CERNA (Conférence des évêques de la région Nord de l’Afrique), ainsi que celle du cardinal Louis Raphaël Sako, patriarche de l’Église catholique chaldéenne (Irak). Le pape François rejoindra le rassemblement pour la conclusion des travaux et présidera la messe à la basilique de San Nicola le 23 février. Il est déjà venu à Bari en juillet 2018 à l’occasion d’une Journée œcuménique de prière pour les chrétiens persécutés au Proche-Orient.
La Méditerranée : état des lieux d’un espace partagé
Temps de prières et de réflexions, tables rondes, rencontres avec les communautés locales sont au programme de ces cinq jours, envisagés comme un “laboratoire de synodalité”. Chaque participant a reçu un document qui revient sur les multiples facettes de la Méditerranée, territoire commun et partagé. Puis, le texte convoque écoute, dialogue et conversion. Pour favoriser la rencontre fraternelle et le partage d’expérience, envisager des solutions concertées, chacun a, en amont, répondu à un questionnaire sur la vie pastorale de sa région, la façon dont se vit la foi, la charité fraternelle, sur les défis, les nouveaux besoins pressentis, ainsi que sur les relations de l’Église locale avec la société civile.
Au cœur du document préparatoire, mais surtout au cœur des préoccupations de tous les acteurs, se pose la question migratoire. Les appels du pape sont fortement relayés : “La Méditerranée est depuis toujours un lieu de transitions, d’échanges, et parfois aussi de conflits. Nous en connaissons tant. Aujourd’hui, ce lieu nous présente une série de questions, souvent dramatiques. Celles-ci peuvent se traduire dans certaines interrogations que nous nous sommes posées au cours de la rencontre interreligieuse d’Abou Dhabi [le 4 février 2019, le Pape et l’imam Al-Azhar ont signé un document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune] : comment prendre soin les uns des autres au sein de l’unique famille humaine ? Comment alimenter une coexistence tolérante et pacifique qui se traduise en fraternité authentique ? Comment faire prévaloir dans nos communautés l’accueil de l’autre et de celui qui est différent de nous parce qu’il appartient à une tradition religieuse et culturelle diverse de la nôtre ? Comment les religions peuvent-elles être des chemins de fraternité au lieu de murs de séparation. Ces questions, ainsi que d’autres, exigent d’être interprétées à divers niveaux, et exigent un engagement généreux d’écoute, d’étude et de confrontation pour promouvoir des processus de libération, de paix, de fraternité et de justice” (Discours du Saint-Père 21 juin 2019, Naples).
Imaginer des solutions communes pour construire la paix et la fraternité
Les organisateurs de cette première rencontre à Bari souhaitent manifester une Église méditerranéenne présente et active, d’où l’importance de renforcer les structures de communion existantes et peut-être d’en inventer de nouvelles. La démarche s’inscrit dans la même dynamique que celle du groupe “Euregio” qui rassemble, depuis une quinzaine d’années, neuf évêques des diocèses transfrontaliers d’Aix-la-Chapelle, Liège, Luxembourg, Metz, Namur, Nancy, Trêves, Troyes et Verdun, dont l’objectif est de contribuer à la construction d’une Europe plus fraternelle. En avril dernier, le groupe publiait une lettre “à nos frères et sœurs européens”. Au paragraphe de la question migratoire, les chrétiens étaient invités à “poser le regard du Christ sur ces personnes en souffrance”. Par ailleurs, tous les deux ans depuis 1989, la Commission Mixte Méditerranée rassemble les évêques et les directeurs des services nationaux de la pastorale des migrants, du dialogue islamo-chrétien et de la mission universelle des deux rives de la Méditerranée. Le thème de la dernière rencontre était : la contribution des migrants à l’édification de l’Église locale. Mgr Pierre-Marie Carré de ponctuer : “Je pars à cette première réunion des évêques de la Méditerranée sur la migration prêt à découvrir les possibilités d’œuvrer davantage ensemble. J’en ai le désir”.