Homélie pour le dimanche 17 août
Références bibliques :
Lecture du prophète Isaïe : 56. 1 à 7 : « Ma maison s’appellera : maison de prière pour tous les peuples. »
Psaume 66 : « Que les nations chantent ta joie. »
Lettre de saint Paul aux Romains : 11. 13 à 32 : « Les dons de Dieu et son appel sont irrévocables. »
Evangile selon saint Matthieu : « Ta foi est grande, que tout se fasse comme tu le veux. »
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Nous pouvons lire cet épisode selon divers registres : celui des juifs qui attendent leur « réintégration », celui qui est le nôtre parce que nous aussi nous sommes appelés à être « intégrés » au Royaume, celui de l’Eglise et du Peuple d’Israël qui sont liés dans une même alliance.
SUR UNE TERRE PAÏENNE
La rencontre avec la Syro-phénicienne se fait, sans aucun doute, en terre païenne. Il nous faut alors la replacer dans le cheminement des thèmes de saint Matthieu et de saint Marc qui en parlent tous deux.
Marc 7. 24, parle surtout des guérisons. Il s’adresse à une communauté chrétienne qui est déjà majoritairement d’origine païenne.
Saint Matthieu, lui, se situe au sein d’une communauté encore judéo-chrétienne qui a besoin de sentir à la fois l’attachement de Jésus à la Première Alliance et qui doit accepter l’ouverture à toutes les Nations que réalise l’Alliance définitive qu’il établit dans son sang et que les prophètes avaient annoncée, comme devant être réalisée par le Peuple choisi.
Pour Jésus, c’est en lui en effet que se réalise cette Alliance nouvelle et éternelle. Jésus s’est rendu deux fois en terre païenne. La seconde fois, c’est à Césarée de Philippe, la capitale administrative de l’occupant romain, toute consacrée au culte et au pouvoir de l’empereur. (Matthieu 16. 13)
C’est en ce lieu que le Christ établira son Royaume, l’Eglise, autour du collège apostolique lui-même confirmé par la foi de Pierre.
LES SILENCES DE DIEU
Pour les chrétiens convertis du judaïsme, une question se posait, cruciale comme nous le voyons dans les premiers récits des Actes des Apôtres. A qui la Bonne Nouvelle est-elle destinée ? Et si cette Bonne Nouvelle et cette Alliance deviennent universelles, comment peut-on comprendre ce rejet de la Première Alliance ? Après tout, d’ailleurs, est-ce un rejet, est-ce un silence définitif ?
A la femme qui le considère comme le Messie, « Seigneur, fils de David » dit-elle, comme le Messie uniquement intégré au Peuple de la Promesse, Jésus ne répond rien. Est-ce mépris ? Non sans doute.
Il nous faut aller au fond des réalités que veulent expliciter la pensée et le message de Jésus. Les disciples ne s’inscrivent pas dans sa logique. Ils réagissent comme le relate la parabole de l’importun (Luc 18. 5), qui réveille son voisin et n’obtient satisfaction qu’en raison de son sans-gêne, et non pas en raison de l’amitié ou de proximité. « Elle nous poursuit de ses cris ! »
La réponse de Jésus est ambiguë si l’on en reste « à la surface. » Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël. » Non pas aux seuls vrais et authentiques fidèles de la Torah. Ces « brebis perdues », ne seraient-ce pas aussi tous les païens dont parlent si souvent les prophètes et les psaumes. Ils ne sont pas des étrangers pour Dieu, ils sont à lui. « … pour nous …pour les nations. » comme l’évoque le psaume.
Les silences de Dieu, les païens les connaissaient, mais Jésus vient leur parler. Les juifs les connaissent aussi, peut-être plus durement, parce qu’ils ont été poursuivis par sa Parole, alors que les païens poursuivent Dieu de leurs appels. (Matthieu 15. 23)
Si nous aussi nous poursuivons Dieu, dans ce que nous appelons ses silences, n’est-ce pas parce que nous n’avons répondu à ses appels que par nos silences …
L’ALLIANCE ET LA FOI
Au terme de ce dialogue entre le Christ et la syro-phénicienne, se trouve une réponse. C’est la foi qui détermine l’Alliance avec Dieu et non pas seulement l’appartenance à un peuple ou la mise en œuvre de la Torah.
La foi n’est pas seulement une élévation de notre âme vers Dieu. La foi se définit alors comme une espérance irréfutable, malgré tout, malgré les aléas, les échecs et les silences. Elle porte la certitude que notre histoire personnelle peut s’insérer dans l’histoire de Dieu, une histoire qui devient commune. C’est vers Lui que nous avons à nous déplacer.
La réponse du Christ prend alors une autre dimension. Non, femme, tu n’est pas perdue, tu n’es pas hors du véritable Israël. Ta foi t’intègre dans le Royaume définitif que Dieu a voulu réaliser en son Fils. Les étrangers sont tout autant attachés au service du Seigneur que les Juifs. « Ma maison sera maison de prière pour tous les peuples. » (Isaïe 56. 7)
En fait les païens ne sont pas plus désobéissants à la volonté de Dieu que les Juifs. Tout l’enseignement du Christ, repris par saint Paul, le répète avec insistance. « Vous avez désobéis… vous avez obtenu miséricorde. »
C’est la foi, plus que l’obéissance à des principes ou à des rituels, qui constitue l’appartenance au Peuple de Dieu.
QUAND ILS SERONT REINTEGRES
Il y a là une leçon pour notre temps. Nous sommes inséparables de la Première Alliance. Jésus est venu la rendre « complète » comme il le dit dans le sermon sur la Montagne.
Pour les juifs, le don est irrévocable, même si pour l’instant ils paraissent être mis à l’écart et non pas remplacés, pour reprendre l’expression de saint Paul dans la lettre aux Romains. Il est le Dieu de tous. Les étrangers comme ceux qui observent le sabbat, il les conduit à sa montagne sainte, celle où il a proclamé son Alliance au désert, celle où le Christ s’est offert en réconciliation pour le salut du monde. « Il n’y a plus ni juif ni païens, vous êtes au Christ. » (Galates 3. 28)
Les païens ont désobéi, dit saint Paul aux Romains, ils ont été réconciliés. Les juifs aussi. Tous ont été enfermés, et chacun d’une manière différence, dans « la désobéissance », ils sont désormais tous réintégrés par la miséricorde.
Qu’arrivera-t-il alors ? Saint Paul s’exclame : « La Vie ! » pour tous ceux qui étaient morts, juifs et païens et qui sont les héritiers d’un même héritage.
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« Répands en nos cœurs la ferveur de ta charité afin que t’aimant en toute chose et par dessus tout nous obtenions l’héritage promis qui surpasse tout désir » (oraison au début de la messe)