Lundi 11 mai 2009, Benoît XVI a quitté la Jordanie. Retour sur les trois premiers jours de son
pèlerinage en Terre Sainte avec le P. Christophe Roucou, Directeur du Service national pour les relations avec l’islam.
Après une
messe privée, le pape Benoît XVI a quitté la nonciature d’Amman pour l’aéroport de la capitale jordanienne. Dans son discours d’adieux, il a remercié le Roi Abdallah II de son hospitalité, et tous ceux qui ont rendu possible la première étape de son
pèlerinage en Terre Sainte.
« Je voudrais encourager les Jordaniens, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, à bâtir sur les fondements fermes de la tolérance religieuse qui permettent aux membres des différentes communautés de vivre ensemble dans la paix et le respect mutuel » a dit Benoît XVI. Il a ensuite souligné combien le souverain hachémite a été actif en favorisant le dialogue interreligieux, saluant son engagement personnel. « Je note aussi avec gratitude la considération particulière qu’il porte à la communauté chrétienne en Jordanie. Cet esprit d’ouverture aide non seulement, à court terme, les membres des différentes communautés ethniques à vivre ensemble dans ce pays en paix et en harmonie, mais il a favorisé aussi, à long terme, les initiatives politiques de la Jordanie en vue de réaliser la paix dans tout le Moyen Orient« .
(Avec VIS)
Quels ont été les gestes marquants de Benoît XVI au cours de l’étape jordanienne ?
Le 8 mai, lors la visite du centre Regina Pacis, je retiens l’image du pape portant le keffieh rouge et blanc, offert par deux scouts jordaniens. C’est un signe symbolique des liens avec les peuples jordanien et palestinien qui le portent. Second geste : c’est à la mosquée Al-Hussein que le pape s’est adressé aux responsables musulmans et chrétiens. La réponse du Prince Ghazi, à l’origine de la « Lettre des 138 », montre à quel point les deux hommes sont engagés sur le chemin du dialogue. Je retiens un autre geste : le 9 mai, au cours des vêpres à la cathédrale melkite, l’évêque du lieu a donné son bâton de pasteur au pape. Je trouve ce geste très beau car il signifie une communion profonde dans la diversité des rites de l’Eglise catholique.
Benoît XVI n’oppose pas les chrétiens aux musulmans : ce n’est pas parce qu’il soutient les chrétiens d’Orient qu’il n’est pas en relation avec les musulmans. C’est ce que j’ai vécu pendant 9 ans en Égypte : la solidarité avec mes frères chrétiens ne m’a pas empêché de nouer des relations d’amitié avec les musulmans. Le pape nous adresse ainsi une invitation pressante à la solidarité avec nos frères chrétiens d’Orient et à l’amitié avec les musulmans avec qui nous vivons.
Quelles paroles du pape retenez-vous ?
Le discours du 9 mai, lors de la pose de la première pierre de l’université catholique de Madaba, me parle parce que j’ai moi-même été enseignant en Égypte. Les mots de Benoît XVI : « Croire en Dieu ne dispense pas de la recherche de la vérité, tout au contraire, cela l’encourage » s’adressent à l’Europe sécularisée. Je retiens aussi cette phrase : « La religion est défigurée quand elle est mise au service de l’ignorance et du préjugé, du mépris et de la violence et des abus ». De fait, bien souvent, le fanatisme utilise la religion mais sa cause première est l’ignorance.
Dans son discours à la mosquée Al-Hussein Bin-Talal, je souligne « la nécessité des croyants d’être cohérents avec leurs principes et leurs croyances » et encore : « Musulmans et chrétiens, à cause de leur histoire commune, si souvent marquée par les incompréhensions, doivent aujourd’hui s’efforcer d’être connus et reconnus comme des adorateurs de Dieu, fidèles à la prière (…) ». J’ai trouvé intéressant que le Pape marque une continuité avec la « Lettre des 138 » : « De telles initiatives conduisent clairement à une meilleure connaissance réciproque, favorisent un grand respect, un respect grandissant, à la fois pour ce que nous avons en commun et pour ce que nous comprenons différemment ». Il ne dit pas « ce que nous avons de différent » mais « ce que nous comprenons différemment ». Je retiens aussi son image : l’adhésion authentique à la religion « assure que la liberté s’exerce main dans la main avec la vérité ». Plusieurs fois, dans ce discours, le pape dit qu’ ensemble chrétiens et musulmans doivent servir la recherche du bien commun. Il ne s’agit pas d’un face à face des chrétiens et des musulmans mais d’ une invitation à se mettre ensemble à servir l’humanité.
En quoi ces 3 jours en Jordanie sont-ils une avancée dans le dialogue avec l’islam ?
Au début de son pontificat, Benoît XVI avait beaucoup parlé d’échanges interculturels. Quand on lit les discours de ces trois derniers jours, il se situe aujourd’hui dans le cadre du
dialogue interreligieux. Ce n’est pas un dialogue des dogmes, théologique, mais un dialogue entre croyants. Le pape inscrit cette étape-ci dans une suite : cette étape témoigne d’un déplacement personnel et d’ un appui donné par le pape au travail du Conseil pontifical pour le
dialogue interreligieux.
Que penser des demandes d’excuses exigées par certains pour ses propos à Rastibonne ?
L’idée a été répandue dans le monde musulman que le pape avait insulté le
prophète. Je trouve très beau le discours du prince Ghazi parce qu’il n’a pas caché les polémiques : «
Je dois aussi remercier Votre Sainteté d’avoir exprimé des regrets après votre discours à Rastibonne, le 13 septembre 2006, pour le tort causé aux musulmans ». Je crois que les personnes engagées dans le dialogue islamo-chrétien ont tourné la page Ratisbonne mais une partie de l’opinion publique musulmane n’a pas entendu d’excuses.
Quels sont les prochains temps forts dans les relations avec l’islam ?
La visite de l’Esplanade des mosquées, du Dôme du Rocher et la rencontre avec le Grand Mufti de Jérusalem vont dans ce sens. Si le pape rentre sous le Dôme du rocher, ce sera un geste très fort car c’est un des lieux saints de l’islam. Je trouve assez remarquable que jusqu’à présent les medias aient respecté la dimension spirituelle du
pèlerinage. Beaucoup disent qu’à Bethléem, dans les Territoires palestiniens, il y aura en plus une donne politique.