Homélie du dimanche 9 octobre
Dimanche 9 octobre 2022
Vingt-huitième dimanche du temps ordinaire
Références bibliques
Lecture du second livre des Rois : 5. 14 à 17 : “Il n’y a pas d’autre Dieu sur toute la terre, que celui d’Israël.”
Psaume 97 : “Acclamez le Seigneur, Terre entière ! »
Lecture de la seconde lettre à Timothée : 2. 8 à 13 :”Afin qu’ils obtiennent eux aussi le salut par Jésus-Christ, avec la gloire éternelle. »
Evangile selon saint Luc : 17. 11 à 19 : “Pour revenir rendre gloire à Dieu, il n’y a que cet étranger. »
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Ancien Testament et Evangile nous montrent un Samaritain d’une part et un Syrien de l’autre, atteints par le salut qui vient d’Israël. C’était le programme missionnaire que Jésus avait donné à ses apôtres : Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux confins de la terre.”
PREMIERE LECTURE
Le prophète Elisée nous est peu familier. Pourtant de nombreuses pages de l’Ancien Testament lui sont consacrées. Il apparaît au premier Livre des Rois (chapitre 19) et meurt au deuxième Livre des Rois (chapitre 13). De plus, en dehors de l’épisode rapporté aujourd’hui, certains miracles d’Elisée préparent ceux de Jésus :
– 2 Rois 4. 8 : La résurrection du fils de la Sunamite. La localité de Sunam n’était pas très éloignée de Naïm où Jésus rendra aussi à une veuve son fils ressuscité.
– 2 Rois 4. 42 : Elisée fait distribuer, à une petite foule, du pain qui se multiplie au point qu’il en reste.
Dans ces deux cas, il est d’ailleurs intéressant de noter les différences autant que les ressemblances entre Elisée et Jésus.
LE GENERAL NAAMAN
La guérison du général syrien Naaman suit immédiatement la scène des pains qui se multiplient. Le récit commence bien avant le passage entendu dans la liturgie. Nous y apprenons que l’invitation à venir, en Israël, pour trouver le prophète Elisée a été transmise à Naaman par une petite servante israélite qui avait été razziée par les Syriens.
Le général lépreux est envoyé par son souverain au roi d’Israël. Celui-ci prend la demande de guérison comme une provocation. Elisée relève le défi et reçoit Naaman. Il veut l’envoyer au Jourdain.
Naaman proteste car
– le prophète n’a pas accompli de rites. Donc ce n’est pas un homme religieux.
– Le Jourdain comparé aux fleuves de Damas n’est qu’un ruisseau.
Il faut l’insistance des serviteurs de Naaman pour que ce dernier exécute l’ordre du prophète. Alors commence le récit de ce dimanche.
La notation sur Israël est forte. La servante est israélite. Le prophète est israélite. Le fleuve est celui qu’Israël a traversé pour entrer en Terre Promise. Naaman, après sa guérison, en sera si fortement marqué qu’il veut en emporter un peu de terre. Il est persuadé que ce peuple et ce pays sont une particularité. Dieu a donné un pays à son peuple pour y vivre sa loi et célébrer son culte. Naaman se constituera au moins un petit sanctuaire fait de cette “terre sainte.”
La relecture chrétienne de cette page n’est pas immédiate, car, dans le Nouveau Testament, il n’y a pas d’autre nom donné aux hommes pour être sauvés que celui de Jésus de Nazareth. (Actes 4. 12). L’évangile de ce jour en est la confirmation. La terre de la promesse, « la Terre Sainte » sur laquelle le culte peut et doit être célébré en Esprit et en Vérité, n’est désormais autre que le Corps du Ressuscité.
C’est ainsi que nous pouvons lire aussi la lettre à Timothée. « Le salut est dans le Christ avec la gloire éternelle. » (2 Tim. 2.10)
La façon dont s’effectue le miracle des lépreux peut nous surprendre. Ordinairement, Jésus se contente de commander directement au malade, au pécheur ou au mort et celui-ci est guéri, pardonné ou ressuscité.
Or ici, contrairement à son habitude, Jésus renvoie à l’autorité religieuse traditionnelle. La lèpre, cette maladie qui détruit l’être même, apparaît comme le symbole par excellence du péché. Ainsi en avait-il été pour Myryam dans le livre des Nombres 12. 10. La guérison est entourée de tout un rituel de réintroduction dans le peuple saint, réintroduction confiée aux prêtres (Lévitique 13. 14).
Mais, dans le même temps, il souligne que tout ce rituel est inutile et dépassé : Jésus agit par son propre pouvoir. C’est “en cours de route” que les dix sont guéris et non par la rencontre des prêtres de l’Ancienne Alliance.
LE SAMARITAIN
Le Samaritain, seul, revient à Jésus. Qu’a-t-il à faire à Jérusalem d’ailleurs ? C’est dans le retournement que consiste la conversion. Retournement et retour du prodigue, retournement et retour du Samaritain, retournement et retour des disciples d’Emmaüs.
Jésus connaît le fossé profond qui sépare Juifs et Samaritains. Ce fossé date de la chute de Samarie, de la colonisation païenne et du retour d’exil. Toutes circonstances propres à jeter le doute sur la fidélité des Samaritains, à l’égard de la pureté ethnique et religieuse comparée à celle que les Juifs fidèles ont conservée ou pensent avoir conservée.
Le Samaritain est un “étranger”. Jésus le sait bien, lui qui avait été repoussé lors de ses montées précédentes vers Jérusalem (Luc 9) Un Samaritain, en un sens, est pire qu’un « païen » : c’est un hérétique, un déviant. Il ne risque pas de croire que c’est l’institution sacerdotale d’Israël qui lui a procuré le salut puisque c’est justement le sacerdoce de Jérusalem qui a suspecté et tenu en lisière ses ancêtres. Par le Christ et dans le Christ, il reconnaît la vraie source du salut.
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L’Evangile, aujourd’hui, n’est-il pas perçu dans la netteté de son contour sur les terres où il n’avait pas pénétré antérieurement, plus que dans nos pays de vieille chrétienté qui, à force de l’avoir assimilé, l’ont dilué et peut-être ainsi éliminé.
A nous de renouveler, en nous, la richesse que cet Evangile nous apporte toujours nouvelle :”Chantez au Seigneur un chant nouveau”, nous fait acclamer le psaume de ce dimanche.