P. André Jarlan (1941-1984)
La fécondité du souvenir missionnaire
Originaire de l’Aveyron, ce prêtre Fidei donum a été terrassé par une balle alors qu’il priait dans son presbytère. Au Chili, son témoignage missionnaire continue d’inspirer les habitants.
En cette année 2007 où nous fêtons le 50e anniversaire de l’encyclique « Fidei donum », le témoignage particulier du P. André Jarlan nous offre quelques pages lumineuses de la Mission écrites dans l’amour et le sang à la suite de l’appel historique du pape Pie XII.
André Jarlan, je l’avais croisé dans les couloirs de l’Institut catholique de Toulouse vers la fin des années soixante et je ne pensais pas que, six ans après sa mort, survenue brutalement en 1984, je deviendrais l’évêque de son diocèse de Rodez. Ce qui m’a procuré la joie et l’intense émotion d’aller commémorer les dix ans de sa mort à La Victoria, un important quartier de Santiago-du-Chili, en 1994. Sur les lieux du drame, j’ai été émerveillé en écoutant les nombreux témoins de son dévouement apostolique et de son engagement auprès des plus pauvres.
Gravissant l’étroit escalier, on accède à son bureau, là où une balle, un jour de « protesta », a traversé la paroi de bois du presbytère pour l’atteindre en plein cou et le faire tomber sur la Bible qu’il méditait. Quel symbole que cette mort d’André Jarlan renversé sur la Bible ! Il tend à signifier que c’est tout son être qui est tombé sur le livre saint comme pour se fondre en lui, comme pour manifester qu’il avait pour seul souci de faire un avec lui et qu’il n’avait d’autre source d’inspiration de son action que celle de la Bible et de l’Évangile. Ce signe a été ressenti comme providentiel à travers toute l’Amérique latine, en particulier dans les nombreuses communautés de base qui s’entraident régulièrement à puiser dans la parole de Dieu les raisons de changer de vie autour d’elles.
La fécondité du souvenir missionnaire qu’a laissé André après une vingtaine de mois seulement de présence et d’activités pastorales dans cette zone de Victoria est impressionnante. Depuis le jour de sa tragique disparition, les murs de La Victoria fleurissent de « murales », ces peintures qui lui rendent hommage. Des jeunes ont mis sur pied des pièces de théâtre relatant sa vie et sa lutte contre la drogue. De nombreux enfants portent le prénom d’André en français et même quelques-uns celui de « Jarlan » ! À Antofagasta, ville du nord, où un autre prêtre aveyronnais, Joseph Sirvin, exerce son ministère, des laïcs ont fondé un « hogar » qui porte son nom, sorte de foyers pour les jeunes en vagabondage dans les rues.
Pour les habitants de La Victoria, André Jarlan n’est pas totalement mort. Il continue à vivre dans leurs engagements et à les inspirer quotidiennement par son témoignage missionnaire.
Mgr Bellino Ghirard
Évêque de Rodez