Nous sommes un diocèse côtier. Nous avons Honfleur, les plages du débarquement. C’est un peu facile de jouer sur ce vocabulaire mais il est réellement porteur et surtout biblique et théologique. Le Christ dit à son Eglise : « Avance en eau profonde, même si la barque risque de chavirer. Confiance, n’ayez pas peur ». Quant à Jean-Paul II, sa lettre apostolique Au début du nouveau millénaire (Novo millennio ineunte. 2002. Ed Le Cerf) prône l’audace d’avancer au large et d’aller à la rencontre du monde de ce temps. Or du fait d’une institution fragilisée et d’une moyenne d’âge élevée, surtout en milieu rural, nous voyons bien que les chrétiens sont tentés soit de regarder dans le rétroviseur en regrettant le temps où nous étions nombreux avec des moyens et une reconnaissance, soit de nous résigner en nous repliant entre nous, en ghetto. Tout l’enjeu est de redevenir des hommes et des femmes d’espérance et de foi, des « sentinelles de l’Invisible » comme le disait le Pape Jean Paul II. Le thème des Journées Mondiales de la Jeunesse 2011, Enracinés dans le Christ, est aussi un objectif pour toute l’Eglise en France.
 

Je vais sur le terrain en frère, en père, en ami et vivre un temps assez long au milieu de la communauté chrétienne et au contact de la population. Partout, je rencontre prêtres, diacres, laïcs en responsabilité et c’est un bonheur de partager cette vie fraternelle. Je sens une forte attente à ce que l’évêque soit là pour écouter, encourager, prier, conforter. Pour un pasteur, c’est une joie d’être avec les gens plutôt que de rester dans son bureau ou toujours en réunion autour d’une table. J’ai visité 20 paroisses durant une semaine environ chaque fois, sans oublier les services, les mouvements, le sanctuaire de Lisieux. C’est épuisant mais passionnant de sortir de nos murs en allant, par exemple, sur une place du marché ou en rencontrant des acteurs politiques, économiques, sociaux ou culturels avec qui des soirées sont organisées. Il y a de vrais trésors d’humanité au cœur de notre société. Beaucoup de chrétiens sont engagés dans ces actions. Ma mission est de dire que la communauté chrétienne s’associe à leur action et prie pour eux, pour qu’ils tiennent dans l’espérance. Cet intérêt ne les laisse pas indifférents. Et la population, quand elle voit une photo de l’évêque avec quelques personnes de la paroisse, dans le journal local, visitant une maison de retraite ou une association, est sensible à cette démarche de l’Eglise.
 

D’abord aujourd’hui il faut du courage pour être chrétien. On n’est plus chrétien par tradition mais par conviction. On sent un renouveau spirituel et une joie de croire. Il faut savoir que dans ce diocèse de 690 000 habitants, certaines paroisses comptent en moyenne une centaine de bénévoles et certaines vont jusqu’à 400. C’est extraordinaire de voir comment les baptisés se sont engagés à la fois dans la communauté chrétienne et dans le monde. Cette révolution tranquille est un des fruits de Vatican II. Les chrétiens se sentent responsables de la vie de leur communauté et malgré la grande diversité de clochers, de situations, de responsabilités, une prise de conscience diocésaine est en train de naître même si le chemin est encore long. Nous n’avons pas eu de synode ici mais la démarche de CAP 2012 est synodale. En octobre 2012, une assemblée de 400 personnes votera des orientations pour les cinq ans à venir. Car on ne peut guère faire des projets au-delà. L’Eglise vit la dynamique du provisoire comme aimait le dire Frère Roger de Taizé. L’enjeu pour notre temps, c’est la Foi. Sommes-nous des hommes et des femmes de foi ? Sommes-nous heureux de croire comme le dit Jésus ? Pour ma part, je suis un Ch’ti heureux chez les Normands.