Bâtir un monde plus juste, écologique
Et si la rentrée était placée sous le signe de la protection de la planète ? L’appel est de plus en plus pressant et les chrétiens s’en saisissent dans le cadre de la Saison de la Création et du label Église verte. Voici venu le temps de la conversion écologique ! Par Florence de Maistre.
“La Saison de la Création entre dans une dynamique nationale et internationale. C’est un temps propice pour toucher les cœurs en redécouvrant la beauté de la Création, en posant des gestes simples en faveur de l’environnement”, lance Laura Morosini, chargée de mission pour le label Église verte. Depuis le 1er septembre et jusqu’au 4 octobre, fête de saint François d’Assise saint patron des défenseurs de l’écologie, tous les chrétiens, catholiques, protestants et orthodoxes sont invités à vivre ce temps privilégié de prière et d’action pour protéger la Création. La démarche initiée depuis une vingtaine d’année a été fortement renouvelée dans l’élan de l’encyclique Laudato Si’ en 2015 et avec l’institution par le Pape François, le 1er septembre, de la Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la Création.
“Biodiversité : toucher et se laisser toucher, le réseau de la vie” est le thème proposé par le Saint-Siège pour cette édition 2019. Laura Morosini explique : “Le terme de biodiversité apparaît un peu technique. Il est en fait synonyme du réseau de la vie. Il s’agit de prendre conscience de l’interpénétration des différentes espèces naturelles et d’y situer la place de l’homme. Alors qu’il semble un peu extérieur aux notions de nature et d’environnement, l’homme fait partie intégrante de la Création. Et cela fait sens ! Le sujet peut être abordé par des conférences, mais nous sommes surtout invités à nous laisser émerveiller, à redécouvrir nos cadres de vie. Même à Paris, la biodiversité est beaucoup plus riche qu’on ne l’imagine”.
Célébrations en plein air, attentions particulières au fleurissement des églises, marches-pèlerines ou balades éco-spirituelles pour observer les oiseaux, les papillons, ateliers de fabrication de pain, temps de prières qui se poursuivent par des repas conviviaux : les idées ne manquent pas et les initiatives fleurissent. “À chaque fois, c’est l’occasion de vivre un moment exceptionnel de partage, de créer des liens nouveaux. Des personnes loin de l’Église se retrouvent aussi dans ces propositions”, poursuit Laura Morosini.
S’engager durablement
Et si cette saison de la Création permettait de faire un pas vers le label Église verte ? Créée en 2017, cette distinction encourage et soutien les communautés qui œuvrent pour une véritable conversion écologique, en proposant des outils pour vivre en pratique l’encyclique Laudato Si. Manifestement la démarche répond aux envies et aux besoins d’agir des groupes et paroisses : trois cents communautés s’en sont déjà saisies ! Le label couvre cinq grands domaines depuis la catéchèse à la question des bâtiments et des modes de vie, et offre une progression en cinq étapes depuis la “Graine de sénevé”, étape initiale, jusqu’au “Cèdre du Liban”. “Tous les services sont susceptibles d’être impliqués, il ne s’agit pas de créer un groupe en plus, mais d’œuvrer ensemble dans la transversalité et dans l’échange. C’est la condition d’un engagement pérenne”, relève la chargée de mission pour le label Église verte qui accompagne les paroisses, explique la méthode et met en relation les groupes initiés avec ceux qui souhaitent se lancer.
Choisir des gobelets réutilisables à chaque évènement paroissial, offrir des graines aux jeunes mariés ou aux baptisés, organiser un échange de plantes lors d’une kermesse : ces premiers gestes modestes, au risque de frustrer les plus militants, ont l’avantage d’être déjà visibles. Ils permettent d’entrer paisiblement, progressivement dans la dynamique. “Les végétalisations fonctionnent aussi bien, en étant consensuelles et conviviales. Créer un jardin sur un côté de l’église transforme un espace quelconque en le rendant plus beau, éventuellement utile pour des célébrations. Les aménagements peuvent être très humbles, les témoignages sont directs”, souligne Laura Morosini. Dans l’Est parisien, un groupe vient de débuter un petit jardin ornemental et potager. Les trois, quatre pots simplement posés en attendant d’être repiqués dans les bacs ont suffi à interpeller les passants et engager des conversations. Ainsi cette mère et sa jeune fille handicapée qui a demandé l’autorisation de venir arroser lors de ses sorties. À terme, cette équipe souhaite aussi collecter un compost paroissial, tout comme celui de Saint-Gabriel dans le XXe arrondissement. Là, les paroissiens viennent à la messe avec leur seau d’épluchures de fruits et de légumes, ou comment poser des gestes verts et rencontrer différemment les habitants du quartier ! Laura Morosini de ponctuer : “toutes ces initiatives me remplissent d’espérance face à la gravité des enjeux écologiques. Je vois là un rôle majeur de l’Église que personne ne peut remplacer”.
Faire confiance aux jeunes
Sensibles à l’état du monde et à ses urgences, les jeunes sont parmi les premiers à être prêts à s’impliquer, avec d’autres, dans la cause écologique. “Certains regardent notre génération comme celle qui s’est laissée porter par le mythe du progrès continu et qui a exploité les ressources de la terre en les croyant inépuisables. Ils savent que c’est à eux de poursuivre dès maintenant le travail d’humanisation de ce monde et de le rendre habitable pour tous. Ils ont une conscience aigüe du don de la Création confiée à l’homme, qu’il doit préserver. Les jeunes sont un aiguillon dans cet appel fort à la conversion écologique”, indique Mgr Laurent Percerou, évêque de Moulins. Le président du conseil pour la pastorale des enfants et des jeunes prend en exemple la rencontre nationale des Chrétiens en grande école (CGE) en mars dernier à Cergy, comme désormais nombre de temps forts et de rassemblements des services et mouvements de jeunes, a été un véritable évènement “Laudato si” au regard de son organisation : refus du plastique jetable, tri des déchets, maximisation des transports, etc.
Au-delà de ces actes pratiques et de cette conversion des manières de vivre au quotidien, Mgr Percerou pointe un autre défi : celui de la formation. “Lors du synode des jeunes et des JMJ au Panama, la demande en matière de formation à la doctrine sociale de l’Église, dont l’écologie est un élément, a été très forte. À nous de leur faire découvrir Laudato si, qui va bien plus loin qu’un simple texte sur l’écologie. Et de l’investir pour faire de notre maison commune un lieu où l’on vive bien et pour construire ensemble le royaume de Dieu. Cela passe par les prêches des prêtres et des évêques”, développe l’évêque de Moulins.
Ou encore par des soirées thématiques, comme ces « Lectures de la Création » organisées à Nîmes ce 28 septembre prochain à la paroisse Saint-Charles. Week-end de rentrée et manifestation dans le cadre de la saison de la Création ne font qu’un. Ce samedi soir, des lectures issues de Laudato si, du livre de la Genèse et de celui de l’Apocalypse seront accompagnées de morceaux de musique et de projections de photos. Une manière de sensibiliser, d’éveiller et de nourrir autrement toutes les bonnes volontés.
À Moulins, une réflexion est menée depuis dix-huit mois pour choisir de nouvelles orientations diocésaines. Il a été décidé d’engager l’ensemble du diocèse dans le label Église verte et d’inscrire cette dynamique dans le projet pastoral. Mgr Percerou insiste : “Les jeunes ont été les premiers à soutenir ce choix. Je compte sur eux, avec les adultes porteurs du projet, pour en suivre l’évolution, s’y impliquer, apporter idées et suggestions. Dans Christus vivit, le Pape appelle les jeunes à s’engager dans l’Église pour qu’elle soit celle de tous, comme une fontaine au milieu du village, selon l’image de Jean XXIII. Entrer dans cette attitude de respect de l’environnement est une façon de contribuer à l’édification d’une société de justice et de paix”.