« Berezina ou Corinthe ? », par Mgr Bernard Podvin
Pour bien signifier que « Demain, la vie de nos communautés » n’est pas un thème réservé, le Conseil Permanent de la Conférence des Évêques en a pris l’animation. Le sujet revenant, depuis trois ans, à plusieurs reprises en Assemblée plénière, afin de l’émonder au sens évangélique du terme. Une recherche étoffée par quatre monographies d’évêques disant comment leurs diocèses affrontent les mutations (Viviers, Belley, St Etienne et Marseille témoignèrent). Deux théologiens donnèrent un repérage ecclésiologique. L’assemblée de Lourdes avait également fait le point sur les mouvements apostoliques. Bref, une convergence de consultations et recensions venait au jour. Allait-ce provoquer une déclaration finale des Évêques à Lourdes, en novembre 2010, comme pour parachever l’ensemble ? Une parole publique était attendue par le terrain. Surtout depuis deux années d’actualité ecclésiale difficile !
Le Conseil Permanent prit une option plus pragmatique. Non des directives « venant d’en haut » et illusoirement transposables en tous lieux. L’idée fut plutôt de relayer en provinces ecclésiastiques la recherche d’actions pastorales innovantes. Non point spectaculaires, mais reconnues comme marquant une indéniable progression dans l’évangélisation. Un principe simple donc : quinze provinces « élisant » par leur discernement trois ou quatre initiatives diocésaines. Une petite soixantaine de réalisations concrètes, touchant toutes générations et tous domaines apostoliques. Pour reprendre une formule de Mgr Charrier, évêque de Tulle, en charge du dossier : » Au terme de ce travail, pas de ligne unique pour l’Eglise qui est en France. Pas de texte conclusif. Mais 55 propositions à faire fructifier. » Cette remontée par provinces n’est pas un catalogue de bons points. Comme le note Isabelle de Gaulmyn (La Croix 20 décembre 2010) : « Paradoxalement, le fait même de recenser ces exemples est une manière de montrer que, sur le terrain, personne ne se résigne à voir l’Eglise mourir »
La recherche innovante est constitutive d’une lucidité quant aux défis. Les questions majeures de l’Eglise sont inhérentes à cette découverte d’initiatives. On pourra y lire spirituellement une véritable dimension pascale : Comment veiller à ce que le ressourcement dans la Parole de Dieu devienne une expérience personnelle et communautaire ? Comment aider chacun face aux redéploiements des tâches et des responsabilités à exercer l’autorité avec humilité? Quel avenir pour le laïc coordinateur en paroisse? Quelles sont les missions essentielles et prioritaires des curés de paroisse ? Comment réhabiliter le ministère de prêtre diocésain?
Pour mesurer la diversité de ces cinquante cinq initiatives, prenons le temps d’en explorer trois. La première (Agen) concerne l’évangélisation par les jeunes. La seconde (Toulon) explique le redéploiement des pôles missionnaires d’un diocèse. La troisième (Lille) décrit une nouvelle manière de concevoir le Conseil diocésain de pastorale.
Agen
Cette proposition de « nouvelle évangélisation » a été longuement réfléchie en Conseil presbytéral et en Conseil pastoral diocésain. Elle sera reconduite chaque année dans l’une des paroisses du Lot et Garonne. Ecrivant à leur évêque, voici ce que les jeunes ont perçu : « Je suis heureux d’avoir participé à cette mission et j’espère que notre témoignage aura apporté quelque chose à ceux qui nous ont ouvert leur porte et aura suscité une interrogation sur leur foi ». (Thomas). « Cette mission n’a pas été des plus faciles, mais je suis très contente d’y avoir participé. Certaines rencontres seront inoubliables ». (Clémentine).
Fréjus-Toulon
• Le choix de la paroisse, comme lieu de communion et de mission.
• Une équipe sacerdotale rassemblée autour d’une vision.
• La mise en place d’une fraternité paroissiale composée des prêtres et de laïcs engagés.
• Une dynamique missionnaire structurée selon quatre axes : la dimension d’évangélisation, la dimension catéchuménale de formation, la dimension liturgique et la dimension diaconale.
• Un objectif de croissance de la communauté chrétienne, organisée à partir d’une structure cellulaire, c’est-à-dire la prise de conscience que la communauté paroissiale se distribue en autant de « communautés ecclésiales de base » ou ecclesiolae (Redemptoris Missio n° 51).
Chaque cellule privilégie les relations de proximité, d’accueil personnalisé, de prière, d’accompagnement, de stimulation fraternelle par l’échange spontané et l’interpellation mutuelle, en se rapportant organiquement à la paroisse. Chaque ecclesiola doit être un lieu d’accueil et de cheminement. Ce processus de démultiplication doit se coupler avec le souci de la croissance personnelle des membres et de leur insertion dans la vie de la communauté.
La mise en place d’un pôle missionnaire paroissial requiert d’abord le rassemblement de l’équipe sacerdotale autour d’une vision commune. Cette équipe s’adjoint ensuite des consacrés et des laïcs pour constituer une « fraternité paroissiale ». Elle doit témoigner de la possibilité d’une vie de communion en étant d’abord un cénacle de prière, puis en se formant à la mission. C’est à partir d’elle que le projet missionnaire du pôle apparaît.
Une première expérience a été suscitée sur la paroisse de Brignoles.
Lille
L’idée s’est donc imposée de constituer une assemblée beaucoup plus nombreuse. D’abord expérimentée en Savoie, elle commence à Lille. « Sont présents les différents conseils diocésains dans leur entier, les doyens, et trois représentants des doyennés, dont une personne doit avoir moins de trente-cinq ans ; en Savoie, nous avions même choisi que ce soient les paroisses qui soient représentées par leur curé et une personne de l’équipe d’animation. Le chiffre total peut avoisiner deux cents personnes ».
L’intérêt de cette méthode est triple :
• Une représentation de l’Église diocésaine, à travers ceux qui y exercent des responsabilités réelles et permanentes, des prêtres et des diacres, des laïcs en mission, salariés ou bénévoles.
• Un laboratoire d’unité pour une Église diocésaine : en Savoie les trois diocèses avaient besoin de cette identification, et, à Lille, la taille du diocèse et sa configuration (la métropole lilloise constitue les deux tiers de la population) requièrent que l’on trouve les moyens de rapprocher fréquemment les acteurs principaux de la vie diocésaine.
• Un groupe repérable dans la vie diocésaine qui peut être en communication rapprochée avec la plupart des instances diocésaines et locales.
Il s’agit donc d’une assemblée, dont l’expression est notoirement consultative.
Ses avis peuvent être recueillis, le cas échéant et selon la volonté de l’évêque, par des votes. Pour éviter toute précipitation, le vote n’est pas demandé à la fin d’une séance, mais au début de la séance suivante, après compte-rendu synthétique des échanges et formulation de questions claires et précises.
C’est le bureau, présidé par l’évêque ou par le vicaire général, qui assure la continuité du travail. Ses qualités principales résident dans une bonne écoute de l’assemblée, et dans l’énergie de son animation ; l’animateur permanent doit être apte à faire face à un tel groupe.
Exemples de sujets abordés : la communication diocésaine, la pastorale des vocations, les familles, l’organisation diocésaine de la solidarité, l’information sur les politiques locales d’aménagement du territoire en relation avec l’organisation ecclésiale, la mise en route ou l’évaluation d’un projet diocésain, la préparation d’un synode …
Qu’en est-il de l’Eglise
Mgr Bernard Podvin
Porte-parole des évêques de France