Du cri du cœur à la voix des Justes

Yad Vashem

À l’occasion de la commémoration des arrestations et des déportations massives des Juifs durant l’été 1942 en France, la Conférence des évêques de France a souhaité rendre hommage aux français reconnus Justes parmi les Nations et qui furent «des lumières dans la nuit de la Shoah». Parmi eux, entre autres, des chrétiens dont des évêques, lesquels contribuèrent puissamment à une prise de conscience de leurs concitoyens.

L’Institut international pour la mémoire de la Shoah — Yad Vashem, situé à Jérusalem, reconnait leur action salvatrice par la remise d’un diplôme et d’une médaille, avec la plantation d’un arbre dans la Vallée des Justes. Au 1er janvier 2022, le titre de juste parmi le Nations a été décerné à plus de 28 000 personnes à travers le monde, dont, sur les 4 200 Justes français, une quarantaine de prêtres, religieux, et religieuses.

 

Honorer la mémoire de ceux et celles qui, parfois au péril de leur vie, ont favorisés le sauvetage de nombreux Juifs ne doit pas faire oublier qu’il y a 25 ans, le 30 septembre 1997, à Drancy, les seize évêques des diocèses où il y eut des camps d’internement sous le régime de Vichy, reconnaissaient, officiellement et publiquement, que devant l’ampleur du crime nazi trop de pasteurs de l’Église catholique s’étaient tus. Dans un texte intitulé La déclaration de repentance des évêques de France, ils affirmaient :

« Aujourd’hui, nous confessons que ce silence
fut une faute. […] Nous confessons cette faute.
Nous implorons le pardon de Dieu et
demandons au peuple juif d’entendre
cette parole de repentance. »

Ils ont reçu le titre de Juste parmi les Nations par Yad Vashem, Institut International pour la Mémoire de la Shoah.

Denise Aguadich-Paulin

C’est l’histoire d’une femme remarquable, Denise Paulin, Sœur Joséphine de Notre-Dame de Sion, qui a rejoint une organisation clandestine « l’Amitié Chrétienne», destinée à sauver des juifs de la barbarie nazie. C’est en juillet 1943, que Denise décide de quitter précipitamment Grenoble pour rejoindre Paris, la police ayant découvert ses activités clandestines.
Elle y contacte l’œuvre de Secours aux Enfants (OSE) à laquelle elle offre ses services. Avec une grande détermination, faisant fi du danger, elle mobilise tous ses contacts et ressources pour trouver des refuges pour les enfants, leur procurer des cartes d’alimentation et de fausses cartes d’identité. Elle réussit même parfois à les faire sortir de camps d’internement et à les faire passer en Suisse. Elle organise des missions pour l’OSE, et notamment des voyages en train, de 40 enfants à destination du Mans.
La guerre terminée, Denise se rend de village en village pour s’enquérir de la situation des enfants. Elle a reçu le titre de Juste parmi les Nations le 17 décembre 1989 par Yad Vashem, Institut International pour la Mémoire de la Shoah.

Monseigneur Jules-Géraud Saliège

Monseigneur Jules-Géraud Saliège (1894-1956), archevêque de Toulouse, est un ardent défenseur des Juifs. En particulier, il s’efforce d’améliorer leur situation dans les camps de détention du sud-ouest de la France. Dès le 23 novembre 1941, Monseigneur Saliège, dans un contexte où le silence est souvent de mise dans l’Église, envoie aux autorités de l’État de Vichy, une lettre protestant contre les lois anti-juives. En août 1942, il obtient des informations précises au sujet des premières déportations des camps de détention au camp de transit de Drancy. Le dimanche 23 août 1942, dans toutes les églises de l’archidiocèse de Toulouse, il fait lire une lettre pastorale de protestation rédigée par ses soins.
En l’espace d’une nuit, le document devient un manifeste. Des centaines de milliers d’exemplaires sont copiés et distribués par des membres de la Résistance partout en France. Les historiens considèrent la protestation de Monseigneur Saliège comme ayant largement contribué à une prise de conscience de l’opinion publique française cette année-là et à l’effondrement du soutien au régime du Gouvernement de Vichy. Monseigneur Saliège enjoint aux prêtres et aux moniales de son archidiocèse de cacher des Juifs, en particulier des enfants. Sur  instruction du ministère de l’Intérieur, le préfet de Toulouse exerce des pressions accompagnées de menaces, pour essayer  le dissuader de lire la lettre pastorale de Monseigneur Saliège.
L’archevêque, ainsi que les prêtres du diocèse, résistent à ces pressions avec beaucoup de courage et de noblesse d’esprit. Monseigneur Saliège est fait Compagnon de la Libération par le Général de Gaulle le 7 août 1945 et créé cardinal le 18 février 1946. Il a reçu le titre de Juste parmi les Nations le 8 juillet 1969, par Yad Vashem, Institut International pour la Mémoire de la Shoah.

Henriette Launay & sa fille Henriette

C’est l’histoire de deux femmes remarquables, Henriette Launay et sa fille, qui sauvent durant la guerre Mireille Prymak et sa fille. Henriette Bochereau-Launay, âgée de 19 ans vit dans une tannerie, à Saint-André de la Marche, en Maine et Loire, avec sa mère, quand en 1940, au moment de l’exode, le Maire de la commune lance un appel aux habitants, pour loger les nombreux réfugiés qui ont fui devant les troupes allemandes. Sans hésiter, Henriette et sa mère acceptent d’héberger une jeune femme et son bébé: Mireille Prymak et sa fille Edith, âgée d’à peine 6 semaines. Après quelques semaines à Saint-André, Mireille part en laissant sa fille aux bons soins des deux Henriette pendant un an, celles-ci endossent le rôle de nourrices. À la fin de cette année, les mesures anti-juives et la mort de son père en déportation, obligent Mireille à laisser sa fille chez les Launay où elle est choyée et considérée comme l’enfant de la famille. Pourtant le risque est grand car les Allemands circulent dans le village et les voisins sont au courant de l’identité de Mireille.
Grâce à cet amour et à l’affection des Launay, Edith gardera le souvenir d’une enfance heureuse dans un climat pourtant si hostile.

Elles ont reçu le titre de Juste parmi les Nations le 28 avril 2002 par Yad Vashem, Institut International pour la Mémoire de la Shoah.

Monseigneur Pierre-Marie Théas

Monseigneur Pierre-Marie Théas (1894-1977), est évêque de Montauban, lorsqu’à l’été 1942, avec d’autres évêques français, il s’insurge contre les mesures antisémites, notamment après la rafle du Vel’ d’Hiv. Le 23 août 1942, Jules Saliège, archevêque de Toulouse avec lequel l’évêque de Montauban est en étroite relation, fait lire dans son diocèse une lettre épiscopale retentissante. Le 26 août 1942, le gouvernement de Vichy organise des rafles à Montauban et dans le département du Tarn-et-Garonne. Monseigneur Pierre-Marie Théas rédige une lettre de protestation. Marie Rose Gineste, sa fidèle secrétaire, dissimulant dans le guidon de son vélo ce message de soutien aux Juifs, le distribue dans toutes les paroisses du diocèse.
Afin qu’il soit lu dans toutes les églises aux messes du 30 août 1942. «Des hommes et des femmes sont traités comme un vil troupeau et envoyés vers une destination inconnue avec la perspective des plus grands dangers. Je proclame que tous les hommes, aryens ou non aryens, sont frères […] que tous les hommes, quelle que soit leur race ou leur religion, ont droit au respect des individus et des États. ». Cette lettre sera publiée dans le journal clandestin, Témoignage Chrétien.

Monseigneur Pierre-Marie Théas proteste également contre le départ des jeunes français au Service de Travail Obligatoire (STO).
Le 6 mai 1944, Monseigneur Pierre-Marie Théas adresse une lettre au Chef de la Kommandantur dans laquelle il condamne les exactions commises par les troupes de la deuxième division SS Das Reich le 2 mai 1944 à Montpezat-de-Quercy. Il est arrêté le 9 juin 1944 par la Gestapo, le même jour que Mgr Jules Saliège. Emprisonné à Toulouse, il est interné avec Jean Baylet, maire de Valence-d’Agen, au camp de Compiègne. Monseigneur Pierre-Marie Théas est libéré le 31 août 1944 par la 28th US Infantry Division.

 

Il a reçu le titre de Juste parmi les Nations le 8 Juillet 1969, par Yad Vashem, Institut International pour la Mémoire de la Shoah.

Sœur Sainte Monique, née Geneviève Cadart

C’est l’histoire d’une femme remarquable, Sœur Sainte Monique, et d’un petit garçon juif, Georges Gross, dit Jojo. Au cœur de l’été 1942, ce petit bonhomme de deux ans et demi, arrive à l’hôpital Saint Gatien des Augustines. L’hôpital est réquisitionné par les nazis et occupé par des soldats allemands. Gravement atteint par une infection au tibia, Jojo n’est pas en mesure de donner son nom et son prénom. La seule information dont on dispose est que Jojo est placé en nourrice à la campagne lorsque ses parents et ses frères sont arrêtés.
Sœur Sainte Monique le prend sous sa protection et décide de le garder même après sa guérison. Il va rester deux ans, jusqu’à la Libération, choyé et dorloté par les Sœurs, ainsi que l’équipe hospitalière malgré le danger d’une dénonciation. Après la guerre, Sœur Sainte Monique n’a plus de nouvelles de son Jojo. Jusqu’à un beau jour de 1961 où il revient sur le lieu du sauvetage. Les retrouvailles sont pleines de joie et d’émotion. Georges Gross apprendra aux Sœurs que son père Maurice s’était engagé volontaire dans l’armée française, en mai 1940.
Il est fait prisonnier et interné dans un stalag. Malade, il est renvoyé en France en 1943, mais dénoncé, il sera déporté sans retour à Auschwitz en juin 1943 par le convoi 55.
Sura, sa maman, et ses frères aînés s’étaient réfugiés en Indre-et-Loire avant d’être arrêtés et internés au camp de la Lande à Monts.
Par la suite, Sura partira d’Angers pour Auschwitz par le convoi 8 du 20 juillet 1942. Jacques et Claude partiront de Drancy pour Auschwitz par le convoi 31 du 11 septembre 1942. Tous seront assassinés à Auschwitz.

Cardinal Pierre Gerlier

Le cardinal Pierre Gerlier (1880-1965), est archevêque de Lyon et Primat des Gaules de 1937 à 1965. Il dénonce dans une lettre lue dans toutes les églises de Lyon, la traque honteuse des Juifs enjoint aux religieux d’ouvrir leurs monastères. Ce bras de fer entre le cardinal Gerlier et les autorités de l’État de Vichy a un grand retentissement dans l’opinion publique. Sa prise de position est même relayée à l’étranger, notamment dans un article du 12 septembre 1942 intitulé « La noble attitude des évêques français », dans le journal La Liberté de Fribourg. De son côté, Pierre Laval, alors chef du gouvernement de Vichy et partisan résolu de la collaboration, demande au chef supérieur des SS et de la police allemande en France, le général SS Carl Oberg, de ne plus formuler de nouvelles revendications sur la question juive, « à cause de la résistance sans pareille de l’Église de Lyon ».
Il a reçu le titre de Juste parmi les Nations le 15 juillet 1980, à titre posthume, par Yad Vashem, Institut International pour la Mémoire de la Shoah.
En 2012, pour la commémoration du 70e anniversaire des rafles, sur proposition de Serge Klarsfeld, une plaque est posée.

Le Comité français pour Yad Vashem est une association loi 1901 dont la mission est de venir en soutien aux actions de Yad Vashem — Institut International pour la Mémoire de la Shoah à Jérusalem.
Créé en 1989, il s’appuie sur son réseau de bénévoles sur tout le territoire. Le Comité œuvre pour la transmission de l’histoire de la Shoah, afin de lutter contre le négationnisme, l’antisémitisme et toute forme de racisme

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