Eglise et homosexualité
Les articles 2357, 2358 et 2359 sont regroupés sous le titre « chasteté et homosexualité ». Pourquoi ce titre ?
On notera avec intérêt que l’homosexualité est traitée à part, nettement distinguée des autres agissements sexuels regroupés sous le titre « offense à la chasteté » (luxure, masturbation, fornication, pornographie, prostitution, viol). Cela montre le désir des rédacteurs du CEC de considérer l’homosexualité dans sa spécificité, sans la réduire à un simple comportement déviant et peccamineux.
Dans l’article 2357, le CEC parle d’actes d’homosexualité plutôt que des homosexuels. Ce n’est donc pas les personnes que l’Eglise désapprouve mais les comportements ?
Le CEC, à l’art. 2358, distingue entre les personnes (« un nombre non négligeable d’hommes et de femmes »), leur orientation affectivo-sexuelle (les « tendances homosexuelles », appelées aussi « propension » ou « condition homosexuelle »), et les actes concrets dans lesquels ces tendances s’objectivent parfois. Le jugement moral porte à la fois sur les « actes » (qualifiés d’« intrinsèquement désordonnés » à l’art. 2357), sur la « propension » (qualifiées de « objectivement désordonnée » à l’art. 2358) et sur les personnes elles-mêmes, dans la mesure où elles peuvent maîtriser leurs actes, même si elles ne peuvent pas échapper à une « condition homosexuelle » qu’elles n’ont pas choisie.
Mais on comprend aisément que si les actes et les orientations peuvent être appréciées en tant que telles (« intrinsèquement » ou « objectivement »), en revanche les personnes doivent toujours être replacées dans le contexte de leur histoire singulière, de leur liberté propre et des choix qu’elles font. Et même si une personne se montre déficiente au plan moral à un moment donné de son histoire, on ne peut jamais la réduire à cela : une évolution, un progrès moral sont toujours à espérer et à rechercher (art. 2359).
Toujours à l’article 2357, on lit : « Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable ». A quoi l’Eglise appelle-t-elle ?
Certes, il peut exister d’autres « complémentarités » : l’amitié entre deux femmes ou entre deux hommes en est un exemple. La complémentarité entre les parents et leurs enfants en est un autre. On pourrait les multiplier. Mais toutes ces complémentarités ne sont pas identiques ni équivalentes. Dans le cas des actes homosexuels, même lorsqu’ils ont lieu au sein d’un couple homosexuel stable et aimant, l’Eglise affirme qu’ils ne « procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable ». Le mot important est « véritable » : même s’il est évident qu’il puisse exister une certaine expérience de complémentarité entre deux personnes de même sexe qui se désirent et veulent s’aimer durablement, il manquera toujours à leurs actes sexuels ce qui caractérise l’acte d’union d’un homme et d’une femme : le vécu charnel et existentiel de la différence et de la complémentarité des sexes. Sous ce regard, l’acte homosexuel est toujours « défectueux », au sens où il n’accomplit pas la plénitude de la rencontre des sexes masculin et féminin. Il ne s’agit pas donc d’un acte sexuel « véritable » au sens de « plénier ». On rejoint ici la notion de « donation personnelle totale », y compris au plan physique, mise en avant par Jean Paul II dans l’exhortation apostolique Familiaris consortio (n°11).
L’Eglise ne dit pas que ces actes homosexuels sont sans aucune valeur, ni aucune portée : elle ne se prononce pas sur ce point, sauf à les qualifier de « désordonnés ». Ici, le latin du texte original est meilleur : inordinatos, qu’il vaudrait mieux rendre par « non-ordonnés » plutôt que par « désordonnés ». L’idée centrale est que ces actes ne sont pas en harmonie avec le dessein créateur de Dieu.
L’article 2358 précise : « Ils doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste ». Pourquoi cette invitation est-elle si mal connue ?
Que dire à ceux qui accusent l’Eglise de « tendre la main aux homosexuels »?
Mais reconnaissons aussi que les communautés chrétiennes concrètes (diocèses, paroisses, mouvements, etc.) ont encore d’importants efforts à fournir pour que les personnes homosexuelles se sentent réellement accueillies « avec respect, compassion et délicatesse » et sans aucune « marque de discrimination injuste ».
L’article 2358 poursuit : « Ces personnes sont appelées (…) à unir au sacrifice de la Croix du Seigneur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer du fait de leur condition ». Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Ce qui est proposé aux personnes homosexuelles (« s’unir au sacrifice de la Croix du Seigneur »), est un moyen de transformer leur situation concrète, qu’elles ont à subir sans l’avoir voulue ou choisie (le CEC parle de leur « condition homosexuelle »), pour en faire un don joyeux et aimant de leur toute personne au Christ Seigneur, et avec le Christ à Dieu, pour le salut du monde. Mais il reste à concrétiser ce chemin de sanctification : c’est ici que le témoignage des personnes homosexuelles chrétiennes est indispensable.
Ce chemin de sanctification n’est pas réservé aux personnes homosexuelles : en réalité, il est proposé à tous les fidèles du Christ (cf. Prière eucharistique n°4 : « Afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes mais à Lui… »)
L’article 2359 appelle les personnes homosexuelles « à la chasteté ». N’est-ce pas utopique ?
En réalité, nous sommes faits pour nous donner, et pour nous donner totalement. Les personnes homosexuelles ont aussi ce désir de faire de leur vie un don. Parfois, elles pensent pouvoir trouver le ou la partenaire avec qui cela pourra se réaliser. La perspective d’enfanter ou d’adopter un enfant est souvent ressentie comme une concrétisation de ce désir de donner sa vie à d’autres, pour d’autres. Dans beaucoup de cas, les personnes homosexuelles réalisent leur désir de se donner à travers diverses formes d’engagement (social, politique, artistique, humanitaire, etc.) ou dans la consécration de leur vie. Tout cela est respectable, mais requiert aussi un discernement éthique et spirituel. Il faut toujours chercher à faire la vérité sur la signification profonde des conduites concrètes, sur leurs implications pour nous-mêmes, pour les autres et pour l’ensemble de la société. Le « bien » personnel doit être relativisé par le « bien commun ».
L’article 2359 invite les personnes homosexuelles à « se rapprocher (…) de la perfection chrétienne ». C’est-à-dire ?
Dans cette phrase, les rédacteurs du CEC ont placé deux adverbes très significatifs : « graduellement et résolument ». Le premier, « graduellement », signifie que le « chemin de la perfection » (sainte Thérèse d’Avila) ne se parcourt pas instantanément : il y a des avancées, il peut exister aussi des reculs ; il y a des moments de stagnation spirituelle, mais il y a aussi des percées fulgurantes (une conversion soudaine, une libération quasi-miraculeuse, etc.).
Le second, « résolument », indique que le chemin de la chasteté demande un engagement réel de la personne homosexuelle. Rien ne peut se faire si on décide par avance que rien ne pourra se faire ! De même, on se condamne d’avance à ne rien pouvoir changer si on affirme péremptoirement que la condition homosexuelle ne pose aucune difficulté aux personnes qui la vivent ni à l’ensemble de la société. Là encore, le réalisme est de rigueur.