« Partir ?! », par Mgr Blaquart
Je pense aussi aux centaines de millions de personnes qui, à travers le monde, sont obligées de partir par contrainte, pour fuir un pays en guerre ou une situation économique dégradée. Si tant de migrants viennent frapper à la porte de notre pays, en prenant parfois des risques énormes, c’est par nécessité. Ils jouent bien souvent avec la mort pour assurer leur survie et celle de leurs familles. Si nous étions dans leur situation que ferions-nous ?
Il faut entendre le témoignage des coopérants qui donnent une ou deux années de leur vie dans un autre pays, dans le cadre de la DCC, Fidesco, les MEP ou Point-Cœur. La rencontre avec d’autres cultures et des situations locales difficiles transforment le regard et la compréhension du monde.
Certains – prêtres Fidei Donum et religieuses notamment – partent plus longtemps : des pays comme la Mongolie, le Brésil, le Cambodge nous sont devenus familiers grâce aux liens qui nous unissent à ces missionnaires.
« Partir » évoque aussi pour nous ceux qui – prêtres et religieuses – ont reçu une nouvelle affectation dans notre diocèse. Ils quittent un lieu, s’arrachent parfois à l’affection d’une communauté pour répondre à l’appel.
La Bible fourmille de ces appels de Dieu qui invitent à partir. Nous connaissons tous la Parole adressée à Abraham : « Quitte ton pays, ta famille et pars vers le pays que je t’indiquerai ! » (Gen 12) ou l’appel de Jésus à ses premiers disciples qui « laissent tout pour le suivre » (Mc 1, 18).
Aujourd’hui encore, des jeunes – et des moins jeunes – vont répondre à la Parole du Seigneur en entrant au séminaire ou dans une congrégation religieuse.
L’été reste propice pour des aventures limitées dans le temps mais qui peuvent être annonciatrices d’engagements pour toute une vie.
Je pense en particulier à tous les camps scouts et guides, proches pour les plus jeunes ou plus lointains, par exemple au Sénégal, pour les aînés. Cette semaine, c’est la commune de Cussac Fort-Médoc qui accueille 8500 Scouts et Guides de France de quatorze à dix-sept ans, puis la semaine suivante mille « marins » des différentes associations scoutes.Notons aussi tous ceux qui marchent vers Compostelle, ou ces vingt jeunes qui, accompagnés par des séminaristes de notre diocèse, partent un mois à Calcutta pour servir auprès des plus pauvres, ou encore les sessions et pèlerinages à Paray-le-Monial, Lisieux ou Lourdes qui réunissent plusieurs milliers de personnes chaque semaine.
Partir, sortir, vivre en dehors de chez soi éduque et fait grandir. Un jeune qui passe plusieurs jours loin de sa famille et dans un cadre porteur, en revient transformé.
Partir pour se ressourcer est toujours possible sans aller loin : dans notre diocèse, des havres de paix et de prière, comme le Broussey, Verdelais ou l’abbaye du Rivet, accueillent pèlerins de passage et retraitants.D’autres lieux, comme le Carmel de Talence ou tout simplement les églises ouvertes, aident bien des personnes à s’arrêter et à prier.
Partir est d’abord une aventure intérieure. Le témoignage des moines et moniales est éloquent. Après avoir, pour certains, voyagé dans de nombreux pays, ils ont compris qu’il leur fallait rentrer au-dedans d’eux-mêmes, à la recherche de Dieu, pour répondre à leur quête profonde.
Il s’agit bien alors de « partir » vers des horizons plus cachés, vers l’Hôte intérieur qui seul peut combler les cœurs assoiffés d’infini.
S’adressant à Dieu, Saint Augustin écrivait magnifiquement :
« Je t’ai aimée bien tard, Beauté si ancienne et si nouvelle, Je t’ai aimée bien tard !
Mais voilà : tu étais au-dedans de moi quand j’étais au dehors…
Tu m’as appelé, tu m’as touché et je me suis enflammé pour obtenir la paix qui est en toi ».
Mgr Jacques Blaquart