Benoît XV (1854-1922)
Le choc des mots, la force des initiatives
Élu pape le 3 septembre 1914, il a connu la guerre pendant plus de quatre ans, sur sept ans de pontificat. Fervent apôtre de la paix, il s’éleva en paroles et en actes contre « l’horrible boucherie », intercédant notamment en faveur des prisonniers.
« La paix est le plus beau don de Dieu », écrivait Benoît XV en 1920. Mais il lui en aura coûté avant qu’elle ne soit rétablie…
Dès son élection, Benoît XV exprime son regret que la guerre transforme l’Europe en « champ de mort » et plaide pour une paix « juste et durable ». Il tint à rester neutre dans le conflit. On le lui reprocha. Les Alliés, en particulier, ne comprenaient pas qu’il garde le silence sur les crimes de guerre au lieu de les condamner. Ils s’estimaient blessés quand leur combat était désigné comme un « massacre inutile ». D’où ces formules cruelles employées pour le désigner après un document de 1917 dans lequel il faisait des propositions détaillées pour la paix : il fut « Pilate XV » pour Léon Bloy, « le pape boche » pour Georges Clémenceau, « un pape français » pour Erich Ludendorff. Le père Antonin Sertillanges lui-même déclarait : « Très Saint-Père, nous ne pouvons pas pour l’instant retenir vos appels à la paix ».
En désignant la guerre comme « l’horrible boucherie qui déshonore l’Europe, la plus sombre tragédie de l’humaine démence », le Pape ne s’en tenait pas au langage diplomatique ! Il rappelait, en vain, que les combattants « descendent d’un même ancêtre ». « Nous appartenons tous à une même société humaine ».
Si ses paroles, même fortes, restaient inefficaces, Benoît XV prenait des initiatives qui reçurent un meilleur accueil : les premiers échanges de prisonniers blessés et malades eurent lieu sur sa suggestion dès le début de 1915. Il fonda l’œuvre des prisonniers, qui donnait des renseignements aux familles et assura un certain nombre de rapatriements. Sensible aux conséquences des guerres sur les populations civiles, il contribua après la guerre à ravitailler les enfants sous-alimentés des pays vaincus ou sinistrés.
Avant Jean XXIII et le concile Vatican II, Benoît XV se prononça en faveur d’une autorité politique internationale (ce fut la Société des nations). Sa préoccupation pour les Églises orientales traduisait son espoir d’un rapprochement avec l’orthodoxie. Il insista pour qu’un clergé indigène soit formé dans les territoires de mission et rappela que le missionnaire n’est pas « le missionnaire de sa patrie, mais le missionnaire du Christ ».
À un peu moins d’un siècle de distance, nous trouvons chez ce pape un bon nombre de traits contemporains.
Mgr François Maupu