Cyclisme : trouver l’équilibre, et dans le mouvement progresser

P. Dominique Barnérias

En route vers Paris 2024 ! Les prochains Jeux olympiques sont l’occasion de partir à la découverte d’un sport et à la rencontre d’une communauté qui se mobilise autour de l’évènement international de l’été. Éclairages sur le cyclisme avec le P. Dominique Barnérias et le parcours saint Paul initié par les diocèses d’Île-de-France. Par Florence de Maistre.

“Ma pratique du vélo s’est développée lorsque je suis devenu prêtre et a pris plus d’importance depuis l’an 2000. J’ai participé au premier championnat de France cycliste du clergé en mai cette année-là à Montoire-sur-le-Loir (41). Nous étions alors douze à concourir contre quatre-vingt-dix l’an dernier. Il y a désormais un beau peloton, des coureurs qui viennent de toute la France, des religieux et religieuses, avec une dimension œcuménique”, indique le P. Dominique Barnérias, 55 ans, curé-doyen de Plaisir dans les Yvelines. Loisir, activité sportive ou simple moyen de locomotion, les bienfaits du vélo de route sont pour tous, débutants ou compétiteurs. Ils touchent autant à la santé du corps qu’à celle de l’esprit, en appelant les sensations de liberté et de dépassement de soi.

Le principe est simple : sortir dehors, enfourcher la bicyclette, appuyer sur les pédales, tenir l’équilibre, alterner les efforts tout en se sentant porté, et progresser en avançant dans ce mouvement. “J’apprécie cette liberté de partir quand on le souhaite, tout seul ou à plusieurs, être dans la nature et contempler. Être également en lien avec les éléments, le vent et les intempéries”, partage le prêtre du diocèse Versailles dans un sourire. Adepte du cyclotourisme, le P. Dominique effectue une sortie par semaine de 40 à 100 km, selon la météo et sa disponibilité. Il part également chaque été une semaine en randonnée à vélo, souvent avec un ami prêtre. C’est à chaque fois l’occasion de découvrir de belles régions : une boucle autour des Vosges l’an dernier et sans doute un parcours du côté du Cantal l’été prochain. Le cycliste aime encore relever des défis : outre la course du clergé, il a déjà participé plusieurs fois aux 24 heures du Mans vélo fin août, ainsi qu’à l’étape du Tour de France ouverte au grand public, dans les mêmes conditions que les professionnels. “En pleine nature, 10 000 coureurs sont au départ. Il y a une file ininterrompue de cyclistes, c’est très beau”, révèle le P. Dominique.

championnat de France de cyclisme du clergéDepuis l’invention de la draisienne, en passant par la vogue du grand bi, le cyclisme se développe particulièrement au XIXe siècle. La première course expérimentale de vélo de route, alors vélocipède, se déroule en 1868 au parc de Saint-Cloud à Paris. Vingt-huit ans après, le cyclisme fait partie du programme de la première Olympiade à Athènes. Depuis, il se déploie en deux épreuves : la course en ligne et le contre-la-montre intégré en 1996. La première met en jeu la stratégie dans le peloton et l’endurance. Cette année, le 3 août, les coureurs rouleront 273 km. Le lendemain, leurs homologues féminines parcourront 158 km. La deuxième, l’épreuve chronométrée, mise sur l’effort personnel et la puissance du coureur. À noter, pour la première fois ce 27 juillet, hommes et femmes effectueront le même tracé : un aller-retour au départ des Invalides jusqu’au Bois de Vincennes, avant de franchir la ligne d’arrivée sur le pont Alexandre III, soit 32,4 km.

Sentir la vie palpiter

Nombreux sont ceux qui, en dehors de l’exploit sportif, adoptent le vélo comme un style de vie. “C’est mon moyen de transport : je me déplace autant que je peux avec. Je le mets dans le train quand je me rends à Paris. C’est très pratique. J’utilise mon vélo quasiment tous les jours, c’est presque un compagnon de vie”, reprend le P. Dominique. La dimension écologique, de ce moyen de transport qui ne consomme pas d’énergie fossile, est un élément important dans la pratique cycliste du prêtre. “J’essaie d’éviter la voiture autant que possible pour les petits et moyens trajets, mais on ne trouve pas toujours les pistes cyclables convenables. Je trouve absurde pour une personne d’utiliser un véhicule qui fait presque une tonne si on peut faire autrement. Il y a des prêtres cyclistes qui vont plus loin que moi dans ce choix, certains ont renoncé à la voiture”, assure le curé de Plaisir.

« le vélo comme lieu d’une véritable expérience spirituelle »

Dans un article intitulé Avancer pour ne pas tomber – Pour une spiritualité cycliste, publié dans la revue Lumen vitae en 2019, le P. Dominique Barnérias, docteur en théologie, chargé d’enseignement à l’Institut catholique de Paris et au séminaire Saint-Sulpice d’Issy-les-Moulineaux, propose une belle réflexion sur “le vélo comme lieu d’une véritable expérience spirituelle qui a de profondes résonances avec la foi chrétienne et qui peut servir d’appui à une pédagogie sportive”. Sur son vélo, le P. Dominique apprécie particulièrement le fait de se sentir vivant, en mouvement, de ressentir tout son corps qui fonctionne. Il goûte l’effort dans la durée, aime les longues distances et sentir la fatigue à la fin de la route. “L’effort peut être dosé, lorsqu’il y a une montée ou quand on a envie d’aller plus vite. À d’autres moments, on peut se laisser porter en sentant l’élan donné, dans une descente ou en vent arrière. On avance grâce à la machine, elle avance grâce à notre effort. Dans un peloton, on est aidé”, relève-t-il.

Pédaler sur les routes de la vie

Le théologien évoque l’effort et la grâce, la participation comme première condition, et l’importance de l’entraide pour recevoir du fruit. À l’image de la communauté chrétienne, il souligne les dimensions personnelle et collective du cyclisme : “chacun fournit un effort, mais on va plus loin à plusieurs. Chacun doit prendre son relais”. Dans les montées, lorsque les coureurs grimpent un col, ils arrêtent de discuter, communient dans l’exercice physique. Ils s’entraident les uns dans le sillage des autres, tirent un cycliste même s’il s’agit d’un concurrent. “Dans la course du clergé, il y a un aspect fraternel fort dans le fait de partager une mission commune au service de l’Église. Dans le peloton de tête, on voit certains relais, ce n’est pas toujours les mêmes qui travaillent. Je vis cette course comme un défi, l’idée étant de parvenir à faire un bon temps. Depuis maintenant presque 25 ans, je prends toujours beaucoup de plaisir à retrouver des prêtres qui partagent la même passion. Chaque année des nouveaux rejoignent le groupe des fidèles, dans une sorte de fraternité du clergé informelle”, précise le P. Dominique.

P. Dominique BarnériasLe curé-doyen de Plaisir insiste sur la notion d’équilibre, en citant un poème de Madeleine Delbrêl, et développe : “Sur un vélo, on ne peut pas tenir sans avancer. Dans la vie chrétienne, on ne peut pas non plus se contenter de faire du sur-place. Dieu nous demande un équilibre étrange : s’établir dans un mouvement, un élan. Une attention assez constante est aussi requise”. Cette qualité d’attention à tout l’environnement est primordiale. Sans elle, l’accident guette. Un ami prêtre du P. Dominique en a été victime, il y a deux ans. Lui-même a également fait une grave chute lors du championnat de France cycliste du clergé en Ardèche, qui l’a immobilisé pendant six semaines. “À vélo, comme dans la vie et dans notre chemin de foi, nous sommes sans carapaces, livrés à nos fragilités”, souligne le prêtre. D’où l’importance de rester dans une dynamique avec des exercices d’entraînement pour les sportifs, de la prière et la lecture de la Parole pour les chrétiens.

Suivre saint Paul

Le doyenné de Plaisir ne s’est pas encore concrètement impliqué dans les Jeux olympiques. L’idée d’une course de vélo est dans l’air du temps, elle sera peut-être organisée pour le mois de juin. Le 17 mars dernier, le P. Dominique est intervenu à Festivis, un évènement annuel qui regroupe les jeunes de 6ème et 5ème des aumôneries de l’enseignement public de la vallée de Seine. Auprès des 350 jeunes rassemblés autour du thème : “Deviens un athlète du Christ : rejoins l’équipe de Dieu”, il a témoigné de l’importance du sport et de la foi chrétienne. Le curé-doyen de Plaisir compte se saisir du parcours saint Paul, une proposition du service diocésain de formation, “peut-être après les Jeux, en lien avec le jubilé 2025”.

Coutumier de la proposition de parcours de formation déclinés selon des thématiques d’années (Actes des apôtres, Lettres de saint Pierre, Vatican II, etc.), le service de formation des laïcs du diocèse de Versailles a été sollicité par l’équipe d’Holy games [Les Jeux saints – programme de mobilisation de l’Église catholique pour accompagner le monde du sport], dans le cadre des JO, pour accompagner théologiquement et spirituellement les communautés chrétiennes autour du sport. Ce sont finalement les services de formation de tous les diocèses d’Île-de-France qui, ensemble, ont porté ce projet et proposent le parcours saint Paul. “De fait, saint Paul n’a pas participé aux JO, mais il a assisté à des jeux similaires. Dans ses lettres, il utilise ensuite l’image du sport pour la vie spirituelle. Le parcours saint Paul propose, de même, une réflexion en partant du sport et en passant par les écrits de saint Paul pour redécouvrir la vie chrétienne”, indique le P. Yann Le Lay, responsable du service de formation des laïcs du diocèse de Versailles.

Vivre l’année préparatoire de prière

Toute équipe, paroisse ou mouvement peut télécharger le parcours qui se décline en quatre rencontres, inspirées de la devise des Jeux : plus haut, plus vite, plus fort, ensemble. Chaque séquence fonctionne autour d’une fiche et deux courtes vidéos. Dans la première, un témoin sportif partage sur sa façon de vivre les entraînements, l’esprit d’équipe, d’accepter les échecs, etc. Chacun est ensuite invité à réfléchir à sa manière d’appréhender le thème, de réagir dans la vie quotidienne, avant de prendre le temps de lire saint Paul. La deuxième vidéo présente un commentaire du P. Éric Morin, enseignant au Collège des Bernardins, directeur de l’École Cathédrale et du service biblique catholique Évangile et Vie.

L’éclairage du père met l’accent sur le fait qu’à l’image du sportif, les chrétiens disposent également d’un bon équipement et qui, plus est, fait progresser : les sacrements. Le tout ouvre sur un temps de prière. “En vue du jubilé de l’Espérance de 2025, le pape consacre l’année 2024 à la prière. Nous avons couplé le parcours avec des expressions de prière différentes pour chaque rencontre. Avec la discussion autour de l’ascèse, nous invitons à prier avec son corps. La dialogue contemplatif est proposé en lien avec le thème sur l’encouragement en communauté. La louange, en lien avec l’objectif de victoire, de vie éternelle”, détaille le P. Yann Le Lay.

En conjuguant leurs idées et leurs compétences au niveau de la province ecclésiale, les services de formation ont vécu à leur manière les JO en équipe. Entraide, synergie, liens renforcés, la coopération porte du fruit et donne des idées. Une prochaine formation de formateurs commune devrait voir le jour. Pour l’heure, le P. Yann Le Lay conseille : “jouons le jeu ! Laissons-nous interpeller par les témoignages de sportifs. Nous sommes souvent dans la posture du commentateur, entrons sur le terrain ! Je souhaite qu’à travers ce parcours saint Paul, les gens découvrent toute une richesse. Qu’à travers un évènement extérieur à l’Église, les JO, ils se mettent en mouvement, se laissent bousculer pour la mission. Que ce temps soit encore un catalyseur et donne aux chrétiens le goût de se ressourcer ensemble”.

En savoir plus

Championnat de France cycliste du clergé

  • 1er mai : Grande fête des gardians et messe solennelle en l’église collégiale de la Major, présidée par Mgr Christian Delarbre, archevêque d’Aix et Arles.
  • 2 mai : Messe à la Primatiale Saint-Trophime, avant le contre la montre, présidée par Mgr Emmanuel Gobilliard, évêque de Digne, délégué du Saint-Siège pour les JO.

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