Quelques perspectives pastorales
Présentation du chapitre six d’Amoris laetitia, provenant de l’édition annotée de « La joie de l’amour » aux éditions Lessius Fidélité (2016), avec l’aimable autorisation de l’éditeur.
Après avoir, dans les chapitres précédents, invité à se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu (chap. 1), pris la mesure des questions posées aux familles par les évolutions actuelles (chap. 2), rappelé les points forts de la tradition catholique sur le mariage (chap. 3) et surtout médité sur l’amour comme rendez-vous crucial pour l’humanité (chap. 4 et 5), l’exhortation se propose, avec ce chapitre 6, d’entrer dans la dimension pastorale. C’est donc l’Église qui est ici en premier concernée dans la manière dont elle accueille les couples, les accompagne dans la préparation de leur mariage et tout au long de leur vie matrimoniale, y compris lorsqu’il y a des crises et des déchirures. Mais le souci pastoral conduit aussi parfois le pape à s’adresser directement aux familles pour revenir sur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer (232-238) ou pour mentionner les étapes par lesquelles un couple peut passer (217-222).
Le chapitre commence par un appel assez vigoureux à l’Église, afin qu’elle prenne davantage conscience de l’enjeu de la question de l’accompagnement des couples et qu’elle s’en donne les moyens (199-204). Il est question ici de « conversion missionnaire » (201, expression reprise du rapport final du synode, qui l’emprunte au pape François lui-même dans EG 25-33). François s’arrête ensuite sur la préparation au mariage (205-216), poursuit en soulevant la question relativement nouvelle de l’accompagnement dans les premières années de vie conjugale (217-230), puis prend soin de parler des passages difficiles (231-240), plaide pour ceux qui ont vécu des ruptures (241-246) et fait droit aux « situations complexes » (247-252). Le chapitre se termine sur la confrontation au décès du conjoint ou de proches (253-258).
On le voit, une place très importante est faite à la durée, aux étapes par lesquelles un couple pourra passer, avec un appel assez net à vivre le mariage comme une dynamique qui se déploie dans le temps et se renouvelle (219-220 et 232-238). Le pape s’appuie tout au long de ces développements sur la conviction profonde que la foi chrétienne offre des ressources extrêmement précieuses pour la vie conjugale. Le ton du chapitre est à la fois vigoureux et chaleureux, parvenant ainsi à conjoindre un regard lucide sur la réalité (les crises font partie de la vie des couples) avec une disposition pastorale fondamentalement marquée par l’accueil généreux des personnes.
L’appel adressé aux communautés chrétiennes à prendre soin des familles, notamment celles qui se fondent, qui en sont aux premières étapes ou qui sont marquées par des tensions ou des difficultés, sonne comme un programme très ambitieux. Il s’inscrit dans un mouvement, clairement repérable ces dernières décennies, qui invite à ce que de tels engagements soient portés non seulement par des spécialistes (202, 204, 232 et 238), mais, plus largement, par toute la communauté (206, 229, 243). Ce qui permet en retour que celle-ci soit nourrie de ce qui se partage dans l’accompagnement des couples (207).
Étienne Grieu et Jacques de Longeaux