Echos du voyage de Benoît XVI au Mexique

Le Père Yves Perraud vit dans la banlieue de Mexico et sert au Mexique depuis 30 ans. Il partage ses impressions du voyage du pape Benoît XVI au Mexique (23-26 mars 2012) et resitue cette visite dans le contexte de l’Eglise catholique mexicaine.
 

Comment les catholiques mexicains se sont-ils préparés à cet événement ?

Il faut distinguer la préparation au plan national et la préparation dans le diocèse de Guanajuato.
La préparation au plan national de l’Eglise du Mexique a été de sensibiliser les fidèles sur l’importance de cette visite pour renouveler la foi et l’espérance des catholiques face à tous les problèmes que vit le Mexique, en particulier le problème de la violence et de l’insécurité à tous les niveaux. On a aussi beaucoup parlé de la conclusion de la cinquième rencontre des évêques du CELAM au Brésil: « Il faut recommencer avec le Christ ! »

Le catholicisme latino-américain – et en particulier mexicain – est menacé par la routine; on a beaucoup sacramentalisé les gens sans leur donner une formation solide capable de résister dans la société actuelle. La visite du Pape doit être l’occasion d’un renouveau ecclésial.
Je ne connais pas le degré de préparation dans les autres diocèses; dans le nôtre, Tlalnepantla, banlieue de Mexico, le fait que notre archevêque soit président du CELAM et président de la Conférence Episcopale du Mexique, explique en partie l’insistance sur la préparation: chaque paroissse a dû promouvoir un feuillet expliquant la personnalité et différents messages de Benoît XVI. 3500 personnes des 200 paroisses du diocèse sont allées voir le Pape! Notre diocèse s’approche des trois millions! La participation des collèges catholiques et du séminaire a été massive.

Par contre, au niveau de la majorité des paroisses et des quartiers populaires, avant l’arrivée du Pape, on ne sentait pas beaucoup d’intérêt.
L’intérêt a commencé avec l’arrivée du Pape, quand la telévision a commenté cette visite de façon presque continuelle.

Au plan du diocèse de León qui recevait le Pape, la préparation a été générale, à tous les niveaux: le gouverneur, différentes municipalités et, bien sûr, l’Eglise locale. Toute cette partie centrale du Mexique est très traditionnelle au niveau de la foi; le pourcentage de catholiques tourne autour de 90%, alors que dans le reste du pays il est de l’ordre de 82 %. En plus les autorités locales sont du PAN, parti de droite actuellement au pouvoir qui se dit d’orientation catholique. Depuis des mois, remodelations, infrastuctures, affiches, etc.. et une grande mobilisation à la fois religieuse, touristique et économique.
 

Comment le Pape a-t-il été accueilli?

Bien sûr, avant, plusieurs faisaient des comparaisons avec l’accueil de Jean-Paul II.
Benoît XVI a une autre personnalité mais c’est le Pape. A ce niveau, les autorités et la foule des fidèles lui ont donné un accueil chaleureux.
Pour la messe du dimanche 25 mars près du sanctuaire du Cubilete, 300 000 sur le lieu prévu et 300 000 sur un autre endroit pas très loin avec des écrans géants.
 
Le plus significatif pour moi a été la rencontre du samedi soir avec un groupe d’enfants sur « la place de la Paix »; le « courant » est passé avec les enfants qui, à chaque instant, manifestaient leur joie en écoutant les paroles du Pape. Le langage du Pape, habituellement difficile, était simple, le style chaleureux et le message très direct et profond.
 

Quelles suites à ce voyage pour l’Eglise catholique au Mexique et en Amérique Latine?

Le risque est d’en rester à des émotions, sans décider une conversion pastorale. L’Eglise du Mexique a un besoin urgent de former des laïcs capables de prendre leur responsabilité dans la société actuelle.
On a besoin de chrétiens qui soient à la fois des chrétiens solides et des citoyens critiques et organisés. Les chrétiens les plus convaincus restent surtout dans des tâches de services d’Eglise et peu comme levain dans la société actuelle.

Comment mettre en pratique les désirs du Pape à son arrivée au Mexique?
« Continuez d’avancer sans défaillir pour la construction d’une société cimentée sur le développement du bien, le triomphe de l’amour et la diffusion de la justice. »

Plus de 50 000 morts en 5 ans! Onze entrepreneurs sont parmi les plus riches du monde; la corruption est générale… La moitié du pays vit dans la pauvreté! Les gens ne croient plus dans les promesses des politiques parce qu’ils savent qu’ils chercheront leurs interêts!

Le grain de blé doit tomber en terre, pourrir avant de germer et donner des fruits!
 

Comment fête-t-on la Semaine Sainte et Pâques au Mexique?

Je ne pretends pas dire comment au Mexique mais seulement ici dans nos paroisses populaires:

Le jour des Rameaux est une fête très populaire avec un grand nombre de fidèles pour la bénédiction des palmes. C’est tout un mélange de foi et de superstitions difficiles à clarifier et à purifier. Beaucoup attendent la fin de la messe; la lecture de la Passion ne compte pas beaucoup! Ce qui compte, c’est que l’eau bénite touche leur palme! Ensuite, dans la maison, elle sera un signe pour éviter les dangers, les mauvais sorts!
Nous essayons d’évangéliser cette coutume mais Dieu seul sait les résultats! Au fil des années, certains comprennent davantage et découvrent que Jésus est le centre de notre foi et le chemin à suivre.

Des jeunes représentent le chemin de Croix pendant la Semaine Sainte et, le jour des Rameaux, ils représentent l’entrée triomphale à Jerusalem avec les palmes..

Il y a 30 ans, il y avait peu de monde pour la célébration  du Jeudi Saint. Aujourd’hui davantage de personnes participent. Moins de monde que pour les Rameaux mais plus de foi.

Le Vendredi Saint est le jour le plus populaire à Mexico avec le Chemin de Croix dans le quartier de Iztapalapa.. Un million et demi de personnes viennent voir cette représentation, curieux, touristes et croyants!  Le spectacle est suivi aussi par la télévision.
Dans nos paroisses populaires: scènes dans les quartiers par des volontaires qui depuis janvier répètent leur rôle chaque semaine.
En début d’après-midi, commentaire des Sept dernières paroles de Jésus à l’église.
Dans la soirée, office de la Passion et adoration de la Croix. A la fin procession du silence avec la statue de la « Vierge des douleurs »… (Sens pénitentiel, pour « lui offrir nos condoléances »)

Ces dernières années, il y a  davantage de participants à la Vigile de Pâques!

Et pour des millions de Mexicains, ce sont les vacances et si possible, la plage…

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