P. Bernard Lalande (1910-1998)

Ne pas se contenter de dire la paix, mais la faire

Ce prêtre du diocèse de Paris, ordonné en 1934, fut un ardent promoteur de la paix. Après avoir contribué au dynamisme et au rayonnement international de Pax Christi, il a participé à la création de la Commission justice et paix.

Bernard LalandeLe père Lalande a été présent à tous les grands événements qui ont marqué l’Église de 1945 à 1980 : le renouveau missionnaire de l’après-guerre, la confrontation au communisme, l’ouverture au monde du concile Vatican II (il a été expert au Concile, notamment pour le chapitre de Gaudium et spes consacré aux questions de la guerre et de la paix), la parution de Pacem in terris, dont il publie un commentaire remarqué, la création de la Commission justice et paix aux travaux de laquelle il a participé de 1971 à 1980, les initiatives des papes successifs en faveur de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux. « Parce qu’il s’est toujours effacé devant l’œuvre accomplie et à accomplir, nous ne savons pas, écrit le cardinal Etchegaray, tout ce que nous lui devons dans le domaine ou plutôt le chantier de la paix. Son génie a été de faire entrer la paix au cœur de la vie quotidienne. »
La Seconde Guerre mondiale a fait basculer sa vie. Mobilisé comme simple soldat en 1939, il fut prisonnier pendant cinq ans en Allemagne. Durant sa longue captivité, il a mûri toutes les grandes intuitions qui firent de lui un pionnier de l’engagement de la paix. Il y a aussi éprouvé le « scandale de la catholicité divisée ». Dès les années cinquante, il développe la notion de « catholicité horizontale ». Si les chrétiens sont pleinement conscients de la relation « verticale » qui les unit à Dieu, comme des fils au Père, il leur faut découvrir la dimension horizontale, fraternelle et communautaire de leur communion dans le Christ, qui les rend frères au-delà des frontières. Aujourd’hui comme hier, nous devons sortir de notre « national-catholicisme ». Le baptême nous fait « consanguins » dans le Christ, au-delà de nos appartenances nationales ou raciales.
Secrétaire et théologien du cardinal Suhard, puis du cardinal Feltin, premier président international de Pax Christi, le père Lalande fut chargé par ce dernier d’organiser et d’animer ce mouvement. En 1951, il en devint le délégué international et il fera de Pax Christi un mouvement dynamique et efficace, implanté dans plusieurs dizaines de pays.
Le père Bernard Lalande a beaucoup réagi contre une spiritualisation excessive de la paix. Sa pensée pourrait se résumer en trois grands paradoxes : la paix est inséparablement don de Dieu et œuvre des hommes, elle est impossible à vue humaine et néanmoins le fruit d’une vie inspirée par l’Évangile, la paix est à la fois mission de l’Église et compétence de la cité.
Cette théologie de la paix globale et totale débouche sur une spiritualité incarnée et concrète, une spiritualité de la vie quotidienne, de l’engagement civique, social et politique. De sa plume est née cette phrase, prononcée à Genève le 29 octobre 1958 par le cardinal Feltin à un congrès international de Pax Christi : « La paix, aujourd’hui, dépend du sous-développement qui est une menace de guerre, et du développement qui, pris dans sa dimension véritable, est le nouveau nom de la paix ». Il insista aussi sur l’importance de « ne pas se contenter de dire la paix, mais de faire la paix ». Autant de paroles fortes qui se réfèrent à « un potentiel énergétique de paix qui est à libérer » dans l’humanité et qui reflètent la puissance du message évangélique dont le père Lalande était profondément pénétré.

Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes et président de Pax Christi-France

 

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