Rencontre des Semaines sociales de France : “Il y a dans la proposition quelque chose de la conversion personnelle”

Semaines sociales de France 2023

Écologie, préparons-nous à un changement radical” : le thème de la prochaine rencontre des Semaines sociales de France interpelle fortement. Pour réfléchir, débattre et trouver des pistes d’action ensemble, rendez-vous les 24, 25 et 26 novembre 2023 à Lyon ou en ligne. Rencontre avec Béatrice Wettstein, directrice des Semaines sociales de France. Par Florence de Maistre.

Comment le thème de cette 97e édition des Semaines sociales de France a-t-il été choisi ?

 Béatrice Wettstein, directrice des Semaines sociales de FranceTous les ans, la question du thème se pose. C’est le cœur de notre mission : choisir un sujet de réflexion porteur et construire des conférences autour. Depuis plusieurs années, l’écologie s’est invitée dans les sous-thèmes des rencontres. Déjà en 2020, nous avions eu une intervention de Dominique Lang, assomptionniste, auteur de Générations Laudato si’. Puis en 2021, Valérie Masson-Delmotte, climatologue, co-présidente du groupe 1 du GIEC a participé à la rencontre “Osons rêver l’avenir. Prendre soin des hommes et de la terre”. L’an dernier également une séquence sur la décroissance a été animée dans le cadre de “La fraternité, notre combat. Pour bâtir un avenir durable”. C’est un sujet qui s’impose en tant que tel. La problématique touche chacun de façon personnelle et collective. Il fallait absolument nous en saisir !

Qu’en est-il de l’aspect radical, précisé dans le titre ?

Au moment où nous nous interrogions sur les approches du thème, la radicalité de l’action écologique est montée d’un cran dans l’actualité. Je pense par exemple aux œuvres d’art aspergées par des activistes écologistes, l’an dernier. Nous sommes fortement interpellés par les modalités et la diversité de l’action écologique en politique, dans l’économie, etc. À partir de cet angle et avec ce grand questionnement, nous avons construit le thème de cette nouvelle rencontre. Oui, il faut changer ! Le conseil d’administration des Semaines sociales de France en a pleinement conscience. Mais comment, avec radicalité ou pas ? Selon notre âge, cette volonté de changement se manifeste de diverses façons, les approches diffèrent d’une génération à l’autre. Très concernés par l’aspect intergénérationnel, nous encourageons le dialogue. Et puis, la publication de l’exhortation apostolique Laudate Deum, ce 4 octobre, qui s’inscrit à la suite de l’encyclique Laudato si’, a renforcé et nourrit notre position. Nous l’accueillons comme un appel pressant à s’engager plus fortement. C’est vraiment intéressant de se rendre compte que ce que nous souhaitons valoriser dans les choix politiques correspond pleinement à notre vocation chrétienne.

Quels seront les temps forts de la rencontre ?

La transition écologique touche chacun de façon très personnelle. La construction du programme a donné lieu à de nombreuses discussions ! Le vendredi, nous essayerons de rencontrer les étudiants de la Catho de Lyon et de donner la parole à des jeunes militants. C’est important et c’est toujours très apprécié. Je regrette que Camille Étienne (militante, activiste du climat) se soit désistée. Mais ils sont nombreux comme elle, étudiants et membres actifs de collectifs ou d’associations comme Alternatiba. Des trentenaires aussi sont déjà engagés, comme Antoine Vermorel-Marques député porte-parole de l’écologie pour LR. Ils cherchent à faire avancer la cause, posent bien la question du comment. Le premier temps fort : entendre des personnes qui militent de façons différentes. Nous reviendrons aussi sur la notion de radicalité avec une philosophe. C’est vrai que la radicalité fait peur. D’autant que tout le monde ne comprend pas la même chose derrière ce terme. Mais nous avons choisi de conserver dans le titre “changement radical”, pour que les jeunes générations sachent que leurs angoisses, leurs difficultés à se projeter dans ce contexte climatique sont comprises. Aux Semaines sociales de France, nous réfléchissons autour de la place de chaque élément, interrogeons un système, les institutions, la technologie. Nous étudions l’ensemble dans sa complexité afin de savoir avec quoi nous souhaitons être ferme et ce que nous souhaitons faire évoluer. Des pistes seront données le samedi après-midi et le dimanche matin, le tout élargi ensuite à la dimension internationale et politique. Le programme tient de la haute couture. C’est toute la progression proposée au fil de la rencontre qui sera marquante.

À quoi les participants sont-ils appelés ?

Nous nous appuyons sur la pensée sociale chrétienne et cherchons toujours à accompagner les personnes qui nous suivent à faire un pas de plus. Nous proposerons tous les jours un temps pour se mettre en mouvement avec Laudato Si’. Quel geste très simple puis-je mettre en œuvre ? Dans quelle association, quelle démarche politique m’investir ? Les intervenants témoigneront de leurs expériences. Chacun, hyper-compétent dans son domaine, apportera des éléments de réflexion et une analyse de sa pratique. Tout le monde se coltine au sujet ! Chefs d’entreprise, élus : ils travaillent, s’interrogent sur leur propre engagement et capacité d’entraînement sur ce sujet particulier, doutent, relisent aussi leur façon de le vivre sur le plan personnel. Il me semble qu’il y a là quelque chose de la conversion personnelle, qui amène à faire bouger les lignes. Chaque participant peut s’en inspirer et se dire : moi aussi je peux m’y mettre. Un déplacement à la rencontre des habitants de Vaulx-en-Velin est proposé. En fin d’après-midi le samedi, nous aurons une belle conférence du philosophe Jean-Philippe Pierron sur notre lien au vivant. Elle sera suivie d’un hymne à la Création, d’un temps plus artistique et spirituel animé par la communauté du Sappel, qui rassemble des familles en situation d’exclusion. En plus de tout l’apport de contenu, nous souhaitons toucher aussi la dimension sensible. Nous portons beaucoup d’attention à l’accompagnement de chacun en donnant à voir des pistes de conversion intégrale et en essayant de donner de l’espérance !

Qu’est-ce qui caractérise le profil des participants ?

Nous avons de nombreux fidèles qui représentent environ 40 % des participants à chaque session. Les autres sont des nouveaux. Nos fidèles sont plutôt des seniors issus du terreau des chrétiens sociaux et toujours très engagés dans la société. On sent qu’ils sont absolument nourris par ces rencontres années après années. Ils forcent mon admiration par le temps qu’ils consacrent à la réflexion, qui est essentielle pour eux. Comme de nombreuses autres structures, nous appelons aussi un public plus jeune et cherchons à toucher les quadras et les quinquas, c’est-à-dire les personnes qui sont au beau milieu de vie active. Nous devons les convaincre à chaque nouvelle rencontre. Pour cette génération l’attente est différente. Elle vient, en fonction de l’intérêt du sujet, sur les deux jours et demi de la rencontre ou moins, un peu à la carte. À nous de leur faire goûter les propositions des Semaines sociales de France, de leur donner envie d’y adhérer au long cours. Sur place à Lyon, nous attendons cette année plus de 500 personnes et près du double en distanciel. 700 personnes étaient inscrites en ligne l’an dernier, mais nous savons que derrière une inscription, il y a souvent un couple !

Nous nous refusons à porter sur notre société un regard hostile, apeuré ou fataliste ; nous voulons incarner l’espérance en tout homme et en ce monde

Que retenez-vous des éditions passées ?

Il y a eu, ces dernières années, énormément de bouleversements. D’abord, les Semaines sociales de France ont refondu l’intégralité de leur projet associatif. Nous avons choisi de déployer les thèmes en réponse sur deux ans. Ce qui a été à peu près le cas depuis 2019. La session de 2020 s’est déroulée intégralement en ligne, et depuis le Covid les fidèles se déplacent moins. Du coup, nous modifions nos façons de travailler. Pour cette rencontre à Lyon, nous accentuons davantage la communication de proximité. Nous nous sommes rendus compte que la proposition en distanciel convient très bien aux personnes âgées, et moins aux quadras, qui ont déjà assez de visio dans la semaine. Nous renouvelons donc notre attention à la convivialité et aux échanges. Des contacts directs : c’est que les participants attendent profondément ! Nous avons davantage formalisé aussi, à chaque rencontre, les propositions de lectures, d’actions concrètes personnelles ou collectives. Nous avons la volonté de porter l’espérance dans tous nos propos. C’est vraiment important et c’est ce que nous affirmons dans notre mission : “Nous nous refusons à porter sur notre société un regard hostile, apeuré ou fataliste ; nous voulons incarner l’espérance en tout homme et en ce monde.” (Projet associatif des Semaines sociales de France :  Penser ensemble pour agir et travailler au bien commun – janv. 2019).

Qu’est-ce qui encourage votre mission ?

Notre mission ? Nourrir la réflexion des personnes qui veulent agir pour le bien commun ! C’est absolument tangible dans l’œuvre des Semaines sociales de France. C’est un lieu de débat, de réflexion de fond et apaisée, assez exceptionnel. Le tout entre qualité, bienveillance et espérance.  Le programme est ajusté, construit pour diffuser la Pensée sociale chrétienne, qui est notre boussole, au travers de thèmes qui concernent tout le monde. C’est vraiment très fort de se rendre compte que croyants ou non, tous se retrouvent dans notre approche : la Pensée sociale chrétienne parle à tous ! Nous avons des messages à faire passer, c’est très fort à mettre en œuvre !

 

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