Au Puy, seize siècles d’annonce de l’Évangile
Sanctuaire marial attesté depuis le 5ème siècle, la ville du Puy en Velay est également, aujourd’hui, le point de départ d’une des quatre routes françaises du chemin vers Compostelle. Un haut lieu de piété populaire et de quête spirituelle.
C’est elle qui accueille pèlerins, touristes, chercheurs de Dieu ou de sens : Notre Dame de France, une statue de Marie à l’enfant dressée telle une vigie (du latin vigilare : veiller) à 757 mètres au sommet d’une roche basaltique. Une ancestrale tradition de croyance en les pouvoirs guérisseurs de la Vierge, la foi en son amour de mère universelle et les efforts faits en matière de tourisme, attirent dans la cathédrale du Puy près de 600.000 personnes, dont de plus en plus de groupes. « Le Puy fut un peu le « Lourdes du Moyen Age » [1]. C’est d’abord un sanctuaire marial. Sa vierge est une vierge de guérison, de délivrance et la guérison est une notion qui parle fortement aux gens ». rappelle l’évêque, Mgr Luc Crepy. Le sanctuaire d’origine a été érigé sur les ruines d’un temple païen parce qu’une femme, veuve, puis un paralytique, s’étant couchés sur un ancien dolmen, se seraient relevés guéris ! Depuis dans la cathédrale romane, de nombreuses personnes viennent toucher cette Pierre dite des Fièvres, certains y mettant leur front, voire s’allongeant dessus. « Nous avons une prière pour les malades tous les derniers samedis du mois. Cette dimension est très présente au Puy et ne se limite pas au physique mais englobe tous les blessés de la vie, les souffrances psychiques comme affectives. », précise le recteur, le Père Bernard Planche.
Les pèlerins viennent également prier avec ferveur la Vierge Noire (peut être de facture éthiopienne [2]) juchée au dessus de l’autel. La ville entière se remplit de ces visiteurs/pèlerins chaque 15 août et lors des jubilés mariaux [3] (les derniers en 2005 et 2016) lorsque la statue est portée en procession dans les rues. « Nous avons beaucoup de Vierges noires en Auvergne. Elles sont l’objet de bon nombre de pèlerinages locaux. Pour certaines personnes, qui se disent croyantes, ces pèlerinages sont l’occasion, une fois par an, de participer à la vie paroissiale locale. Et beaucoup de paroissiens – habituels ou occasionnels – s’investissent dans la préparation des pèlerinages. Nous attachons de l’importance à ces temps forts car ils sont une belle occasion pour adresser à tous une parole d‘évangélisation », commente Mgr Crepy.
La Vierge du Puy portant l’enfant Jésus sur ses genoux représente « la mère de Dieu qui a accueilli le Christ et qui l’offre au monde, Dieu venant dans notre chair, dans notre quotidien », explique le Père Planche. Une image de l’Incarnation spécialement mise en lumière dans ce sanctuaire marial.
Une annonce gratuite de la foi
Un défi tout à fait particulier s’est imposé au Puy depuis quelques décennies : l’accueil des foules qui se lancent avec hâte à l’assaut du chemin de Compostelle. Rien que l’an dernier, ils n’étaient pas moins de 16.000 à venir demander la bénédiction du départ à la messe du matin (7h en été, 7h30 heure d’hiver) au cours de laquelle leur sont remis des cadeaux pour la route (un chapelet, un évangile de saint Luc – avec les disciples d’Emmaüs -, et une médaille) ainsi qu’une intention de prière. Celle-ci, rédigée dans leur langue a été déposée dans une urne par un autre pèlerin un jour précédent et sera emportée dans le cœur du voyageur, quelle que soit son aptitude à la prière.
« Beaucoup de ces marcheurs partent vers Compostelle à un moment important de leur vie, que ce soit après un deuil, un départ en retraite, une reconversion ou pour les plus jeunes, parfois en voyage de noces mais le plus souvent parce qu’ils recherchent leur propre chemin professionnel», observe le Père Planche. « Lors de la bénédiction du départ, le nombre, témoigne Mgr Crepy, varie d’une dizaine à 250 selon les saisons. Il y a parmi eux des gens du monde entier, d’âges très différents et porteurs de toutes les attentes religieuses et spirituelles, notamment des personnes très loin de l’Église ». Mgr Crepy tient à rappeler que son prédécesseur, Mgr Brincard, avait beaucoup œuvré pour garder à la route du Puy sa dimension spirituelle. « Ce pèlerinage de Compostelle, déclare-t-il, est l’occasion d’une annonce gratuite de la foi. Il est important d’y être présent et de garder vivante la dimension spirituelle de la route. » D’où la mobilisation, sur la partie du diocèse concernée, d’équipes de chrétiens bénévoles avec, par exemple, à Saugues, un accueil à l’église le soir. Dans chaque église du chemin une inscription leur souhaite par ailleurs la « Bienvenue ». En avant même du GR 65, s’est également créée une équipe de la Pastorale du chemin.
À leur arrivée au Puy, les randonneurs peuvent être hébergés au Grand Séminaire, au gîte d’étape tenu par les Sœurs de Saint-François ou en divers lieux. Juste derrière la cathédrale, l’ancien hôtel de Saint Vidal – le « Camino » – propose en effet un espace scénographique sur le Chemin. Chaque jour à 17h, ce lieu accueille les pèlerins en partance le lendemain avec un verre de l’amitié et un temps de rencontre animé par les associations jacquaires du lieu.
S’élever symboliquement
L’été, les animations tant spirituelles (Laudes et Vêpres, veillées de prière, messes aux liturgies enrichies par la présence d’une Maîtrise musicale, temps d’adoration, lecture de textes bibliques) que culturelles (visites, concerts…) assurées à la cathédrale par des séminaristes en mission, des bénévoles et des religieux (ses), permettent de méditer sur Dieu, la beauté, le sens de sa vie, de trouver des espaces de tranquillité, de déposer des intentions de prière en lien avec des souffrances ou de se confier à un prêtre. Des ateliers proposés à l’extérieur, tels que modeler une Vierge noire en glaise ou confectionner un puzzle d’un paysage du Puy, peuvent aussi, ajoute le Père Planche, offrir des occasions de « rentrer en dialogue ».
Parmi les propositions figure la montée aux flambeaux, l’accès au sanctuaire exigeant un certain effort du fait des 134 marches menant à la cathédrale. Il est également possible de « s’élever » en se rendant à la petite chapelle St Michel qui se dresse entre terre et ciel depuis 1000 ans sur le piton d’Aiguilhe. Son fondateur, l’évêque Godescalc fut un des premiers jacquaire reconnu. En ce début de XXIème siècle encore, on continue de venir au Puy – ou d’en partir- comme pèlerin.
[1] Les papes et les rois de France, de Louis le Débonnaire au 9e siècle à François 1er au 16e siècle, ont effectué le pèlerinage du Puy, considéré comme l’un des plus importants du royaume de France.
[2] En bois de cèdre offerte, paraît-il, par Saint Louis, brûlée à la révolution française puis remplacée par la statue actuelle, du XVIIème siècle.
[3] Lorsque le 25 Mars, jour de l’Annonciation coïncide avec le Vendredi Saint.
Cet article est extrait du rapport « Église en périphérie 2019 » consacré à la piété populaire.