« Célébrer l’Année de la Foi à la lumière de Vatican II », par Mgr Brunin

Comme toutes les Eglises locales, notre diocèse du Havre est invité à se mobiliser pour s’engager dans la nouvelle évangélisation. En octobre prochain, le Synode des évêques qui se tiendra à Rome, traitera de cette démarche missionnaire et tentera de discerner de nouveaux chemins pour l’annonce de l’Evangile aux hommes et aux femmes de ce temps.
Une Année de la foi

Les disciples du Christ se reconnaissent envoyés pour annoncer l’Evangile au monde. Ils doivent découvrir que le premier terrain d’évangélisation, c’est leur propre vie. En Palestine, au temps de Jésus de Nazareth, ceux qui l’écoutaient prêcher le Règne de Dieu l’interrogeaient : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » (Jean 6, 28). La réponse de Jésus rejoint aujourd’hui les disciples que nous sommes : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé » (Jean 6, 29). En nous invitant à vivre une Année de la Foi, le pape Benoît XVI nous convie à retourner aux sources de notre foi pour mieux en vivre et pour l’annoncer à nos contemporains. Elle commencera le 11 octobre 2012, lors du cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II, et se terminera en la solennité du Christ, Roi de l’univers, le 24 novembre 2013.

Face aux défis de notre époque, nous savons que la nouvelle évangélisation ne peut être le fait de chrétiens timorés ou insipides. Pour annoncer avec audace et détermination l’Evangile en ces temps d’évolutions et d’incertitudes, il faut réveiller en nous le goût de nous nourrir de la Parole de Dieu, nous situant fidèlement dans la tradition de l’Eglise, et du partage du Pain Eucharistique. Ils sont nourriture offerte en soutien de tous ceux qui, disciples du Christ, acceptent de se laisser envoyer aux hommes pour qu’ils croient. Croire en Jésus Christ est le chemin pour pouvoir atteindre de façon définitive le salut.

Recevoir le Concile pour un renouveau de la foi

Les évêques de France ont invité les chrétiens de tous les diocèses à venir en délégation à Lourdes pour préparer la célébration du 50ème anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II et l’Année de la Foi qui seront à vivre dans chaque Eglise locale. Ces délégations accompagnant leur évêque, porteront le souci d’animer ce temps fort de la foi chez les chrétiens de leur diocèse.

Au-delà de la célébration d’un simple anniversaire, ce qui nous est proposé de vivre, c’est l’entrée dans le mouvement de renouveau de la foi et de la mission que le Concile a impulsé. Jean Paul II, à l’entrée du second millénaire, nous disait sa conviction à propos de Vatican II : « Je sens plus que jamais le devoir d’indiquer le Concile comme la grande grâce dont l’Église a bénéficié au vingtième siècle : il nous offre une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence ». Benoît XVI, dans la même ligne, réaffirmera aux membres de la Curie en 2005, « si nous le lisons et le recevons guidés par une juste herméneutique, [le Concile Vatican II] peut être et devenir toujours davantage une grande force pour le renouveau, toujours nécessaire, de l’Église ».

Nous voici donc, chrétiens du diocèse du Havre, invités à entrer dans cette démarche de ressourcement et de renouveau de notre foi en revisitant les textes du Concile Vatican II. Textes qui, disait Jean Paul II, « ne perdent rien de leur valeur ni de leur éclat. Il est nécessaire qu’ils soient lus de manière appropriée, qu’ils soient connus et assimilés, comme des textes qualifiés et normatifs du Magistère, à l’intérieur de la Tradition de l’Église ».

Entrer dans la dynamique de la démarche de Vatican I
I

Le Concile Vatican II a adopté une démarche singulière et originale. Le pape Jean XXIII n’a pas voulu faire du Concile œcuménique qu’il convoquait, une instance magistérielle qui formule une série de condamnations ou d’anathèmes. On a ainsi parlé, à ce propos, de Vatican II comme d’un Concile pastoral. Cela fut d’ailleurs utilisé par certains de ses détracteurs pour relativiser le contenu des textes conciliaires et légitimer leur refus d’accueillir certaines orientations, bien plus largement que la seule question liturgique !

Dans l’effort que nous vivrons en diocèse pour « recevoir » les textes du Concile Vatican II, et leur permettre de ressourcer notre foi personnelle et communautaire, il nous faudra garder la perspective de ce que des théologiens1 ont appelé le « principe de pastoralité » de la démarche et de la réflexion des pères conciliaires.

Le principe de pastoralité du Concile Vatican II

Dans le discours d’ouverture, le pape Jean XXIII exprime son souhait que le Concile s’empare des questions qui agitent l’Eglise et tout le genre humain. S’inscrivant dans la fidélité à l’Evangile et la tradition magistérielle, les pères conciliaires étaient invités à opérer un discernement de foi à partir des grandes questions qui se posent au monde, et que le pape présenta dans son encyclique Pacem in terris (11 avril 1963) comme les signes des temps : vie familiale, égalité des peuples, promotion des droits de la personne, réfugiés politiques, nations en voie de développement, bien commun universel, principe de subsidiarité, …

Avec une telle approche, le Concile Vatican II devait sortir d’une approche binaire de la présence de l’Eglise dans le monde. Il ne s’agit plus d’une distinction entre l’ad intra et l’ad extra, mais d’une unification de la démarche dans un décentrement d’elle-même opérée selon deux axes : un axe vertical ou théologal, et un axe horizontal et fraternel. Le point de jonction de ces deux axes se situant dans l’Eglise toute entière insérée au cœur du monde. Ce qui fera dire à Mgr Robert COFFY, lors de l’Assemblée des évêques à Lourdes en 1971 2 : « L’Eglise est cette part de l’humanité qui est signe efficace du Christ parce qu’elle vit non une autre vie, mais autrement la vie ordinaire (elle est le monde réconcilié) et ce qui qualifie cet autrement, c’est la vie théologale. »

L’Eglise se pense ainsi dans un double mouvement : se tournant vers les autres (chrétiens d’autres confessions croyants non chrétiens, hommes de bonne volonté, monde), tout en se tournant vers Dieu qui se révèle à elle et à qui elle rend un culte dans l’Esprit du Christ. Ce double mouvement fait la réalité de l’Eglise et la prémunit à la fois d’un humanisme plat et d’une spiritualité évanescente. C’est à partir de cette double démarche que l’Eglise est conduite à repenser elle-même et dans un même mouvement, sa structure interne et sa mission.

Une telle approche garde toute son actualité. Certes, le monde a changé, les questions des hommes ne sont plus les mêmes qu’il y a cinquante ans, mais nous avons toujours besoin de vérifier et de réaffirmer la double fidélité que nous sommes appelés à vivre à Dieu qui continue de venir à nous, et aux hommes qu’il nous faut continuer de rejoindre pour y apporter l’annonce du Salut en Christ.

C’est à cette démarche de foi, en vue de la nouvelle évangélisation, que nous sommes conviés en cette année. Nous ne serons pas les archéologues du Concile Vatican II, mais nous en serons les héritiers. Nous nous efforcerons de recevoir de façon responsable, ce riche héritage… afin qu’il nourrisse notre foi et devienne notre boussole pour éclairer et orienter notre ardeur missionnaire renouvelée.

+ Jean-Luc BRUNIN
évêque du Havre

 


1 Gilles ROUTHIER, Vatican II : herméneutique et réception, Editions Fides, 2006, pages 392ss. ; Christoph
THEOBALD, La réception de Vatican II – Aller à la source, Le Cerf, 2009, pages 281ss.
2 Eglise, signe de salut au milieu des hommes, Le Centurion, Lourdes 1971, page 53.