Réflexions sur l’avenir des retraites

Résumé de la déclaration de la Commission sociale des évêques de France
Texte intégral publié par Documents Épiscopat, février 2002

Les Français s’inquiètent pour leurs retraites. Va-t-on voir s’effondrer l’une des plus belles réalisations sociales du XXe siècle ? La Commission sociale des évêques de France, en rendant publiques ses  » Réflexions sur l’avenir des retraites « , désire apporter sa contribution au débat en cours, en décrivant l’état des lieux, en soulignant les enjeux essentiels, et en proposant modestement quelques orientations possibles.

L’état des lieux

Où en sommes nous ?

1- Il faut d’abord prendre en compte les données démographiques
L’équilibre financier des régimes de retraites par répartition dépend directement du rapport entre le nombre des cotisants et le nombre des retraités : ce que l’on appelle le taux de dépendance. Ce taux est actuellement de 2,2 cotisants pour un retraité : il sera de 1,2 en l’an 2040.
Cette situation s’explique par l’allongement de l’espérance de vie et surtout par l’arrivée à la retraite, à partir de 2005, des générations du baby-boom. La natalité, elle, est en baisse depuis 1965, malgré la légère remontée des deux dernières années.
Pourra-t-on raisonnablement laisser à la charge d’une génération d’actifs moins nombreux, des retraités de plus en plus nombreux et de plus en plus âgés ? Faut-il alors diminuer les retraités ? Augmenter le nombre d’années de cotisations ? Augmenter les cotisations ? Autrement dit : travailler plus ? Payer plus ? Toucher moins ?

2- La question des retraites ne peut être abordée uniquement sous son angle financier. Il faut également considérer l’évolution récente des différents temps de la vie.
Les jeunes de 18 à 25 ans entrent plus tard au travail et connaissent, pour beaucoup, une période de précarité. Les 25-55 ans vivent une période très intensive en volume de travail et très sélective du point de vue de la compétitivité. Entre 55 et 70 ans, soit entre la fin de la vie professionnelle et la  » vieillesse « , s’étend une longue période aux contours très divers, cependant que le temps de la  » vieillesse  » apparaît de plus en plus tardivement et est progressivement marquée par la dépendance.
Il importe de repenser l’emploi et les systèmes de protection sociale en fonction de ce cycle de vie plus long et plus différencié.

 

Quels sont les enjeux ?

  • Sauvegarder la solidarité entre les générations. La guerre des générations aura-t-elle lieu ? Il ne semble pas car il existe une large communauté de destin résultant de la longue cohabitation entre les générations. Mais un nouveau pacte intergénérationnel n’en est pas moins nécessaire : ce pacte existe actuellement mais de manière implicite. Il doit se fonder sur le désir de personnes d’âges différents de  » vivre ensemble « .
  • Choisir entre répartition et capitalisation
    Dans la répartition, les actifs d’aujourd’hui cotisent non pas pour eux-mêmes mais pour les retraités d’aujourd’hui. Dans la capitalisation, chaque individu cotise pour sa propre retraite, sans attendre des autres le versement de celle-ci. Il importe de bien peser les risques de la capitalisation (accentuation des inégalités entre les retraités, risques venant de l’instabilité des marchés financiers). Les injustices actuelles de la répartition nécessitent une profonde réforme du système. L’inspiration évangélique semble inciter à privilégier la solidarité organisée entre les générations et donc à sauvegarder la répartition.
  • Repenser la fin de carrière active et les formes d’activités ouvertes aux retraités. L’âge du départ à la retraite, en France, se situe aux environs de 58 ans. Il importe d’organiser une plus grande souplesse pour la période de la fin de la vie active et de faciliter le développement d’une  » retraite choisie « .
  • Susciter un débat national. La question de l’avenir des retraites est difficile, passionnée. Elle n’a pas de solution unique. Aussi nécessite-t-elle lucidité, imagination, courage et dialogue social.

 

Quelques propositions prudentielles

  • Rechercher justice et équité dans tous les domaines, spécialement en ce qui concerne les disparités entre les salariés du secteur privé et les agents publics.
  • Augmenter le nombre d’année de cotisations ? Cela apparaît comme inévitable. Mais cette mesure, qui peut avoir des effets pervers, doit se réaliser progressivement.
  • Rechercher la cohérence entre discours et pratiques au sujet des préretraites : on ne peut demander l’allongement de l’activité pour diminuer le poids des retraites et en même temps mettre les actifs à la retraite à partir de 55 ans en vue d’améliorer la compétitivité.
  • Organiser une gestion du temps tout au long de la vie. Des modalités plus inventives d’aménagement du temps pourraient faciliter une évolution plus harmonieuse des formes de travail et d’activité au cours de la vie.
  • Prendre en compte la famille. Le renouvellement des générations plaide en faveur d’une politique familiale plus audacieuse.
  • Faire appel à nouveau à la main d’œuvre étrangère pour faire marcher notre économie et payer nos retraites ? Des négociations s’imposent entre pays d’accueil et pays d’origine.
  • Donner sens et valeur aux différents âges de la vie. L’utilité d’une personne se mesure-t-elle d’abord en fonction de son apport en travail et en argent ? La société humaine est toujours à construire et toute personne a une fécondité sociale !

Déclaration complète rédigée par :

Mgr Olivier de Berranger
Mgr Philippe Barbarin
Mgr Hervé Renaudin
Mgr André Lacrampe
Mgr Jacques Noyer