Réflexion de Mgr Papin sur le thème « Le témoignage suscite les vocations »

Mgr Papin, évêque de Nancy et Toul, propose une réflexion pour approfondir le thème donné par Benoît XVI pour la journée mondiale de prière pour les vocations, « Le témoignage suscite les vocations ».
 

Papin Jean-Louis - Nancy Toul

On connaît cette expression du pape Paul VI souvent citée : « Les hommes d’aujourd’hui ont plus besoin de témoins que de maîtres. Et lorsqu’ils suivent des maîtres, c’est parce que leurs maîtres sont devenus des témoins 1. » Un an plus tard, il développera cette conviction dans l’exhortation apostolique sur l’évangélisation. Le témoignage d’une vie fraternelle, heureuse et rayonnante suscite chez les autres des questions sur ce qui en est la source. « Plus que jamais, écrivait-il, le témoignage de vie est devenu une condition essentielle de l’efficacité profondede la prédication », en particulier chez les jeunes 2.

1. Allocution du 2 octobre 1974 au Conseil des laïcs.
2. Idem, n° 76.

Jésus, le Témoin fidèle et véritable

Le témoignage de vie est la manière privilégiée par laquelle Dieu s’adresse aux hommes pour toucher leur coeur, leur faire entendre la Bonne Nouvelle et les inviter à prendre le chemin de la vie. En ce sens, le premier des témoins, c’est Jésus lui-même. Ce qui attire les foules, c’est ce qu’elles entendent dire et ce qu’elles voient : son accueil et son respect des personnes, sa sensibilité aux souffrances diverses, ses gestes de compassion et de miséricorde. C’est plus encore l’autorité qui se dégage de sa personne. Une autorité qui réside dans la cohérence entre ce qu’il dit et ce qu’il fait. Il ne se contente pas d’appeler à aimer Dieu et son prochain. Il manifeste concrètement et visiblement dans sa manière d’être et dans ses relations que telle est bien la loi de son existence. Ses actes donnent une force incomparable à son enseignement. Il est dans ce qu’il dit et ce qu’il dit n’est pas autre chose que ce qu’il est. Cette cohérence s’accomplira et se manifestera pleinement sur la Croix lorsque la parole s’épuisera dans son dernier souffle et que seul restera le corps dans lequel elle s’est totalement incarnée. Cet ultime témoignage touchera et ouvrira le coeur du centurion : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15, 39).
L’auteur de l’Apocalypse dira très justement de Jésus qu’il est « le Témoin fidèle et véritable » (Ap 3, 14).
Une Église de témoins Lorsque Jésus institua les Douze, il en fit indissociablement des disciples et des apôtres (cf. Mc 3, 14). Puis, après sa résurrection, il les constitua comme ses « témoins à Jérusalem,dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux  extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Ce témoignage prit la forme concrète de la prédication par des enseignements et des gestes mais aussi par la façon dont vivaient les premières communautés.
La fraternité, l’esprit de prière, la mise en commun des biens, le souci des plus démunis, la joie partagée furent autant d’éléments qui « trouvaient un accueil favorable auprès du peuple tout entier » (Ac 2, 47). C’est ainsi que le Seigneur adjoignait de nouveaux membres à la communauté. L’Église du Christ est une Église de témoins.

Dieu appelle par des témoins

Ce qui est vrai pour l’annonce de l’Évangile l’est aussi pour l’appel à des missions spécifiques dans l’Église.
C’est le plus souvent à travers le témoignage d’une vie donnée selon une forme ou une autre que Dieu s’adresse à chacun pour qu’il discerne sa propre vocation. Dans sa lettre aux prêtres pour l’Année sacerdotale, Benoît XVI rappelle l’importance du  témoignage de vie évangélique que ceux-ci doivent donner dans l’exercice de leur ministère. Avec émotion, il se souvient de celui qui fut son premier curé alors qu’il venait d’être ordonné prêtre. Ayant personnellement pendant près de vingt ans accueilli et accompagné des jeunes au séminaire, je les ai maintes fois entendu évoquer des figures de prêtres mais aussi de religieux, de religieuses, de baptisés laïcs dont le témoignage de vie les avait conduits à se demander à quoi le Seigneur les appelait personnellement. Certes, les prêtres ont une responsabilité particulière pour éveiller une vocation de prêtre. De même, les personnes consacrées pour promouvoir cette forme de vie à la suite du Christ.
Cependant, tout baptisé, par la qualité évangélique de sa vie et la façon dont il répond à l’appel du Seigneur, peut éveiller en l’autre la question de sa vocation propre. L’éveil d’une vocation spécifique n’est pas de la seule responsabilité de ceux et de celles qui y sont déjà engagés. Il est l’affaire de tous les baptisés. Il doit être un engagement commun de toute l’Église.

« Venez et voyez » (Jn 1, 39)

Comme le rappelait Jean-Paul II dans l’exhortation apostolique Vita consecrata, cette invitation de Jésus aux disciples de Jean Baptiste « demeure encore aujourd’hui la règle d’or de la pastorale des vocations3 ». Avant d’entrer en postulat, celui ou celle qui entend l’appel à suivre le Christ de cette manière est invité à séjourner un temps dans une communauté pour lui permettre une première découverte concrète et pour vérifier s’il y a bien correspondance entre son désir et le genre de vie, de spiritualité et  d’apostolat de l’institut. Il a alors le statut de regardant.
Mais le « voir » a aussi une grande importance dans l’éveil d’une vocation à la vie consacrée. Jean-Paul II écrit : « La première tâche de tous les consacrés et de toutes les consacrées consiste… à proposer courageusement par la parole et par l’exemple l’idéal de la « sequela Christi »4. » D’où l’importance du témoignage personnel des religieux et des religieuses mais aussi des communautés en tant que telles. La vie fraternelle dans ses différentes modalités communautaires est au coeur de la plupart des formes de la vie consacrée.

Donner à voir une telle vie fondée dans la prière et le partage, joyeuse, ouverte et accueillante peut toucher le coeur de jeunes en quête d’eux-mêmes et de Dieu, et les conduire à s’interroger sur ce que Dieu attend d’eux. Plus que des documents présentant la spiritualité, les implantations et les oeuvres d’un institut, c’est le témoignage d’une vie fraternelle et d’un engagement de toute la personne qui est le moyen le plus efficace pour promouvoir la vie consacrée.

De même, ce n’est pas le descriptif des fonctions et des activités des prêtres qui suscitera des vocations sacerdotales ni le discours répétitif sur leur raréfaction. C’est davantage ce qu’ils manifesteront du don d’eux-mêmes et de leur relation personnelle au Christ, le Bon Pasteur, dans l’exercice de leur ministère. Il en est de même pour les autres formes spécifiques d’engagement à la suite du Christ. Le témoignage de vie, accompagné d’échanges en profondeur, est la voie royale d’une pastorale des vocations. Tout en donnant à voir comment la réponse à un appel de Dieu s’incarne concrètement et avec bonheur dans une personne, il conduit à la source de cet appel et peut susciter en l’autre la question : à quoi le Seigneur m’appelle-t-il ? de quelle façon puis-je me mettre à sa suite ?
Cette conviction a pour conséquence d’inviter chacun et chaque communauté à être attentifs à la qualité évangélique de sa réponse à l’appel du Seigneur. Car affirmer que le témoignage suscite des vocations, c’est dire que la pastorale des vocations est indissociable d’une démarche de conversion.

3. Vita consecrata n° 64.
4. Idem.

+ Jean-Louis PAPIN,
évêque de Nancy et Toul

 

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