Une minute de silence !

Dans son message pour la Journée mondiale de la communication, dimanche 20 mai 2012 [1] , le pape Benoît XVI nous invite à réfléchir au rapport entre silence et parole. « Le silence, souligne-t-il, fait partie intégrante de la communication et sans lui aucune parole riche de sens ne peut exister. » Pas facile… Il s’agit moins de tourner sept fois sa langue dans sa boucle avant de parler, comme dit le proverbe – bien que ce soit parfois bien utile -, que de se nourrir du silence intérieur pour élaborer et discerner une pensée avant toute parole. Cela devrait être plus facile en nous écoutant « mieux » nous-mêmes. Le silence est rarement « léger », même s’il est absence de bruit, il a parfois tendance à peser « lourd »… lourd de sens. On sait bien qu’un silence vaut parfois mieux qu’un long discours. Dans le silence, Dieu nous parle. Toute notre vie terrestre en fait l’expérience, dans la vie quotidienne, dans la Parole, dans la prière, dans les épreuves… « Ses œuvres sont là, on les voit, on en jouit. L’œuvre paraît mais l’auteur se cache [2]», comme a l’air de le regretter saint Augustin. Sur le silence de Dieu, le Pape remarque que « Si Dieu parle à l’homme aussi dans le silence, de même l’homme découvre dans le silence la possibilité de parler avec Dieu et de Dieu ».

Benoît XVI nous dit encore : « Se taire permet à l’autre personne de parler, de s’exprimer elle-même ». Voilà sûrement les vertus et la fécondité du silence : entrer en dialogue. Le silence n’est donc pas absence de communication. Les mots ne sont pas le tout de la parole. Ils prennent sens avant tout dans le silence. Ce qu’ont bien compris les amérindiens en proposant le « Bâton de parole », pour entrer dans l’écoute de l’autre et établir une relation plus profonde. Prise de parole utile, puisque si celui qui parle estime n’avoir (plus) rien à dire, il passe le fameux sésame à son voisin. La parole devient écoute. Le tour accompli, le silence devient prise de parole mûrie. On pourrait nommer cela : un silence habité. Un silence habité aussi par l’expression du visage, par les mouvements du corps tout entier. Le Pape poursuit : « Le silence permet donc une communication bien plus exigeante, qui met en jeu la sensibilité et cette capacité d’écoute qui révèle souvent la mesure et la nature des liens […] une sorte d' »écosystème » qui sache équilibrer silence, parole, images et sons ».

Côté écosystème, la radio nous prouve le contraire, tant le silence est considéré comme un blanc qui sonne creux, un vide qu’il faut combler sous peine de perdre des auditeurs. Le silence est la grande solitude de l’animateur, il fait peur. Quelques secondes de blanc et c’est panique à l’antenne. Pour les radios musicales, en particulier celles qui s’adressent aux jeunes, le silence est totalement absent, les quelques blancs laissés entre les mots sont comblés d’un brouhaha incessant. Côté médias numériques, si Benoît XVI reconnaît que « les moteurs de recherche et les réseaux sociaux sont le point de départ de la communication pour beaucoup de personnes qui cherchent des suggestions, des informations, ou des réponses », il souligne que « le silence est précieux pour favoriser le nécessaire discernement parmi tant de sollicitations et tant de réponses que nous recevons. » En effet, comment entrer dans un dialogue profond et fécond avec une multitude de propositions. Ce n’est pas une question de longueur… peut-être que le « haïku », ce bref poème japonais, en est un exemple. Il réussit, en quelques mots et expressions, à faire entendre le silence entre les mots. Comme l’arbre qui cache la forêt. Comme un verset biblique exprime une pensée profonde. Comme une minute de silence.

« Il n’y a pas lieu de s’étonner que, dans les différentes traditions religieuses, la solitude et le silence soient des espaces privilégiés pour aider les personnes non seulement à se retrouver elles-mêmes mais aussi à retrouver la vérité qui donne sens à toutes choses », remarque le Saint Père. Y a-t-il rupture entre parole et silence, en ces temps de sécularisation grandissante ? « Sommes-nous dans un monde réel… tout n’est-il pas en train de basculer dans du virtuel ? » s’interroge Jean Baudrillard. La réflexion de Benoît XVI sur le rapport entre « silence et parole » doit être pour nous source et chemin d’évangélisation. « De la contemplation silencieuse naît dans toute sa force l’urgence de la mission, la nécessité impérieuse « de communiquer ce que nous avons vu et entendu », pour que tous en communion avec Dieu. » A quelques mois des 50 ans de l’ouverture du Concile Vatican II, de l’Année de la foi, du synode pour la nouvelle évangélisation, puissions-nous nous ressourcer au silence de la parole de Dieu, au silence de l’Esprit Saint, pour que nous ayons les paroles de foi, dans le souffle de Pentecôte !

« S’éduquer à la communication veut dire apprendre à écouter, à contempler, bien plus qu’à parler, et ceci est particulièrement important pour les acteurs de l’évangélisation : silence et parole sont les deux éléments essentiels et parties intégrantes de l’action de communiquer de l’Église, pour un renouveau de l’annonce du Christ dans le monde contemporain », sera la conclusion du Message de Benoît XVI… Quel que soit le moyen de communication utilisé : oral, écrit ou multimédia.

Bruno Rastoin
Délégué diocésain à la communication