Trois congrégations rendent hommage à l’audace de leurs fondateurs
Plusieurs figures de sainteté sont prochainement offertes comme modèles aux catholiques du monde entier: le 17 mai seront canonisées quatre religieuses dont la Française Jeanne-Émilie de Villeneuve, les Palestiniennes Marie-Alphonsine et Mariam de Jésus Crucifié. Le 31 mai, c’est un prêtre du diocèse de Bayonne, le Père Cestac qui sera béatifié. Par Chantal Joly.
En son temps, la française Jeanne-Émilie de Villeneuve (1811-1854) (photo), à qui l’Église attribue deux guérisons miraculeuses (celle d’une jeune africaine sauvée d’une péritonite aiguë et celle d’une enfant brésilienne redevenue normale après une électrocution) sut se rendre « aux périphéries ». Aristocrate, fille du maire de Castres, elle s’alarma de la misère née de la révolution industrielle et, avec quelques compagnes, se mit au service des jeunes ouvrières, malades, prostituées et condamnés en prison. Puis, alors même que la Congrégation de Notre-Dame de l’Immaculée Conception (dite « les Sœurs Bleues » à cause de leur habit) qu’elle avait créée n’avait que 12 d’existence, elle mûrit le projet d’envoyer des Sœurs au Sénégal. Cet « équilibre entre action et contemplation, entre l’écoute de Dieu et l’écoute du pauvre» touche Sœur Michelle Cancalon, supérieure de la maison mère de Castres. Aujourd’hui encore, les 600 Sœurs continuent la mission « en étant disponibles là où la voix des pauvres les appelle », particulièrement auprès des enfants des rues et des femmes en Afrique et en Amérique latine. Fidèles aux intuitions de leur fondatrice (sur Paris une sœur est engagée auprès des prostituées avec le Mouvement du NID et partout dans le monde « des sœurs essaient de rentrer dans les prisons »), elles se consacrent aux nouveaux souffrants de la société. Ainsi, la Congrégation a confié ses établissements scolaires à des directions laïques et ses maisons de retraite à des associations en lien avec elle. De petites communautés s’insèrent désormais dans des quartiers où, proches des gens, elles visitent les isolés et s’investissent au plan humanitaire.
Sainte Marie Alphonsine Danil Ghattas (1843-1927) est « très connue dans les pays arabes », déclare Sœur Ludgar Rahmé. Cette Palestinienne de Jérusalem fonda avec le Père Joseph Tannous les Sœurs du Rosaire, première congrégation de langue arabe destinée à « donner un enseignement pédagogique et spirituel aux filles alors peu valorisées et estimées ». Aujourd’hui, près de 300 religieuses sont engagées dans des paroisses, des écoles, des hôpitaux, des foyers pour étudiants et pèlerins, en Terre Sainte, en Jordanie, dans les Émirats Arabes et le Golf, au Liban, en Syrie, au Caire et à Rome. « Dans notre Congrégation les degrés de cultures et de diplômes s’effacent pour laisser place au témoignage de notre consécration dans les services missionnaires. J’aime beaucoup cet esprit », commente Sœur Ludgar. Elle exprime son admiration vis à vis de celle qui « à 14 ans, dut attendre l’approbation de son père pour devenir religieuse (d’abord chez les Sœurs de St Joseph de l’Apparition) puis resta 42 ans dans le silence, la discrétion et le sacrifice en taisant à sa Congrégation ses visions de la Vierge et son rôle de fondatrice ». En année sabbatique à Paris, Sœur Ludgar prépare le pèlerinage qui emmènera une quarantaine de pèlerins en Italie pour cette canonisation (le miracle attribué à sainte Marie Alphonsine fut la guérison, le jour même de sa béatification, d’un jeune homme foudroyé par une décharge électrique). « Dans notre mentalité, explique-t-elle, nous dialoguons avec nos saints. Ils sont comme des parents, des voisins. Ils nous soutiennent pour nous aider à porter nos propres croix. C’est important pour notre peuple arabe chrétien d’Orient afin de résister et de ne pas quitter ses pays ».
Prêtre, Louis-Edouard Cestac (1801-1868) fut récompensé par la Légion d’Honneur pour son action sociale et ses compétences d’agronome. Sœur Jacqueline Bordenave, supérieure générale des Servantes de Marie, la Congrégation qu’il créa pour ses collaboratrices, souligne « l’acuité de son regard ». Car le vicaire de la cathédrale de Bayonne sut voir dans les rues de cette ville alors de garnison, commerçante et portuaire, la détresse des jeunes campagnardes en perdition. Après avoir accueilli des fillettes dans une maison prêtée par la municipalité, le Père Cestac, révolutionnaire pour son temps, acheta -à crédit- pour les plus âgées une ferme à Anglet. Et au lieu de les enfermer dans des institutions, confiant en la bienveillance de la Vierge, mit sur pied un projet fondé sur l’éducation et le travail. Très connue dans le Pays basque, les Landes, Toulouse, le Nord et l’Ain pour ses écoles installées dans de petits bourgs et ses établissements sanitaires et sociaux, la Congrégation a passé le relais à des associations que les sœurs accompagnent. À la maison-mère, sur le domaine agricole reconverti pour partie en maraîchage bio, les sœurs restent actives pour la vente. Les Bernardines (la branche contemplative) continuent de s’y consacrer à la prière, au silence et au travail. La béatification, fêtée dans le diocèse par une « Année Cestac », est l’occasion pour la communauté d’Anglet de vivre à l’heure internationale avec le passage de sœurs d’Espagne, d’Argentine, d’Uruguay, de Côte d’Ivoire et d’Inde, lieux de mission des Servantes de Marie aujourd’hui.
Des « cadeaux » pour l’Église
« Nous rendons grâce pour le cadeau ainsi offert à l’Église et à l’humanité tout entière, en proposant la figure d’Émilie de Villeneuve comme exemple et comme intercesseur » Mgr Jean Legrez, archevêque d’Albi.
« Elles sont pour nous lumière et consolation au milieu des difficultés qui sont les nôtres » Sa Béatitude Fouad Twal, Patriarche latin de Jérusalem, à propos de la canonisation de Sœur Marie-Alphonsine et Sœur Marie de Jésus Crucifié.
« La béatification du père Cestac, prêtre de notre diocèse, peut être une occasion providentielle pour nous poser la question des vocations sacerdotales en vérité. […] Nous voulons profiter de cette « Année père Cestac » pour secouer l’indifférence qui nous enferme sur nous-mêmes, en renouvelant notre attention aux plus pauvres que nous côtoyons chaque jour. » Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, dans sa Lettre Pastorale.
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