Étienne Pernet (1824-1899) et Antoinette Fage (1824-1883)
Un duo d’aventuriers de la charité
Étienne, un franc-comtois, est le fils d’une sage-femme et d’un manœuvre agricole qui, obligé de travailler également dans les mines de fer, meurt à 39 ans, livrant sa famille à la misère. Chef de famille à 14 ans, le jeune garçon a déjà exprimé son appel à la prêtrise. Il obtient donc l’autorisation de suivre des études. Mais à 19 ans, pris de panique devant la grandeur du sacerdoce, il abandonne le grand séminaire de Besançon et devient précepteur dans un orphelinat puis répétiteur à domicile dans de riches familles. Monté à Paris en quête de travail, il va prier tous les jours à Notre-Dame des Victoires. C’est alors qu’un religieux le met en contact avec la fondatrice des Religieuses de l’Assomption, mère Marie-Eugénie de Jésus, qui l’envoie à Nîmes auprès du Père d’Alzon. Il deviendra un des premiers Assomptionnistes et est ordonné prêtre en 1858. Dès lors, il se partage entre Nîmes et Paris pour des tâches de professeur, surveillant, économe. Chargé à Nîmes d’un patronage, il est hanté par la misère morale des déracinés du monde rural (ce qu’il nomme « le mal de l’ouvrier ») mais peine à trouver sa mission.
De son côté, une parisienne de modeste condition, orpheline à 13 ans, infirme et d’une taille au dessous de la moyenne, Antoinette Fage, a trouvé dans la foi une force et une générosité qui ont transformé sa vie. Couturière, elle a réussi à devenir directrice d’un orphelinat pour des adolescentes qu’elle cherche à émanciper. C’est alors que le Père Pernet, chargé par sa Congrégation d’une mission d’accueil et d’écoute rue François 1er, l’entend en confession. Il pense aussitôt à elle pour son grand rêve de religieuses garde-malades à domicile. Antoinette résiste près d’un an jusqu’à ce que ses employeuses la renvoient pour incompatibilité d’opinion et qu’elle accepte alors librement la responsabilité de ce projet un peu fou.
Devenue Mère Marie de Jésus, cette battante va installer les Petites Sœurs de l’Assomption rue Violet, dans un quartier de Grenelle (15e), y former des novices, agrandir le bâtiment (resté la maison-mère) et même continuer à coudre ; les sœurs garde-malades soignant gratuitement et mangeant parfois à la soupe populaire.
Quant au Père Pernet, engagé comme aumônier militaire pendant la guerre contre la Prusse puis pendant la Commune, il reprend, la paix retrouvée, ses activités de conseiller spirituel de la congrégation (approuvée par Rome le 2 avril 1897). En un 19ème siècle agité par la lutte des classes, il associe, dès l’origine, des laïcs de tous milieux à son œuvre. À son décès le lundi de Pâques 1899, jour anniversaire de son ordination sacerdotale, des communautés sont déjà implantées en Angleterre, en Irlande et aux États-Unis. Déclaré Vénérable par Jean-Paul II le 14 mai 1983, le Père Pernet donnait aux Sœurs ce conseil : « Peu de paroles, beaucoup d’actes » !
Chantal Joly, avec la contribution de Sœur Madeleine Remond, archiviste des PSA.