Jeanne Jugan : l’humilité d’une fondatrice

Jeanne Jugan
Au départ de tout, elle termina sa vie dans l’ombre. Jeanne Jugan (1792-1879) ou le dépouillement évangélique.

« Dieu me veut pour lui. Il me garde pour une œuvre qui n’est pas connue, pour une œuvre qui n’est pas fondée ». Lorsqu’à 24 ans, Jeanne Jugan explique à sa mère son refus d’épouser un marin, elle ne sait pas encore qu’elle fondera une congrégation. Mais un puissant pressentiment l’habite. Née en pleine Révolution (le 25 octobre 1792), cette jeune fille, catéchisée par des Tertiaires Eudistes, choisit Dieu seul. La figure du pauvre, incarnation du Christ, l’inspire très tôt en actes et en idéal. Après que son père, un terre-neuvas de la baie de Cancale, a disparu en mer, elle doit de bonne heure travailler dur pour gagner sa subsistance. Pendant près de vingt ans, à Saint-Servan, une ville où presque la moitié de la population est inscrite au bureau de bienfaisance, elle sera tour à tour infirmière dans un hôpital pour « teigneux, galeux, vénériens », employée de maison, garde-malade à domicile…

Une vie choisie de mendiante


Attentive aux détresses qui l’entourent, elle mène, avec deux co-locataires qui partagent sa vision, une vie rythmée par la prière, les tâches domestiques et l’aide aux nécessiteux. La profondeur de sa foi l’amène l’hiver 1839 à un acte radical : loger une vieille femme aveugle et infirme. En 1840, les trois amies forment une association de charité. Leur rayonnement s’étend. Il faut déménager pour accueillir de nouvelles pensionnaires. Le 29 mai 1842, les associées, accompagnées spirituellement par un vicaire de la paroisse, l’abbé Le Pailleur, prennent le nom de « Servantes des Pauvres » et désignent Jeanne comme leur supérieure. Celle-ci s’engage encore plus dans la voie de l’humilité en choisissant de mendier : du pain, du linge, des aumônes, tout ce qui peut aider pour leur vocation d’hospitalité. Des dons spontanés affluent.
Alors que l’abbé Le Pailleur, dès 1843, écarte Jeanne de la direction de la Congrégation, le maire et les notables de la ville demandent pour elle le prix Montyon décerné par l’Académie française.

 

Un effacement subi mais consenti

Au début de l’année 1844, les « Servantes des Pauvres » choisissent de s’appeler « Sœurs des Pauvres ». Jeanne part quêter à Rennes, Dinan, Tours. Un article de journal puis la visite du romancier anglais Charles Dickens apportent à son œuvre la notoriété. Les fondations se multiplient en France et en Europe. A plus de 60 ans, la première Petite Sœur des Pauvres s’enfonce dans le dépouillement. Rappelée à la Maison-Mère de la congrégation, elle y restera 27 années, jusqu’à sa mort, vivant sans responsabilités au milieu des novices et postulantes qui ne savent même pas que cette « Petite Sœur Marie de la Croix » est leur fondatrice…
« Il faut être petites et bien humbles, nous croire toujours les dernières…. », leur confie-t-elle. Elle meurt en paix en 1879, dans l’oubli.

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