J’ai vu l’Eglise se transformer de Christine Pellistrandi,

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du mercredi 11 mai 2022 à propos de l’ouvrage « j’ai vu l’Eglise se transformer » de Christine Pellistrandi.

Ce dernier livre de Christine Pellistrandi, professeur d’exégèse au Collège des Bernardins, est un ouvrage  autobiographique. Le titre interroge : tant de changements de l’Église sont-ils intervenus dans un temps  inférieur à celui d’une vie pour être l’objet d’un ouvrage ? « En relisant mon histoire, j’ai eu souvent le  sentiment de visiter un monument archéologique, parfois en redécouvrant avec émerveillement un marbre  sculpté qui garde sa puissance symbolique, parfois en restant ébahie et désorientée devant l’amoncellement  de pierres d’un bâtiment en ruines » (p. 7). Partant d’une description de l’Église de son enfance qui lui semble  maintenant appartenir à un passé lointain, elle nous fait part, pas à pas, au travers de son propre parcours,  de l’évolution spectaculaire dont elle a été le témoin.

Quelle image reste-t-il donc à Christine Pellistrandi de l’Église de son enfance ? Visiblement, elle garde  souvenir du faste des cérémonies et du formalisme du catéchisme. Au moment du sermon, très moralisant,  l’Évangile lu à la messe n’était éclairé par aucune référence scripturaire de l’Ancien Testament qui était le  grand absent de la liturgie dominicale. La communion solennelle, qui marquait le passage de l’enfance à  l’adolescence, donnait de véritables émotions mystiques, mais malheureusement l’enseignement délivré à  cette occasion ne permettait pas de réfléchir sur le don que fait le Christ dans le cœur de chacun. La période  du lycée apparaît comme une étape essentielle de la formation de Christine Pellistrandi. La transmission  d’une culture classique, avec des auteurs comme Cicéron ou Virgile, Sophocle ou Eschyle, Molière et Corneille fut bénéfique.

À partir de son propre itinéraire qui va de la fin du règne de Pie XII au pape François, Christine Pellistrandi  nous retrace l’évolution de l’Église. Elle témoigne du passage, dans les années cinquante, d’une période où  l’Église et la société se confortaient mutuellement à travers la morale, à un temps d’ébullition et de  foisonnement religieux. Parmi les bouleversements que connaît l’Église, elle signale l’encyclique Divino Afflante, en 1943, qui encourageait les études bibliques. La Bible devenait peu à peu un livre ouvert pour  tous les chrétiens. La recherche théologique, quant à elle, prend son essor grâce aux Pères Congar, Chenu,  De Lubac. Christine Pellistrandi termine l’histoire de cette période de l’enfance et de l’adolescence par un  bref commentaire de l’Épitre à Diognète et sa vision prémonitoire du rôle des chrétiens dans le monde.

Le principal regret de Christine Pellistrandi est que l’approche formaliste du catéchisme de son enfance ne  permettait pas de découvrir la saveur et la force évangélique. Il faudra attendre les années 90, à une période  où elle travaille à l’Institut catholique de Paris, dans une structure consacrée à l’étude des manuscrits,  l’Institut de recherche et d’histoire des textes (IRHT) pour qu’elle prenne goût à la Bible : « Je baignais dans  un milieu privilégié grâce au dialogue avec tous ces spécialistes de la Bible et de la patristique » (p. 9).

Elle poursuit son autobiographie en présentant des personnalités exceptionnelles qui ont éveillé son  intelligence et construit sa foi : le professeur Michel Mollat et son séminaire sur la pauvreté ; Pierre Renouvin,  spécialiste des relations internationales, etc. À une époque où l’on assiste à l’effondrement de la pratique  religieuse, elle a été marquée par de grandes figures sacerdotales, que ce soit l’aumônier de la Sorbonne  devenu archevêque de Paris, les professeurs de l’Institut catholique mais aussi des prêtres de paroisse qui  assumaient leur ministère dans des conditions difficiles. Les années à la Sorbonne et au Centre Richelieu lui  font découvrir un autre visage de l’Église. Il y avait une véritable initiation à la prière, à la Bible, à la vie  sacramentelle. Jésus apparaissait vivant, compatissant et aimant. Trouver des lieux comme le Centre  Richelieu où la structure avait été pensée pour toucher toutes les catégories d’étudiants fut pour Christine  Pellistrandi, et pour bien d’autres certainement, une merveilleuse découverte : il y régnait une ouverture  d’esprit qui n’était pas chose courante à l’époque ! Elle garde un souvenir inoubliable des rencontres au sein  de groupes constitués respirant une communion spirituelle. Que de découvertes et de moments  précieux partagés ! Cette période n’avait malheureusement qu’un temps, celui de la vie étudiante et ne  préparait sans doute pas les jeunes à assumer leur vie d’adulte ou, du moins elle ne pouvait le faire que  partiellement. Avec un peu de recul cependant, il faut reconnaître qu’elle a visiblement contribué à apporter  beaucoup d’éléments indispensables à un développement spirituel équilibré.

Puis vient le temps du mariage et de la maternité, des difficultés de la vie et du questionnement sur ce qu’il  reste alors de la foi enthousiaste des vingt ans. Christine Pellistrandi note l’importance de l’encyclique de  Pie XI Casti connubii en 1930, Humanae Vitae de Paul VI en 1968. Elle se réjouit de Amoris Laetitia de François  et affirme : « Les corps sont un langage et l’on comprend à ce moment-là la force du verbe hébreu qui décrit  les relations sexuelles : connaître. Connaître par le cœur, par les sens, c’est communier à l’être de l’autre  pour exprimer un amour autrement que par des mots » (p.85). Elle constate que « l’enseignement reçu sur  le mariage, avec sa charge de négativité, nous a créé une contrainte que nous avons prise pour la réalité du  mariage dont nous avons oublié la beauté » (p. 89).

D’autres rencontres lui ouvrent l’accès à la Bible et à une autre forme de connaissance de Dieu par le biais de  l’étude biblique. Ce fut aussi le temps de la mise en pratique du concile Vatican II avec toutes les difficultés  que cela engendra.

Ce livre autobiographique, extrêmement vivant, est d’une lecture très aisée. À certains, il évoquera des  souvenirs ; à d’autres, il apportera des informations. Que soit remerciée Christine Pellistrandi de nous avoir  fait partager, de manière aussi personnelle, la façon dont elle a vécu les transformations de l’Église au cours  des dernières décennies.

 Cécile Lahellec et + Hubert Herbreteau

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