Entretien avec Mgr Ventura, nouveau représentant du pape en France

Mgr Luigi Ventura

Nommé en septembre 2009 à la tête de la nonciature apostolique en France, Mgr Luigi Ventura a pris ses fonctions fin décembre. Après l’Afrique (Côte d’Ivoire, Burkina Faso et Niger), l’Amérique du sud (Chili) et du nord (Canada), ce docteur en Lettres modernes et licencié en droit canonique, poursuit sa mission auprès de l’Église en France où il succède à Mgr Fortunato Baldelli.
 
Après huit années passées au Canada, comment avez-vous reçu ce nouvel appel ?

L’Église en France est importante. Elle a une riche histoire, une proximité avec le Saint-Siège elle est la fille aînée de l’Église , elle rencontre les problématiques des pays modernes : baisse de la pratique, manque de prêtres… Ma nomination à la Nonciature en France est donc à la fois un honneur et une lourde tâche. J’ai d’abord été surpris par cette nomination que j’ai reçue aussi comme une marque de confiance de la part du Saint-Père.
Après huit années passées au Canada, je m’attendais tôt ou tard à un changement. On ne s’habitue jamais à se déraciner régulièrement, mais avec le temps on s’y prépare. Il est toujours difficile et un peu dur de se déplacer et de tout renouveler. On s’habitue à un pays, une langue, une situation, une culture. Pour utiliser une métaphore informatique, il faut fermer un programme et en ouvrir un autre différent. Il faut donc être patient avec soi-même et demander la patience de ceux qui vous accueillent.

Abordez-vous différemment cette nouvelle nonciature par rapport à vos précédents lieux de ministère ?

La méthode est la même, il faut l’adapter à la situation du pays. J’arrive avec les oreilles grandes ouvertes. Je vais entendre les évêques lors de la prochaine assemblée plénière, les membres de la société civile et politique. Etre à l’écoute ne signifie pas seulement écouter mais aussi lire la situation telle qu’elle est.

Contrairement au Chili ou à l’Afrique, la laïcité y est très prégnante ?

Je n’ai pas d’appréhensions particulières par rapport à cela. Il y a en France une laïcité historique à laquelle votre Président a apporté une nouveauté, lors de sa visite à Rome (décembre 2007, Ndlr.). Il a parlé de laïcité positive. Ce concept de laïcité ne s’est pas cristallisé dans l’histoire, mais on remarque une évolution. Il y a la recherche, le développement par l’Église d’une réflexion et d’un dialogue avec la société contemporaine. La laïcité positive reconnaît la place et la valeur des religions au service de notre société.

Quels sont les dossiers qui vous attendent prochainement ? La reconnaissance des diplômes délivrés par les instituts catholiques ?

Pour l’instant, je les mets en ordre. Il me faut d’abord m’imprégner de la situation de l’Église. Lorsqu’on lit les textes des Pères de l’Église des premiers siècles, on s’aperçoit que la problématique reste la même qu’aujourd’hui en dépit d’un contexte différent : comment on vit, comment on arrive à être en communion…
Concernant la reconnaissance des grades et des diplômes de l’enseignement supérieur, j’ai remarqué qu’un dialogue prometteur avait commencé et qu’il avait déjà abouti à certains points importants.
Pourquoi ne pas reconnaître ce que ces institutions d’Église apportent ? Je me souviens d’un discours du Saint-Père* qui rappelait que les moines avaient sauvegardé le grand patrimoine de la culture classique, latine et grecque. C’est l’Église, sans revendication aucune, qui a inventé l’université**.

* Discours de Benoît XVI au Collège des Bernardins, septembre 2008
** Créée pour permettre la formation des clercs, prenant la suite des écoles cathédrales, elle s’ouvrira progressivement aux laïcs. (Le sens chrétien des mots, Noms propres et communs du catholicisme, Pascal-Raphaël Ambrogi, Éd. Tempora)

 

Quel est le rôle d’un nonce apostolique ?

Le nonce apostolique, du latin nuntius, messager, est l’ambassadeur du pape auprès d’un gouvernement étranger. Il assure un rôle de liaison et d’unité entre le Saint-Siège et l’Église du pays où il est envoyé.
Le nonce apostolique mène donc une relation diplomatique avec l’État et ses autorités. Il est aussi le lien habituel et quotidien de la communion entre le pape et les évêques. « Les deux sont en relation pour aborder tout ce qui concerne la vie de l’Église : les communautés religieuses, les problématiques, les célébrations… Le pape n’intervient pas directement. Il envoie quelqu’un pour être informé et soutenir l’action des évêques » souligne Mgr Luigi Ventura.
Le Nonce apostolique a aussi un rôle dans la préparation des dossiers pour la nomination des évêques : « Il écoute, dialogue, interroge, propose, fait des recommandations pour aider le Saint-Père à prendre la décision finale. », ajoute-t-il.
 

Bio en bref

Né dans la province de Brescia (Italie) en 1944, Mgr Ventura a été ordonné prêtre le 14 juin 1969. Après avoir servi en paroisse et au séminaire de son diocèse (1969-1974), et les études à l’Académie pontificale, à partir de 1978, il a travaillé dans différents pays au service de la diplomatie du Saint-Siège : Brésil, Bolivie, Grande-Bretagne et pendant onze années à la Secrétairerie d’État du Vatican. Ordonné évêque en 1995, il était Nonce apostolique au Canada depuis 2001.
 

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