Quand l’Eglise veille sur le peuple de la mer

« Aujourd’hui, on construit des bateaux de croisière de 320 m de long transportant 5000 passagers et 2000 personnes pour le personnel navigant, de parfois quarante nationalités différentes. Au cours d’une matinée de visites aux marins à bord des bateaux en escale dans le port du Havre, je peux donc me retrouver en Inde, aller en Chine et rencontrer des Ukrainiens ou des Roumains », témoigne avec humour le Père Guy Pasquier (photo), prêtre de la Mission de France dans le diocèse du Havre et secrétaire général de la Mission de la Mer. Plus que dans d’autres milieux, à travers cette présence auprès de marins de toutes cultures et de toutes croyances, se vit l’universalité de l’Eglise.
« La parole de Dieu s’est propagée par la mer », rappelle le Père Pasquier. Souvenons-nous des voyages de Saint Paul. Aujourd’hui encore, témoigne-t-il, « des textes bibliques tels que le psaume 106 qui raconte une expérience de vie en mer avec le roulis et la tempête est très parlante pour les marins. De même le très beau texte de la tempête apaisée (Mt 8, 23-27) où l’on voit Jésus non pas prendre la barre mais aider à la traversée ».
 

C’est après la seconde Guerre Mondiale, au moment où des prêtres s’embarquèrent comme marins pour partager la vie des hommes de la mer par le travail, que le nom fut donné de « Mission de la Mer ». Le Père Pasquier lui-même a passé quinze ans en tant que navigant sur des gaziers, pétroliers et divers types de bateaux. Aujourd’hui à la retraite au plan professionnel, il a posé sac à terre et visite les marins dans les quatre régions de la Mission de la Mer:  le Nord (de Dunkerque au Mont Saint-Michel), l’Ouest ( jusqu’à l’estuaire de la Vilaine), la côte atlantique du Sud-Ouest et la Méditerranée.

Epaulés par des laïcs volontaires, les aumôniers des grands ports français se rendent régulièrement sur des bateaux pour rencontrer les équipages. Ils sont munis de cartes de téléphone et de clefs USB, contenant les textes liturgiques des dimanches. La Mission de la Mer est également sollicitée pour des bénédictions de bateaux, des célébrations…

Depuis quelques années, une expérimentation pastorale concerne le monde des croisières. Prêtre du diocèse de Strasbourg âgé de 42 ans, le Père Thomas Ziegler sillonne la Méditerranée occidentale à bord du paquebot « Le Bleu de France ». « C’est un microcosme avec toutes les cultures, religions, langues, philosophies, âges, classes sociales. Un gros village de 800 passagers francophones et 400 membres d’équipage de 30 nationalités, confinés sur quelques mètres carrés. Je suis le seul représentant officiel d’une religion. Il faut avoir une certaine vocation d’ermite dans la ville ! » raconte le Père Ziegler. S’il propose pour les passagers des célébrations tous les jours, des services dominicaux pour l’équipage ainsi qu’une conférence sur la Mission de la Mer, le Père Ziegler souhaite en priorité « incarner le commandement de l’amour du prochain, en étant disponible et attentionné, dans l’écoute et le service concret pour tous ». Une forme unique au monde de présence d’Eglise.
 

Un autre volet de l’action de la Mission de la Mer consiste à apporter sa contribution aux questions de société qui touchent les travailleurs de la mer. Ainsi, dans le cadre du débat sur la politique commune de pêche, un message a été adressé à la Communauté européenne, en novembre 2009, pour défendre le principe d’une pêche alternative durable. Elle a notamment demandé de « redonner la parole aux marins », défendu le principe des quotas et souhaité des filets sélectifs pour laisser passer les petites tailles de poissons.
Elle souhaite apporter son point de vue sur le respect des hommes et de la mer au groupe de réflexion mis en place, à la suite du Grenelle de l’environnement et de la mer, par le ministère de l’écologie, du développement durable et de la mer. « La mer n’est pas une zone de non- droit, précise le père Pasquier. La Mission de la Mer attache beaucoup d’importance à la Convention du Travail Maritime, adoptée par l’OIT/BIT en 2006, et qui est en voie de ratification par les Etats. Cette convention traite des conditions de vie et de travail des marins, de leur contrat de travail, etc… »
Dans les ports, les membres de la Mission de la Mer veillent également à l’accueil des marins « pour qu’ils se sentent comme chez eux, loin de chez eux » et à l’installation des Commissions portuaires de bien-être des gens de mer.
 

Lors de sa dernière rencontre nationale (13-16 mai 2010) ont été évoqués les liens établis avec les jeunes des écoles maritimes et plus largement, à travers eux, l’avenir de cet apostolat. « La Mission de la mer, c’est petit, mais son champ d’action est vaste comme la mer ! », résume le Père Pasquier. L’Organisation Maritime Internationale recense pas moins de 1, 5 million de marins dans le monde. C’est dire l’importance de cet apostolat singulier dans le sillage de bien des défis de notre temps : mondialisation, écologie…
Mouvement d’Eglise relié à au Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement, avec comme « dénominateur commun aux gitans, bateliers, gens du voyage et forains, l’itinérance… », la Mission de la Mer est spécialement placée sous la protection de la Vierge Marie. Son nom international est Stella Maris, l’étoile de la mer, titre donné à Marie.
« Marie, Etoile de la Mer, sois aussi notre guide pour grandir en amitié et attention à la présence de nos compagnons de vie et de bord… », invoquait le Père Roland Doriol, le 17 juin 2010, lors de la bénédiction du bateau Norvegian Epic à Saint-Nazaire. Une prière adressée à celle qui garde une place particulière dans le cœur des marins.