Élections : un vote pour quelle société ?

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Durant les prochains mois, notre attention sera largement sollicitée par la préparation des élections présidentielles et législatives.

Ces temps que nous traversons sont des temps de crise. Une crise globale touche tous les pays occidentaux depuis plusieurs dizaines d’années. Ce n’est pas une particularité française. Les effets de la crise financière mondiale qui s’est accélérée en septembre 2008 sont loin d’être épuisés. Ce déséquilibre s’est ajouté aux difficultés sociales et politiques qui sont les conséquences de la transformation profonde et rapide de nos sociétés et de toutes les structures qui organisent notre vie sociale.

De nombreux facteurs de transformation se conjuguent.
Trois d’entre eux méritent, selon nous, de retenir l’attention de tous :

– Tout d’abord, nous pensons au formidable développement des techniques scientifiques. Celui-ci ne cesse de se poursuivre. Il incite à projeter ou même à mettre à exécution des idées qui étaient restées jusque-là au stade des rêves ou des cauchemars. Ainsi le perfectionnement de la connaissance et de la compréhension du vivant suscitent des désirs que rien ne paraît pouvoir limiter. Il est donc urgent et indispensable que l’homme puisse mieux définir qui il est, et déterminer les conditions de son propre respect. Faute d’une appréhension précise de sa dignité, il se laisse inexorablement fasciner par son pouvoir scientifique, dont il est tenté d’attendre la solution à tous ses problèmes, en oubliant de voir ce qui risque de se retourner contre lui.

– Un deuxième facteur de transformation est la fin d’une certaine homogénéité culturelle de nos sociétés. Bien avant que la réalité de la mondialisation soit appréhendée et commentée, nos pays d’Europe occidentale ont connu – et connaissent encore – des vagues d’immigration diverses. Ainsi coexistent aujourd’hui, à égalité de droits, des personnes ayant des origines ethniques et des références culturelles et religieuses les plus variées. Pour des citoyens de plus ou moins vieille souche, ceci peut engendrer un sentiment d’instabilité très délicat à vivre. Pour beaucoup de nouveaux arrivés, cela se traduit par le fait de se sentir mal accueillis et de ne pas pouvoir trouver une place dans une société qu’ils ne peuvent pourtant plus quitter.

– Enfin, dans nos sociétés, chacun revendique toujours plus ses droits sans beaucoup s’inquiéter de ses devoirs. Dans ce domaine, nous assistons sans doute à un mouvement amorcé depuis longtemps. Les libertés individuelles ont contribué à augmenter le sens de la responsabilité personnelle. Mais l’individualisme finit par dissoudre la vie sociale, dès lors que chacun juge toute chose en fonction de son intérêt propre. Le bien commun de tous risque d’être confondu avec la somme des avantages particuliers.

Ces transformations interrogent la conception que l’on se fait de l’homme, de sa dignité et de sa vocation. Les gouvernants et les législateurs sont confrontés à des questions nouvelles. L’éclatement des références éthiques fait reposer un poids moral toujours plus lourd sur la formulation des lois. Puisqu’elles jouent inévitablement un rôle de référence morale dont il convient de tenir compte, le législateur ne peut se contenter d’enregistrer ‘évolution des mœurs.

Dans ce contexte, notre devoir d’évêques est de rappeler la haute importance que l’Église, depuis ses origines, reconnaît à la fonction politique. Dans une démocratie représentative, le vote est la manière par laquelle chacun peut participer à l’exercice du pouvoir. Il est donc essentiel d’y prendre part, de la manière la plus sérieuse possible. Un vote ne peut être simplement dicté par l’habitude, par l’appartenance à une classe sociale ou par la poursuite intérêts particuliers. Il doit prendre en compte les défis qui se présentent et viser ce qui pourra rendre notre pays plus agréable à vivre et plus humain pour tous.

Comme chrétiens, nous devons être confiants : les crises qui traversent les sociétés humaines peuvent être des occasions de renouveau et des expériences qui réorientent l’avenir. Elles ne doivent pas nous empêcher de viser toujours et en toutes circonstances le respect de la dignité de toute personne humaine, l’attention particulière aux plus faibles, le développement des coopérations avec d’autres pays, et la recherche de la justice et de la paix pour tous les peuples.

Cependant, nous ne pouvons pas attendre du pouvoir politique plus qu’il ne peut donner. Élire un président de la République et choisir des représentants ne suffira pas à relever les défis qui se présentent à nous aujourd’hui. Les déséquilibres actuels, avec leurs dimensions sociales, culturelles et économiques, nous font mesurer l’apport considérable de la production industrielle et de la société de consommation, mais aussi leurs limites et leurs fragilités. Le mode de vie qui est le nôtre depuis quelques décennies ne pourra pas être celui de tous les pays du monde, ni même se maintenir perpétuellement tel quel chez nous.

Depuis longtemps, avec d’autres, les papes et les évêques appellent chacun à reconsidérer sa manière de vivre, à privilégier l’être plus que l’avoir, à chercher et promouvoir un « développement intégral » pour tous. Sous des termes variés, c’est la même invitation pressante à un changement de mode de vie. Chrétiens, à bien des égards, nous sommes mieux équipés que beaucoup d’autres pour choisir ce changement plutôt que de le subir seulement.

À cette lettre, nous joignons un document qui détaille quelques points qui nous semblent importants à prendre en compte en vue de ces élections. À chaque citoyen, à chacun de vous donc, il revient d’examiner comment les programmes et les projets des partis et des candidats traitent ces différents points, et de déterminer si ces approches sont cohérentes ou non avec la société dans laquelle nous voulons vivre. À chacun de vous il reviendra aussi de hiérarchiser ces différents points en vue du vote. D’autres, bien sûr, peuvent y être ajoutés.

Dans un temps d’hypermédiatisation, il convient d’être prudent devant la surenchère des informations qui seront diffusées, de ne pas se laisser entraîner par des calomnies ou des médisances, de rechercher avec précaution, autant que chacun en est capable, ce qui est vrai et ce qui est juste.

En vous adressant ce message en amont de l’ouverture de la campagne électorale, nous croyons répondre à l’attente de beaucoup. Prions pour que le désir du bien de tous domine dans nos choix et dans ceux de nos concitoyens.

Paris, le 3 octobre 2011
Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France :

Cardinal ANDRÉ VINGT-TROIS,
archevêque de Paris
président de la Conférence des évêques de France

Mgr HIPPOLYTE SIMON,
archevêque de Clermont
vice-président de la Conférence des évêques de France

Mgr LAURENT ULRICH,
archevêque de Lille
vice-président de la Conférence des évêques de France

Mgr JACQUES BLAQUART,
évêque d’Orléans

Mgr JEAN-CLAUDE BOULANGER,
évêque de Bayeux et Lisieux

Mgr JEAN-PIERRE GRALLET,
archevêque de Strasbourg

Mgr HUBERT HERBRETEAU,
évêque d’Agen

Mgr JEAN-PAUL JAEGER,
évêque d’Arras

Mgr JEAN-PAUL JAMES,
évêque de Nantes

 

CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DE FRANCE

Élections 2012
Éléments de discernement

De sa contemplation du Christ, l’Église tire une vision cohérente de la personne en toutes ses dimensions, inséparables les unes des autres. Cette vision peut servir de guide et de mesure aux projets qu’une société doit se donner.

 

Vie naissante

Chaque personne est unique aux yeux de Dieu. L’engagement résolu des chrétiens n’est pas dicté d’abord par une morale mais par l’amour de la vie que ni la maladie ni l’âge ne peut amoindrir. Il est impératif que les autorités publiques refusent l’instrumentalisation de l’embryon. De même, l’avortement ne peut en aucun cas être présenté comme une solution pour les mères en difficulté. Les chrétiens doivent veiller à ce que la société consacre de grands efforts pour l’accueil de la vie.
 

Famille

En créant l’être humain, « homme et femme », Dieu a suscité une relation de complémentarité à la fois biologique et sociale qui se retrouve dans toute la société. La différence sexuelle de l’homme et de la femme est fondatrice et structurante de tout le devenir humain. De plus, l’union de l’homme et de la femme scellée dans le mariage est le moyen le plus simple et le plus efficace d’accompagner le renouvellement des générations et d’accueillir les enfants pour les introduire en ce monde. La famille, fondée sur l’union durable de l’homme et de la femme, doit être aidée économiquement et défendue socialement car, à travers les enfants qu’elle porte et qu’elle éduque, c’est l’avenir et la stabilité de la société qui sont en jeu.
 

Education

L’éducation est une des expressions majeures du respect de la personne. Une éducation juste implique : la liberté et la responsabilité des parents, la transmission à tous des savoirs essentiels, l’attention spécifique à ceux qui rencontrent des difficultés scolaires, le respect de la liberté de conscience, des enseignements respectueux de la dignité et de la beauté de la vie humaine.
 

Jeunesse

L’intégration des jeunes générations est un objectif incontournable pour toute société. Chez nous, divers facteurs rendent cette intégration difficile. L’aide aux familles dans leur responsabilité éducative, les conditions de la vie étudiante, l’entrée dans la vie professionnelle, la possibilité de fonder une famille indépendante, etc. sont autant de domaines dans lesquels le soutien institutionnel et financier de la collectivité ne doit pas être perçu comme une faveur, mais comme un investissement nécessaire à la cohésion et à la paix sociales.

Banlieues et cités

Depuis quelques années, malgré des efforts répétés, certains quartiers et certaines cités deviennent des lieux de violence, de trafics. Plus généralement, certains de leurs habitants s’y trouvent enfermés, ne parvenant pas et parfois ne voulant plus prendre pied dans la société globale. Une politique purement répressive ne saurait suffire ni résoudre les problèmes de fond. Des efforts d’aménagement, notamment de renouvellement de l’habitat et des transports, sont nécessaires. Des initiatives doivent être prises pour aider les habitants à comprendre la société où ils se trouvent et à s’en considérer comme partie prenante. Un certain nombre d’associations jouent un rôle important qui doit être soutenu et encouragé.
 

Environnement

La terre est un don d’amour fait par le Créateur pour que l’homme soit le gérant de ce bien donné. En l’invitant à dominer la terre, Dieu ne l’a pas invité à l’épuiser ou à la détruire. C’est pourquoi l’Église invite la société à promouvoir des modes de vie respectueux de l’environnement et à intégrer cette préoccupation dans le développement économique et social. Les prouesses techniques dont la société est capable sont à encourager si elles sont respectueuses de l’« écologie humaine » (Benoît XVI).
 

Economie et justice

Le travail demeure une nécessité fondamentale pour la structuration de la personne. C’est pourquoi l’objectif de toute politique économique doit être d’offrir à tous ceux qui se présentent, et en particulier aux jeunes, une perspective de travail et une véritable préparation à l’emploi. Une politique économique qui se résoudrait au maintien dans la dépendance vis-à-vis de l’État serait contraire à cet impératif. Les autorités publiques doivent créer les conditions d’une plus grande justice dans la vie économique en veillant à l’équité des salaires, des prix et des échanges. L’équilibre de la société exige la correction des écarts disproportionnés de richesse.

Mais la société ne se limite pas aux échanges économiques. La gratuité qui est à l’œuvre dans la vie associative et culturelle est une des conditions de sa vitalité. L’État doit encourager et faciliter les citoyens à s’engager financièrement et personnellement dans des associations de tous ordres qui renforcent le tissu social.
 

Coopération internationale et immigration

Le bien commun implique la paix entre personnes et entre nations. Il proscrit l’usage de la force entre les États, sauf dans les situations extrêmes où toute autre solution est impossible. Il appelle un partage des richesses et le développement des actions de coopération. Il passe par des institutions internationales dont le fonctionnement et les actions servent efficacement la dignité des personnes et des peuples.
L’Église reconnaît à tout homme le droit d’émigrer pour améliorer sa situation, même s’il est regrettable que tous ne puissent pas survivre dans leurs pays.
Mais dans un monde aussi organisé que le nôtre, une régulation des migrations est nécessaire. Elle ne peut pas se réduire à une fermeture protectrice des frontières. Elle doit permettre d’accueillir au mieux ceux qui se présentent, avec respect et sérieux, et en leur offrant une vraie possibilité d’intégration.
 

Handicap

Nos sociétés modernes s’honorent d’un renouvellement du regard sur les personnes handicapées. Elles savent leur permettre de trouver leur place dans la vie sociale. Les chrétiens y reconnaissent volontiers un écho de l’attitude du Christ rencontrant et réconfortant des personnes malades ou atteintes de handicap (Marc 1, 40 ; Luc 5, 17…). Ce souci doit donc être encouragé. Mais le dépistage prénatal systématique qui risque de déboucher sur l’élimination des personnes porteuses de certains handicaps remet en cause en son fondement même la solidarité envers le plus faible qui doit animer la société.
 

Fin de Vie

Toute personne, quel que soit son âge, son état de fatigue, son handicap ou sa maladie, n’en garde pas moins sa dignité. Pour cette raison, « l’euthanasie
est une fausse solution au drame de la souffrance, une solution indigne de l’homme » (Benoît XVI) car elle vise, sous prétexte de compassion, à abandonner les personnes au moment où elles ont le plus besoin d’aide et d’accompagnement. L’arrivée de générations importantes dans le grand âge doit inviter la société à une plus grande solidarité. Le développement des soins palliatifs, fruit d’un progrès éthique et scientifique, doit être poursuivi pour que tous ceux qui en ont besoin puissent en bénéficier.
 

Patrimoine et culture

Notre pays hérite de l’effort culturel des générations précédentes. La culture ne coïncide pas avec la production culturelle ou même avec la réception de ses produits. Elle permet à chaque personne d’inscrire sa destinée dans la communauté humaine avec celle des autres devant les horizons de la plus grande espérance. Il est souhaitable que les pouvoirs publics assemblent les conditions pour que les jeunes générations profitent de ce que nous lègue le passé pour se projeter dans l’avenir.
 

Europe

Le projet européen peut être compris de bien des manières. En son origine, il représente un magnifique effort pour assumer l’histoire d’un continent en termes de pardon et de promesse. Dans le monde globalisé où nous vivons, bien des réalités ne peuvent être traitées qu’à cette échelle. Mais la construction
européenne appelle des États capables de proposer et de défendre un projet clair, en vue de créer un espace de liberté et de créativité.

L’Union européenne est devenue le cadre institutionnel de beaucoup des activités humaines en notre pays. Mais elle agit trop souvent comme une instance administrative et même bureaucratique. Le marché unique est un beau projet dans la mesure où il est sous-tendu par une vision spirituelle de l’homme. Les chrétiens désirent que l’Europe, loin de réduire l’homme à n’être qu’un consommateur sans cesse insatisfait et soucieux de ses droits, permette à ses habitants d’agir de façon responsable, avec les ressources spirituelles, morales, économiques et politiques qui sont les leurs, pour le bien de l’ensemble du monde.
 

Laïcité et vie en société

Dans notre pays, la relation entre l’Église catholique et l’État a été marquée par une histoire difficile et souvent conflictuelle. Cette relation est aujourd’hui largement apaisée et c’est une bonne chose pour l’équilibre de notre société. Nous vivons dans un régime de séparation – depuis la loi de 1905 – et la laïcité est un principe constitutionnel de la République française. À plusieurs reprises et notamment lors du centenaire de la loi de 1905 [1], l’Église a affirmé accepter le cadre dans lequel nous nous situons. Séparation ne signifie pas ignorance réciproque ; nombreux sont les lieux et les occasions de rencontre, de dialogue, tant au plan local que national. Si l’État ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte (art. 2 de la loi de 1905), il se doit d’assurer la liberté de conscience et de garantir le libre exercice des cultes (art. 1). C’est dans le sens de la liberté que la jurisprudence a de façon constante interprété la loi. Récemment le débat sur la laïcité est revenu sur le devant de la scène, en raison de la présence plus nombreuse de citoyens de religion musulmane et des questions posées par certaines pratiques minoritaires. Ces débats ne doivent pas stigmatiser les religions dans notre pays au risque d’aboutir à la laïcité la plus fermée, c’est-à-dire celle du refus de toute expression religieuse publique. Certaines pratiques administratives ont montré que ce risque n’est pas illusoire.

De même, certaines réactions excessives, dans des débats récents, ont montré que l’intolérance à l’égard de l’Église catholique (et des religions en général)
ne constituait pas uniquement des vestiges du passé. Les catholiques n’entendent pas être des citoyens interdits de parole dans la société démocratique.
En exprimant ce qu’ils pensent, ils ne vont pas à l’encontre de l’intelligence et de la liberté de jugement de ceux qui ne partagent pas leur foi. Ils souhaitent une application apaisée et ouverte des lois et des règlements qui définissent le pacte laïc de notre commune République.
 

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Pour aller plus loin

Les questions sociales, économiques et éthiques sont de plus en plus en plus complexes. Les experts ont une parole qui peut aider à la réflexion des citoyens mais ne peut pas s’y substituer.

L’éducation de la conscience, par le dialogue raisonné de la foi, est donc un impératif pour tout croyant s’il ne veut pas en rester à quelques formules toutes faites. Il est invité par l’Église à découvrir la richesse de son enseignement, jalonné par les encycliques des papes et récapitulé dans le Catéchisme de l’Église catholique, qui concerne l’homme tout entier.

«Beaucoup de comportements cyniques ou simplement irréfléchis ont conduit à la perte du sens d’une destinée commune, à commencer par l’affirmation selon laquelle chacun n’a de comptes à rendre qu’à lui-même en oubliant que les droits n’ont de sens qu’en lien avec des responsabilités […] lorsque le sens de l’existence ne passe plus par le lien à autrui, la perception même de l’intérêt général est brouillée. Les propositions politiques de long terme sont dévalorisées. Les attentes des citoyens s’en trouvent faussées.
Il n’y a plus de hiérarchie des priorités et chacun réclame l’intervention de l’État pour ses problèmes particuliers ». [2]

Si « l’Église ne peut ni ne doit prendre en main la bataille politique pour édifier une société la plus juste possible […], elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice. Elle doit s’insérer en elle par la voie de l’argumentation rationnelle et elle doit réveiller les forces spirituelles, sans lesquelles la justice, qui requiert aussi des renoncements, ne peut s’affirmer ni se développer ». [3]

Le véritable développement humain suppose « des hommes droits, des acteurs économiques et des hommes politiques fortement interpellés dans leur conscience par le souci du bien commun. La compétence professionnelle et la cohérence morale sont nécessaires l’une et l’autre ! ». [4]

« La crise couvait depuis longtemps. Elle s’est manifestée d’abord dans le domaine écologique. Puis les crises alimentaire, financière, économique, monétaire et sociale se sont succédées rapidement, révélant une crise bien plus profonde, une crise spirituelle, une crise de sens. Cette crise du sens profond de l’existence a été masquée par une confiance excessive dans l’économie libérale. Il est clair aujourd’hui que l’économie seule ne peut fournir les réponses adéquates à tous les problèmes de société » [5]

« On voudrait être convaincu que les dérives financières de 2008 n’ont pas été oubliées et que les événements qui les ont provoquées n’ont pas repris leurs cours. Les contrôles réels des flux financiers, au niveau national et international, peinent à se mettre en place. L’illusion d’une grande distribution des fonds publics continue de masquer les failles structurelles de notre pays et contribue à prolonger le rêve d’une société de consommation sans rapport réel avec les moyens disponibles, ni dans les foyers ni dans la société. L’appel que nous lançons régulièrement à promouvoir de nouveaux modes de vie n’est pas une incantation moralisante. C’est plutôt l’avertissement que la raison humaine doit lancer devant les excès de notre système ». [6]

Une redéfinition du bien commun est sans doute nécessaire. « Il appartient à chacun d’intégrer que ses envies personnelles ne peuvent être l’unique ressort de son agir et de son jugement. Il est fort possible que la prise en compte du bien commun demande des sacrifices à chacun ». [7]

« Aucun pays ne peut penser être en mesure de faire face seul aux problèmes migratoires de notre temps. Nous sommes tous témoins du poids de souffrances, de malaises, et d’aspirations qui accompagnent les flux migratoires. […] les travailleurs étrangers, malgré les difficultés liées à leur intégration apportent par leur travail une contribution appréciable au développement économique du pays qui les accueille, mais aussi à leur pays d’origine par leur envoi d’argent. Il est évident que ces travailleurs ne doivent pas être considérés comme une marchandise ou simplement comme une force de travail […]. Tout migrant est une personne humaine qui, en tant que telle, possède des droits fondamentaux inaliénables qui doivent être respectés par tous et en toute circonstance ». [8]


[1] Jean-Paul II, Lettre aux évêques de France, février 2005. Déclaration des évêques de France. Assemblée plénière, juin 2005.
[2] CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DE FRANCE, CONSEIL FAMILLE ET SOCIÉTÉ, Grandir dans la crise, coéd. Bayard/Cerf/ Fleurus-Mame, coll. Documents d’Église, mars 2011, page 18-19.
[3] BENOÎT XVI, Deus caritas est, n° 28, 2006.
[4] BENOÎT XVI, Caritas in veritate, n° 71, 2009.
[5] IBID., Grandir dans la crise, page 29.
[6] Cal ANDRÉ VINGT-TROIS, Discours d’ouverture, Assemblée plénière, Lourdes 2011.
[7] IBID., Grandir dans la crise, page 47.
[8] BENOÎT XVI, Caritas in veritate, n° 62, 2009.

Références bibliographiques

Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps, Gaudium et spes, décembre 1965.
Catéchisme de l’Église catholique, coéd. Centurion/Cerf/Fleurus-Mame, paragraphes 2196 à 2463, 1998.
• Conseil pontifical Justice et Paix, Compendium de la doctrine sociale de l’Église, coéd. Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, décembre 2005.
• BENOÎT XVI, L’Amour dans la vérité.
CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DE FRANCE, Conseil Famille et Société, Grandir dans la crise, coéd. Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, coll. Documents d’Église, mars 2011.

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