Homélie du dimanche 13 mars

Dimanche 13 mars 2022
2éme dimanche de Carême

Références bibliques :  
Lecture du livre de la Genèse : 15, 5. 12 à 18 : « Le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. »  
Psaume 26 : « C’est ta face, Seigneur que je cherche. »  
Lettre de saint Paul aux Philippiens : 3. 17 à 4. 1 : « Nous sommes citoyens des cieux… nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus-Christ. »  
Evangile selon saint Luc : 9. 28 à 36 : « Son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d’une blancheur éclatante. »   

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L’ITINERAIRE DE LA FOI D’ABRAHAM.

Nous avons déjà vu, dimanche dernier, le départ de l’araméen errant que Dieu lance sur les pistes du pays de Canaan. C’est une autre étape de la vie de notre Père dans la foi dont nous recevons le message aujourd’hui : Dieu lui ouvre une promesse, la bénédiction pour lui-même et pour ses descendants, ou plus exactement tous ceux qui seraient en communion avec lui, une descendance si ample qu’elle constituera un peuple.

Délai, impatience et foi.

Dieu, auteur de la promesse et de l’alliance, met Abraham en possession de la Terre promise après l’avoir arraché à son errance en Chaldée. Ce n’est plus la foi du premier élan, c’est la foi affrontée à l’épreuve du délai. Cela nous le percevons mieux si nous lisons les chapitres 12 à 14. Ce à quoi nous sommes invités. La foi d’Abraham est victorieuse, mais il y a aussi l’impatience humaine : « Comment vais-je savoir ? » Nous nous sentons proche d’Abraham quand nous n’avons plus la foi du premier élan et que surgit en nous l’impatience.

Il nomadise, lui et son clan, dans le pays de Canaan. Certes il a déjà des alliés dans ce pays. Quand Lot est fait prisonnier lors d’une campagne menée par quelques rois locaux, Abraham est capable de lever un groupe de partisans, 318 dira même la Genèse. Il peut libérer son neveu et récupérer ses biens. (Genèse 14. 13 à 16) Mais il est sur la terre des autres. La réalisation tarde mais « Abraham eut foi dans le Seigneur.  » Il accepte pour garantie le seul engagement de Dieu. Il veut seulement savoir s’il en a possession.

Ceux qui voulaient sceller solennellement un accord, selon les traditions que nous connaissons de ce temps, tuaient un animal, le séparaient en deux et passaient au milieu. Si l’un ou l’autre des contractants venait à rompre le serment ainsi juré, il acceptait d’avance de subir le sort de la victime. L’étrange dans ce passage biblique, c’est que seuls les symboles de la présence divine passent ainsi entre les quartiers d’animaux. Et non pas Abraham ; rien ne lui est demandé sinon de croire.

S’éveiller à la lumière.

Abraham fut plongé dans un sommeil mystérieux. C’est une torpeur analogue à celle d’Adam au jour où Dieu lui donna la femme comme « aide qui lui soit assortie ». (Genèse 2. 21) Devant une grande oeuvre de Dieu, les facultés de l’homme terrestre « psychique » comme dirait saint Paul, sont comme suspendues.

Il en est ainsi des trois disciples sur la montagne. Ils sont atteints par le sommeil quand une gloire, la gloire de Dieu trop forte pour eux, se manifeste en Jésus transfiguré. Ils ne verront la gloire du Fils que quand eux-mêmes se seront éveillés, c’est-à-dire quand ils commenceront d’avoir part à la résurrection de leur Seigneur. Lire ainsi Philippiens 3. 20 et 21. « Il transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux. »

LA TRANSFIGURATION

Une semaine avant la Transfiguration, selon saint Luc, Pierre avait confessé sa foi en la divinité de Jésus : »Tu es le Messie de Dieu. » (Luc 9. 20) Jésus leur parla, à ce même moment, de sa passion, de sa mort et de sa résurrection.

Il invite Jacques, Pierre et Jean à prier, c’est-à-dire, à partager avec lui ces moments d’intense intimité avec son Père, ce dialogue qu’ils n’auront pas le courage de partager au Jardin des Oliviers au moment de l’agonie. Jacques sera le premier à mourir pour le Christ. Pierre vient de confesser sa foi en la divinité et Jean sera le témoin de la gloire divine et de la lumière de Dieu : »Nous avons vu le Verbe venu dans la chair, la Parole, le Logos de Dieu. » Le premier chapitre de l’évangile de saint Jean est à relire dans ce contexte de la Transfiguration.

Jésus, lumière de Dieu.

Le visage du Christ leur manifeste la splendeur naturelle de la gloire divine, qu’il possède en lui-même et qu’il garde en son incarnation, même si cette gloire divine est cachée sous le voile de la chair. En Lui, la divinité s’est unie sans confusion avec la nature humaine. Il leur manifeste ainsi, au sommet de la montagne, non pas un spectacle nouveau le concernant, mais la manifestation, éclatante en Lui à ce moment, de la divinisation de la nature humaine, (y compris le corps, « le visage ») et de son union avec la splendeur divine.

Totalement homme, pleinement Dieu.

Quand resplendit une gloire sur le visage de Moïse au Sinaï, elle venait de l’extérieur (Livre de l’Exode 34. 29) Au Thabor, c’est le visage du Christ qui est source de lumière, source de la vie divine rendue accessible à l’homme et qui se répand aussi sur ses vêtements, c’est-à-dire sur le monde extérieur à lui-même et sur les produits de l’activité et de la civilisation humaines.

Saint Jean l’exprime dans les premiers versets de son évangile : » La Parole de Dieu était la lumière véritable qui illumine tout homme venant dans le monde… nous avons contemplé sa gloire comme étant celle du fils unique d’auprès du Père, pleine de grâce et de vérité. » (Jean 1. 9 et 14)

« Dans ta lumière, nous verrons la lumière », chante le psaume 35 au verset 10. Quand le brasier fumant et la torche enflammée passèrent entre les quartiers d’animaux qu’Abraham avait disposés  (Genèse 15. 18), il y avait des ténèbres épaisses. « Dieu, personne ne l’a jamais vu. Le fils unique, Dieu dans le sein du Père, l’a fait connaître. » (Jean 1. 18)

Vers la Terre Promise.

Aux côtés du Seigneur se trouvent Moïse et Elie, la Loi et le Prophètes, les deux sommets de l’Ancien Testament. Il nous faut lire le texte de saint Luc dans le grec lui-même, il est d’une toute autre signification. Ils sont dans la lumière. « Etant apparus en gloire, ils s’entretiennent avec lui de son exode (« exodos » chez saint Luc) qui allait s’accomplir à Jérusalem. » (Luc 9. 31) c’est-à-dire sa Passion, sa mort et sa résurrection, comme il s’en était entretenue, une semaine auparavant avec ses disciples, en même temps qu’il leur avait parlé de sa gloire (Luc 9. 26).

Au Thabor, saint Pierre, ravi de la contemplation de la lumière divine, voudrait se contenter de la jouissance terrestre de la lumière. Jésus le détourne de ce désir trop humain. Saint Luc dira de Pierre : »Il ne savait pas ce qu’il disait. » Il est « à côté de la plaque » pour utiliser une expression courante. Nous dirons en mieux, il est à côté de la réalité essentielle qu’ils vivent en cet instant.

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Ce dimanche est par excellence un jour de fête, celle de la divinisation de notre nature humaine et de la participation de notre corps corruptible aux biens éternels, qui sont au-dessus de notre nature. Tout en rappelant ce qu’est notre Chemin, notre exode, au travers les événements de sa passion et de sa mort, le Sauveur nous montre que le but de sa venue dans le monde était précisément de conduire tout homme à sa Résurrection, à sa Vie. La contemplation de la gloire divine n’est pas qu’un spectacle extérieur à nous-mêmes. Elle est participation de toute notre vie à la divinisation. « Puissions-nous être unis à la Divinité de Celui qui a pris notre humanité. » (Offertoire de la messe)

« Tu nous as dit, Seigneur, d’écouter ton Fils bien-aimé. Fais-nous trouver dans ta Parole les vivres dont notre foi a besoin et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire. » (Prière d’ouverture de la messe)

« Pour avoir communié, Seigneur, aux mystères de la gloire, nous voulons Te remercier, Toi qui nous donnes déjà, en cette vie, d’avoir part aux biens de ton Royaume. » (Prière après la communion)

C’est cela la quête de la lumière.

année liturgique B