Note à propos de la crémation

Note de la Commission épiscopale de liturgie et de pastorale sacramentelle

1. L’Église ne refuse plus la crémation à condition que celle-ci ne soit pas envisagée par opposition et provocation à la foi catholique. Le document français officiel qui gère cette situation est la  » Note de Mgr Feidt  » du 4 juin 1986, publié dans le  » Directoire canonique et pastoral pour les actes administratifs des sacrements  » (éd. Paroi-Service 1994). Il dit à propos de la destination de l’urne :  » La législation française n’a pas statué sur la destination de l’urne, qu’on peut donc conserver à domicile. L’expérience montre cependant que la plupart des urnes sont déposées dans un lieu approprié, au cimetière ou au colombarium. L’Église demande que l’urne trouve un lieu d’accueil définitif : à cette occasion, la partie du rituel des funérailles consacrée au cimetière peut-être utilisée en faisant les adaptations nécessaires. Mais le sens chrétien doit détourner de pratiques comme la dispersion des cendres ou la conservation de l’urne à domicile, pour lesquelles aucun accompagnement rituel ne semble possible.  »

2. La position la plus récente de l’épiscopat français correspond à ce qui a été publié dans  » Points de repère en pastorale des funérailles « , par la Commission épiscopale de liturgie (Documents épiscopat, n° 13/14 de septembre 1997). Notamment : Fiche d’introduction et fiche I, pages 9-10 qui reprend, sans les développer, les points essentiels de la note de Mgr Feidt. (Voir ci-après).

3. L’article qui fait le point de la situation et donne le mieux les enjeux, du point de vue de l’Église catholique, est l’article de Jean-Claude Hugues dans Célébrer n°274 (octobre-novembre 1997, éd. du Cerf) qu’il a développé dans La Maison-Dieu n°213 (1er trimestre 1998, éd. du Cerf).

4. La position actuelle des évêques :
L’Église ne refuse pas la crémation (sauf cf. point 1 ci-dessus) et situe celle-ci après les funérailles à l’église, en même lieu que l’inhumation.
L’Église porte un soin particulier à la destination des cendres. C’est pourquoi les responsables pastoraux ont le devoir d’avertir les familles qu’il y a là un enjeu important pour l’Église (ni dispersion ni conservation à domicile mais dépôt en un lieu  » mémoire « )
La communauté chrétienne peut proposer une prière au lieu de crémation (cela est même conseillé pour ritualiser ce moment difficile) : il sera conçu comme la prière au cimetière.

Points de repère pour la pastorale des funérailles

(Documents épiscopat n° 13/14 – septembre 1997)

Extrait de la fiche I  » accueillir la diversité des situations  » (pages 9-10) incinération

Situation actuelle

Depuis la levée de l’interdiction expresse de l’incinération en 1963, l’Église catholique le permet, pourvu qu’elle ne soit pas la manifestation d’une opposition à la foi en la résurrection des corps. Cette évolution a permis (sans le favoriser) qu’un certain nombre de nos contemporains fassent aujourd’hui ce choix, tout en bénéficiant de la célébration religieuse 1. Même si les mentalités ne sont pas accordées à ce mode de disparition du corps, cette pratique a pris de l’extension dans notre pays. Les responsables pastoraux eux-mêmes peuvent éprouver des réticences : ils ont cependant à accueillir, avec un grand respect, les demandes de célébration pour les personnes qui seront incinérées.
En effet, un certain nombre de nos contemporains envisagent de demander que leur corps soit incinéré 2. Cette pratique jouit aujourd’hui d’un regain d’intérêt soutenu par une active propagande crématiste. Les motifs invoqués sont multiples : hygiène (le mythe d’une mort  » propre « ), urbanisme (plus besoin de cimetières), écologie ( » la terre appartient aux vivants « ), nouveauté ( » cela se fait dans d’autres pays, pourquoi pas en France ? « ), économie (mais l’argument de moindre coût est contesté), mobilité des populations (on peut emmener l’urne funéraire avec soi), etc.

Discernement

En réalité, l’augmentation du nombre de crémations amène à s’interroger sur la conception de la personne humaine et de la relation au corps qu’implique une telle pratique. N’a-t-on pas ainsi tendance à traiter le corps humain comme un objet, qu’il faut faire disparaître proprement et sans trace, à réduire la personne à une chose, et à rendre plus obscure son identité d’être corporel animé et spirituel ? Faire disparaître rapidement le corps en le réduisant artificiellement en cendres n’aide pas les survivants à entrer dans le lent processus du deuil. De plus, lorsque les cendres sont dispersées, il n’est plus possible de se recueillir sur la tombe. Certes un jardin du souvenir peut permettre le recueillement. Mais la dispersion des cendres ne facilite pas le deuil, car on a presque toujours besoin de points d’appui sensibles pour vivre ce temps. Une pratique généralisée de l’incinération conduirait, à terme, à la suppression du cimetière comme lieu de mémoire sociale et comme une des nécessaires images de la succession des générations.
En maintenant sa préférence pour  » la manière dont le Seigneur lui-même a été enseveli « 3, l’Église catholique veut défendre des dimensions profondes de la personne humaine. Les divers rites de la célébration des funérailles, puis de l’inhumation, doivent permettre de proclamer la dignité de la personne humaine dans sa vie, sa mort et l’au-delà de sa mort. Ils doivent aussi permettre d’affirmer la foi en l’origine divine de toute créature : la vie humaine vient de Dieu et les baptisés sont devenus temples de l’Esprit Saint (cf. 1 Co 6, 19 ; 3, 16 ; Rm 8, 11). Ils doivent également pouvoir exprimer la foi en la résurrection du Christ et, à sa suite, de tous ceux qu’il fait passer de la mort à la vie, selon ce que disent les symboles de foi :  » Je crois… à la résurrection de la chair. J’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir. « 

Liturgie et incinération

Sur le plan liturgique, lorsque l’incinération a lieu après la  » station  » à l’église 4, la célébration ne pose aucun problème puisqu’elle entre dans le cadre du déroulement habituel des funérailles. Mais il reste trois situations sur lesquelles le Rituel des funérailles amène à s’interroger :

1 Présence de l’urne à l’église Depuis quelque temps apparaît une nouvelle demande : la célébration à l’église avec présence de l’urne, donc après l’incinération. Cette pratique est contraire au déroulement normal du rituel des funérailles :  » Normalement, l’incinération doit suivre la célébration à l’église en présence du corps. Ce déroulement traditionnel est tout à fait logique, puisque l’incinération est une pratique destructrice et correspond à l’inhumation «  5. En demandant de suivre le parcours rituel prescrit, l’Église souhaite rendre service aux personnes en deuil, en les aidant à vivre la séparation par des étapes successives : une pédagogie tout à la fois anthropologique et théologique est présente dans le souhait de respecter l’ordre des  » stations  » préconisées dans le Rituel des funérailles 6.

2 Temps de prière L’opération d’incinération dure un certain temps (plus d’une heure) et constitue une épreuve très pénible pour l’entourage. Si la famille souhaite qu’une prière ait lieu à cette occasion, en particulier au moment de la réception de l’urne, on s’inspirera des propositions faites par le Rituel des funérailles 7.

3 Destination des cendres La législation civile française laisse diverses possibilités pour la destination de l’urne. D’où les demandes exprimées pour un accompagnement rituel, soit de la dispersion des cendres, soit de la déposition de l’urne dans un columbarium ou même au domicile du défunt. Devant les souhaits exprimés, l’Église catholique demande que l’urne cinéraire trouve un lieu d’accueil définitif. On comprendra donc qu’il n’est pas prévu d’accompagnement rituel de la dispersion des cendres. Par contre la partie du Rituel des funérailles, concernant les prières au cimetière, est une référence très utile pour accompagner la déposition de l’urne dans un columbarium ou une tombe 8. Depuis janvier 2009, la loi s’oppose à la conservation d’une urne à domicile.

 

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1 Cf. la note de Mgr Feidt, président de la Commission de liturgie, 9 mars 1987 :  » Les obsèques religieuses en cas d’incinération « , in Directoire…, 1994, p.297-298. 2  » En 1991, un sondage Cofremca auprès de 2 500 personnes (représentatives de la population française de 15 ans et plus) posait la question : En admettant qu’il puisse y avoir le même type de cérémonie, préféreriez-vous : -être enterré : 37 % ;-être incinéré : 26 % ;-ne sait pas :37 %. « (in Célébrer, n° 255, p. 14 -15). 3 Rituel des funérailles, n° 18. 4 Voir plus loin la présentation des trois  » stations  » pour la célébration des funérailles : chap. III,  » Célébrer les funérailles « , §  » Une prière adaptée aux différents moments des funérailles « , pp. 23-24.5 Directoire…, 1994, p. 298 :  » Dans une lettre du 4 juin 1986, la Congrégation romaine du Culte divin en admet la possibilité, tout en recommandant le déroulement … (normal). Dans tous les cas de ce genre, on sollicitera l’autorisation de l’évêque  » (Note de Mgr Feidt). 6 Cf Rituel des funérailles, nn° 13 et 29-32. 7 Cf. ibid., n° 18 ; et Prières pour les défunts à la maison et au cimetière, pp. 53-59. 8 Cf. Directoire…, 1994, p. 298.

12 Février 2001