Prière et solidarité pour l’Ukraine
Lors de son dernier voyage en Ukraine, en février dernier, Mgr Borys Gudziak, évêque de l’éparchie de Saint-Volodymyr-le-Grand, a visité blessés et réfugiés. A l’occasion de la quête du dimanche 24 avril 2016, demandée par le pape François, en faveur du peuple ukrainien, il fait le point sur la catastrophe humanitaire en cours. A quelques milliers de kilomètres à peine de Paris.
Comment accueillez-vous l’appel du pape François ?
Nous sommes convaincus que la prière est très importante. On lui doit beaucoup de changements en Ukraine. La chute du Mur et du communisme, ce n’était pas une stratégie mais un miracle ! Dans les années 80, la résurrection de notre Eglise – qui semblait finie – c’est aussi une action de Dieu, une grâce qui change l’Histoire.
Il est aussi très important d’être informé sur la situation. Beaucoup de personnes ne savent pas que la guerre continue !
Prier, être informé et en solidarité – matérielle et morale – comme l’y appelle le Pape, c’est l’occasion pour les catholiques en Europe d’être sensibles à cette situation dramatique.
Quelle est justement la situation aujourd’hui ?
Plus de 7 millions de personnes sont touchées par la guerre. 2,5 millions ont émigré. On dit que 1,7 millions sont réfugiés en Ukraine. On compte des dizaines de milliers de blessés, notamment à cause des mines, très dangereuses pour les enfants.
De plus, il y a deux ans déjà, une dévaluation de 65% a frappé la monnaie ukrainienne. 45 millions ont perdu les 2/3 de la valeur de leur salaire. La population est devenue très pauvre. Et le travail manque.
Le coût des infrastructures détruites s’élève à 50 milliards d’euros, c’est-à-dire le budget annuel du pays. Des actions militaires ont lieu chaque jour. Pourtant la Russie dément que ses troupes soient présentes en Ukraine… – malgré les photos qui le prouvent. C’est pourquoi nombreux sont ceux qui n’ont pas une vision claire de la situation.
L’appel du Pape est l’occasion d’attirer l’attention sur l’Ukraine. C’est aussi un geste moral et symbolique.
Quel est votre message aux Européens ?
Que près de 2 millions de personnes soient réfugiées en Ukraine, alors que l’Europe n’en parle pas, porte atteinte à leur dignité et accentue leur souffrance. Il semble pour beaucoup d’Européens que la vie continue là-bas, que les Ukrainiens ne se révoltent pas, qu’il n’y a pas de violence sociale.
Je suis très touché par la dignité et la foi des Ukrainiens, ainsi que par le travail humanitaire qu’ils accomplissent pour eux-mêmes, entre eux. Chaque famille, chaque personne, fait ou donne quelque chose. Pas seulement les fidèles gréco-catholiques mais aussi les latins, les orthodoxes, les juifs et les musulmans : ils étaient tous ensemble dans les manifestations contre l’autoritarisme, pour la dignité humaine et la liberté de la presse. Par exemple, toutes les deux semaines, notre petite paroisse –100 personnes à la messe dominicale – organise une quête. Nous avons pu acheter, l’année dernière, 3 ambulances. Un transporteur fait le voyage chaque semaine de Paris pour l’Ukraine. 500.000 personnes n’y ont plus accès à l’eau. La faim touche plus ou moins 1 million de personnes. On manque d’insuline, on opère sans anesthésie… C’est une véritable crise humanitaire ! Cette population souffrante est très reconnaissante envers le pape François. Son appel, lancé le 3 avril, Dimanche de la Miséricorde, coïncide avec l’année jubilaire. Nous sommes très touchés.
Une Eglise à nouveau dans l’épreuve
Illégale pendant 43 ans, l’Eglise garde en mémoire un passé douloureux mais aussi « les grandes actions du Seigneur ». Mgr Gudziak s’attache à ces phrases d’Evangile : « Nous rendons grâce à Dieu pour vous tous. Sans cesse, nous nous souvenons de votre foi et du travail de l’amour et de la fermeté de votre foi en Jésus Christ » (1 Thessaloniciens 1, 2-3).