Ecologie : chrétiens, soyons semeurs de changement
L’invitation du Pape François à la conversion dans son encyclique Laudato Si’ a été largement applaudie et relayée lors des 2èmes Assises Chrétiennes de l’Écologie (Saint-Étienne, 28-30 août 2015). L’occasion pour des groupes et des communautés religieuses engagés récemment ou depuis longtemps sur ces questions de dialoguer. Par Chantal Joly.
« Chrétiens Changeons ». C’est le nom en forme d’appel à la mobilisation choisi par de jeunes familles de Clermont-Ferrand soutenues par leur évêque Mgr Hippolyte Simon. Se présentant au cours du Forum « Créer un élan local pour l’écologie intégrale » qu’il co-animait, le vigneron Jean-Baptiste Gougis a fait référence à son saint patron dans la mesure où lui-même s’est converti à l’écologie en recherchant « une cohérence entre son ré-enracinement à un terroir qui a de la valeur et son envie de dimensions spirituelles ». François-Xavier Huard, ancien maraîcher, et son épouse Amélie ont raconté s’être mis en route après des recherches autour de « l’alimentation saine après la naissance de leur premier enfant » et la découverte du blog de Patrice de Plunkett. Les deux couples -qui ne se connaissaient pas avant- ont initié une démarche en trois temps : comprendre (via la proposition de conférences et de dîners), changer (des rencontres régulières fédèrent une communauté soucieuse d’échanger et de se ressourcer) et agir (divers cercles proposent événements et engagements, créent des contacts avec des « alliés » tels que les aumôneries et veillent à la vie fraternelle). « Nous voulons casser les clivages. L’écologie doit cesser d’être un sujet qui nous enferme dans une case. Le relationnel sera au cœur de tout », insistent les jeunes Auvergnats. Ils ajoutent : « Nous avons envie de nous former, de prier ensemble ».
Retraites écologiques. Ce forum était proposé par le père jésuite Éric Charmetant, passionné d’astronomie, qui enseigne notamment la philosophie de la nature au Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris, et Alain Demairé, ingénieur aéronautique qui a rédigé un mémoire en théologie sur « Église et Écologie ». Tous deux animent la retraite « NDWEB-Écologie » sur le site des e-retraites Notre-Dame du Web fondé par les Sœurs du Cénacle et les Jésuites : 4 rendez-vous sur un mois pour « ajuster vie spirituelle et souci de la Création ». Les autres retraites « de terrain » ont été accueillies en 2012, au Mas de Sablières, la maison natale de Thérèse Couderc en Ardèche et en 2014, au monastère « La Demeure Notre-Père » à Sanilhac également en Ardèche, à destination des 20-28 ans, ainsi qu’à Loisy au Centre spirituel diocésain de l’Oise. Le programme a consisté en des exercices corporels (sur les cinq sens, des promenades ou des travaux agricoles) et des temps de prière personnelle ou communautaire à partir de textes bibliques ou de « récits de terre »… « Il y a toujours une conversion de l’intelligence à travailler, car nous avons quand même pas mal d’obstacles dans la tête. Nous sommes des semeurs. Ce qui se passe dans le cœur de chacun ne nous appartient pas», a commenté le Père Charmetant. Durant l’été 2016 seront proposées une session au Centre spirituel Saint-Hugues de Biviers (38) autour de l’encyclique « Laudato Si’ » le matin et de temps de prière l’après-midi ainsi qu’une nouvelle retraite écologique au centre spirituel du diocèse de Beauvais, à Loisy.
Les Sœurs Missionnaires des Campagnes, trop discrètes, n’ont pas animé de forum mais elles auraient pu. En pointe depuis longtemps dans le domaine de la « sobriété heureuse » dont il fut beaucoup question lors des Assises, elles constatent que certaines de leurs pratiques telles que la confection de compost, la culture de potagers ou l’élevage de poules « redeviennent à la mode ». Depuis plusieurs années déjà, la Communion Laïcs-Frères-Sœurs des Campagnes a établi une charte qui « donne des orientations simples, stimulantes ; part de versets de la Bible et fait le lien avec la vie ». Son titre ? « Que fais-tu de la terre, que fais-tu de ton frère » ? Cette année, en mai, une journée « Nature et Spiritualité » a été organisée au prieuré de Lumigny, en Seine-et-Marne, centrée sur Contemplation-Prière… et fabrication d’abris pour insectes. Elle a rassemblé des personnes d’horizons divers (familles, handicapées). Le prieuré va accueillir par ailleurs trois soirées sur Laudate Si’. Dans l’Orne, un groupe a également vécu un tel week-end avec au programme marche, méditation et visite des Maisons du Paysage et de la Rivière. Sœur Sylvie, présente à Saint-Étienne, espère davantage de mise en commun des expériences vécues : « Il faut qu’on arrive à fédérer nos outils pour ce soutenir. C’est précieux en rural !»
« Les courants écologiques au sein du christianisme. Y a-t-il une écologie chrétienne ? » Image plurielle et pleine de promesses que ce forum diffusé en direct sur RCF le 28 août ! Car aux côtés d’Henri Pérouze, 69 ans, membre de l’association « Chrétiens et Pic de Pétrole » et Damien Gangloff, 41 ans, diplômé en biologie, président-fondateur d’une des plus anciennes organisations chrétiennes pour l’écologie CORE, avait pris place la relève : Gaultier Bès de Berc, 27 ans, enseignant, co-fondateur des Veilleurs, co-auteur de la revue Limites ; Fabien Revol, 36 ans, théologien, titulaire de la récente Chaire Jean Bastaire « Pour une vision chrétienne de l’Écologie intégrale » et Gwendal Rozier, 24 ans, co-auteur d’un manifeste « Changer le monde depuis sa chambre ».
Changer le Monde ? « Je ne vais pas le changer et encore moins le sauver mais tenter seulement d’avoir une influence la plus positive possible. […] Simplifions nos existences, nos besoins. […] Faisons notre maximum dans notre paroisse, dans notre commune… », a déclaré Gaultier Bès. Tandis qu’Henri Pérouze prônait « la rupture, voir la révolte envers l’ordre établi » en regrettant qu’« une religion d’amour tolère des injustices criantes ». Écologie, art de vivre individuel ou militantisme collectif pour changer de système; les frontières ne sont pas si tranchées. Ainsi Gaultier Bès plaide pour être « aux côtés de nos amis écologistes dans leurs combats en leur apportant une confiance en l’être humain ». Damien Gangloff l’a rappelé : « Le chrétien ne fait pas que gérer une crise, il prépare le Royaume ».
Des initiatives dans les diocèses
Lyon. Le cardinal Philippe Barbarin a évoqué le projet d’un délégué épiscopal à l’écologie « qui aura une équipe autour de lui » et annoncé que la Session de rentrée des prêtres, les 7 et 8/09, aura pour thème : « L’écologie dans une perspective catholique ».
Valence. Le groupe Oeko-Logia, accueilli au Monastère des Dominicaines de Taulignan, prépare pour 2016 deux sessions : l’une en février « L’écologie dans la vie et la prédication de l’Église » à destination des évêques, prêtres et diacres ; l’autre en mai « Hildegarde de Bingen, prophète de l’écologie ? ». Une Journée de prière pour la sauvegarde de la Création est également programmée le 26 septembre.
Orléans. Le groupe œcuménique « Chrétiens et Écologie dans le Loiret » organise sa 8ème Journée de la Création. Portée chaque année par une communauté locale différente, elle est prévue le 3 octobre 2015 avec l’association « Partage » au Pont de Pierre à Sainte-Geneviève-des-Bois (45). Au programme : visites-découvertes (maison en paille, cidrerie, balade « Plantes sauvages domestiques »), pique-nique partagé, activités pour les enfants, temps de réflexion-partage sur l’encyclique et célébration œcuménique.