Bioéthique, quel chemin de bonheur proposes-tu ?

Par Mgr Pierre d’Ornellas, le mercredi 24 mars 2010

blogbioethiquedornellasChers internautes,

Soyez les bienvenus sur ce blog bioéthique de l’Église catholique. Depuis son ouverture en février 2009, il se veut un outil de réflexion, ouvert à tous, croyants ou pas.

Vous êtes nombreux à le visiter et à contribuer ainsi à ce dialogue dans lequel l’Église s’engage résolument. Elle le fait parce qu’elle a confiance en l’intelligence humaine, capable de trouver des chemins de sagesse, pour le bien de tous, surtout des plus vulnérables.

Ce dialogue n’est pas la recherche d’un « moins disant éthique », comme l’ont remarqué à juste titre les citoyens lors des États généraux. Il n’est pas non plus une stratégie, il est plutôt le service humble de la vérité que les « partenaires admettent ne pas confisquer mais veulent sincèrement chercher ensemble. »

Le dialogue devient d’autant plus nécessaire que la révision des lois de bioéthique sera l’objet d’un débat parlementaire public. Il a été précédé, en janvier 2010, par le Rapport parlementaire « Favoriser le progrès médical – Respecter la dignité humaine » (N°2235). Fruit de la consultation multidisciplinaire de nombreux experts, il élabore 95 propositions qui, pour certaines, manifestent une conception de l’homme, de la famille et de la société, par exemple, la proposition numéro 4 sur « L’intérêt de l’enfant à naître ».

Les billets qui seront publiés sur ce blog, émanant de personnes compétentes, nous aideront à approfondir la réflexion sur les propositions du Rapport. Cela étant dit, nous pouvons dès aujourd’hui en cerner quelques unes, particulièrement significatives de conséquences.

• Quelles valeurs sont défendues par l’interdit des recherches sur l’embryon avec la force symbolique qu’il représente? Quelle différence entre une interdiction assortie de dérogations et une autorisation encadrée ? La dignité d’un embryon humain dépend-elle du « projet parental » ? Pourquoi poursuivre les recherches sur les cellules souches embryonnaires alors que d’autres pistes ont déjà fait leurs preuves, sans soulever d’enjeux éthiques majeurs?

• Comment envisager les conditions d’accès à l’Assistance Médicale à la Procréation ? Comment conjuguer le « désir d’enfant » et « l’intérêt de l’enfant à naître» ? Le désir d’enfant est-il un droit à la technique ? Faut-il lever l’anonymat du don de gamètes ? Comment en assurer la gratuité en évitant le risque inhérent de marchandisation ? Est-il légitime de congeler des embryons humains ? En effet, pour la première fois le rapport parlementaire pose cette question qu’il considère comme légitime. Et que faire des embryons surnuméraires congelés ?

• Est-il légitime de proposer l’extension des indications du Diagnostic préimplantatoire (DPI) ? Pourquoi faudrait-il « cibler » la trisomie 21 alors que, par ailleurs, on écarte l’idée de dresser une liste de maladies susceptibles de faire l’objet d’un DPI ? En effet, la proposition 26 contient la sélection de tout embryon porteur de la trisomie 21. N’est-ce pas une stigmatisation à l’égard des personnes atteintes par la trisomie 21 ? Sommes-nous conscients du risque d’un « eugénisme légalisé », comme l’a souligné un membre de la Mission parlementaire?

• Comment assurer la gratuité du don d’organes ? Comment concilier la liberté du consentement du défunt et la volonté des familles ? Quel encadrement pour les prélèvements sur donneurs décédés après arrêt cardiaque ?

• Comment développer la médecine prédictive tout en renforçant la protection des personnes ? Tout test génétique est-il bon, souhaitable ? Que connaissons-nous quand nous connaissons les caractéristiques génétiques d’une personne ?

• Quel rôle doit jouer l’Agence de la Biomédecine auprès du Parlement ? En effet, le rapport propose l’instauration d’un débat éthique permanent en suggérant que le Conseil Consultatif National d’Ethique (CCNE) organise la consultation du public sur les questions de bioéthique. Il est donc essentiel de se former. Ce blog veut y contribuer.

• D’autres questions devront être abordées. Que penser des neurosciences et des nanotechnologies ? Est-il légitime de rechercher sur tout ? La société n’a-t-elle pas un mot à dire aux chercheurs ?

Autant de questions ouvertes qui appellent un sursaut de responsabilité et de sagesse, de la part des citoyens et du législateur. La réponse à ces questions ne saurait être laissée au simple jeu d’équilibrage politique entre les différentes forces et les lobbies variés. La bioéthique touche à la vie de tous et chacun dans ce qu’elle a de plus intime : la souffrance et la mort, le désir et l’enfant, l’homme et la femme, ainsi que leur amour. Permettez-moi de conclure par ce premier verset du premier psaume. En effet, il ouvre sur toute la condition humaine en prononçant sur elle une formidable promesse de bonheur : « Heureux l’homme… ».

Puisse ce blog constituer un espace de dialogue et de recherche de ce qui est juste et vrai, dans le respect de chacun. Puisse-t-il contribuer à trouver le chemin de bonheur, personnel et collectif, auquel nous aspirons tous, enfants, jeunes, adultes, malades ou bien-portants, personnes âgées et en fin de vie. Oui, que les techniques biomédicales servent ce grand projet de l’homme et de Dieu qui ensemble veulent que chaque homme soit heureux.

Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, Dol et Saint Malo, est président du groupe de travail des évêques sur la bioéthique.

Fiches du groupe de travail "bioéthique"

Glossaire

PMA (procréation médicalement assistée) : pratiques cliniques et biologiques visant à remédier à l’infertilité du couple ou à éviter la transmission d’une maladie d’une particulière gravité.
GPA (gestation pour autrui) : le fait, pour une femme, de porter et de mettre au monde un enfant pour le compte d’un tiers.
CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES : issues de l’embryon à un stade très précoce et douées de deux capacités : celle de se multiplier à l’infini et celle de donner naissance à tous les types de cellules de l’organisme (pluripotence).
(Source : INSERM)
CRISPR-Cas9 (clustered regularly interspaced short palindromic repeat) : « ciseaux génétiques » permettant d’éditer l’ADN d’une cellule somatique ou germinale. Cet outil cible une zone spécifique de l’ADN et la coupe. Cela permet ensuite de corriger ou modifier la séquence ciblée.
(Source : CNRS)
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : théories et techniques « consistant à faire faire à des machines ce que l’homme ferait moyennant une certaine
intelligence ». On distingue IA faible (IA capable de simuler l’intelligence humaine pour une tâche déterminée) et IA forte (IA générique et autonome qui pourrait appliquer ses capacités à n’importe quel problème).
(Source : CNIL)
BIG DATA (« données massives ») : conjonction entre d’immenses volumes de données et les nouvelles techniques permettant de traiter ces données, voire d’en tirer par le repérage de corrélations des informations inattendues.
(Source : CNIL)