Conclave, film de Edward Berger (2024)

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du 11 décembre 2024, n°42 à propos de Conclave,  film de Edward Berger (2024)

C’est sagesse d’attendre de quoi que ce soit ce qu’il a le projet de nous apporter, ainsi d’un film. De Conclave on n’attendra pas une réflexion de haute philosophie sur le pouvoir, ni une juste théologie du ministère pétrinien. Les quelques cardinaux qui ont participé à un conclave ne rechercheront pas une description réaliste. Nous sommes devant un film de divertissement et de suspense, c’est au regard de cela que l’on peut poser un jugement à son propos.

Le film appartient au genre des films qui veulent fasciner par la mise en scène d’un milieu étrange et par les jeux de pouvoir qui s’y déroulent ; on avait déjà vu un spectacle semblable dans le film La conspiration du Caire, film cependant d’une autre qualité que celui dont il est ici question.

Le film Conclave sort sur les écrans français au moment de la réouverture de Notre-Dame de Paris. Il nous interroge sur les relations qui existent entre le grand public et la sphère religieuse. Ne nous leurrons pas, pour une bonne partie de nos contemporains, le monde religieux, ici catholique, est étranger sinon étrange. Toute œuvre qui le prend pour décor tient alors deux lignes qui s’entrecroisent tout en se distinguant : il faut maintenir le caractère étrange du monde qui est décrit : ici, les costumes, les manières de parler et de se déplacer, les rites, etc. En même temps, il faut souligner que ce monde connaît les mêmes problèmes et les mêmes passions que le profane : ici, il va s’agir du pouvoir, des luttes d’influence, des orientations, progressistes ou rétrogrades, de l’affrontement au terrorisme, jusqu’à des errements dans le genre. Mondes lointains et pourtant si proches.

Si l’on accepte ces présupposés on peut prendre un certain plaisir à la vision de ce film. Il est interprété par des arteurs confirmés : Ralf Fiennes, John Lithgow (échappé des films de Brian de Palma, qui a su très bien l’employer), Sergio Castellito, Isabella Rossellini, etc.
Je souligne la qualité de la lumière et du décor, de l’ambiance en général. Il faut le dire, nous sommes loin de la recherche du brio et du clinquant à quoi le Palais apostolique pourrait conduire. En dehors des scènes de vote à la chapelle Sixtine, tout se passe dans la Résidence Sainte Marthe. Quelle austérité ! Tout est gris (même si ce sont des marbres) ; le mobilier est de série, vieillot ; les repas sont servis dans une sorte de self, sans aucun attrait décoratif, à l’image de locaux italiens de collectivités. Et même les soutanes, un peu éloignées de celles réellement portées par les cardinaux, leur rouge est plus sombre que lumineux. Sur les visages des personnages, on cherchera vainement des sourires, la tonalité est à la gravité et à l’inquiétude.

Le film s’attache à suivre quelques personnages, en l’occurrence des cardinaux, chacun incarnant un archétype, au risque de la caricature : des ambitieux, conscients ou non de l’être, d’autres accablés par l’éventualité que le vote pourrait se porter sur eux, un outsider que personne n’a vu venir, un Italien conservateur tirant sur sa cigarette électronique, un Nigérian qui doit affronter une « erreur » commise durant ses jeunes années, etc., jusqu’à un twist final, que je ne révèle pas, mais qui ajoute au caractère peu crédible du film.

Si l’on accepte de ne pas rechercher dans Conclave ce que pourrait, éventuellement, proposer un documentaire, on pourra prendre un certain plaisir aux jeux de rôles et de faux-semblants qu’il offre aux spectateurs.

+ Pascal Wintzer, OFC

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