Marthe Robin, une vie inutile et absurde ?
Un dossier présentant une guérison miraculeuse obtenue par l’intercession de Marthe Robin (1902-1981) a été déposé à Rome. Regard du P. Bernard Peyrous, postulateur de la cause de béatification, sur son témoignage d’écoute et d’attention aux autres pendant les 53 années qu’elle passa alitée. Par Florence de Maistre.
Qu’est-ce qui caractérise la figure de Marthe Robin ?
C’est une femme très simple, d’origine paysanne, gravement handicapée, qui depuis sa chambre a fondé les Foyers de charité [communautés de baptisés, dont la mission principale est l’animation de retraites spirituelles. On compte 76 Foyers de charité à travers le monde, dont 12 en France métropolitaine]. Précurseur de Vatican II, elle a reçu plus de 100 000 personnes en entretien dans sa chambre. C’est une femme qui a eu une influence énorme, qui a donné sa vie pour le renouvellement de l’Église. Je vois en elle la sainte patronne de la Nouvelle Évangélisation.
Comment peut-elle toucher, aujourd’hui, les personnes fragiles, malades, en fin de vie ?
C’est le plus important. Marthe Robin a eu une vie humaine perdue. Malade dès l’âge de 6 ans, grabataire à 18 ans, elle a passé 53 ans dans son lit, souffrant affreusement d’une encéphalite qu’à l’époque on ne pouvait ni soigner, ni soulager. Elle représente ce que le monde actuel rejette : aujourd’hui l’euthanasie aurait sans doute été proposée. Or son évolution spirituelle, puisqu’il s’agit bien de ça, liée à la découverte de la Passion du Christ et de son amour donné jusqu’au bout provoque en elle un véritable retournement. À partir d’une vie inutile, elle devient l’une des femmes les plus influentes en France. Elle incarne parfaitement le Magnificat : les pauvres, les inutiles, ceux qui n’ont pas de place dans la société sont bénis par Dieu. Son témoignage est extrêmement fort. Il triomphe de la faiblesse. Le chemin de Marthe Robin montre qu’il n’y a pas d’explication à la vie humaine en dehors du Christ. C’est lui qui apporte une lumière qui transforme toute situation. Au nom de la vie donnée par le Christ : il y a toujours une espérance, aucune vie n’est perdue. Marthe Robin en est une démonstration aveuglante.
Quelle parole particulière retenez-vous d’elle ?
Marthe Robin a beaucoup parlé, elle a eu de nombreuses conversations*. Mais ce qui s’exprime d’abord chez elle, c’est un sourire de bonté, d’affection, de bienveillance. Ce sourire d’amitié, même si on ne le voyait pas, est le plus frappant chez elle, avec l’écoute et l’attention aux autres. Dans le livre « Ce que Marthe leur a dit », nous avons sélectionné des paroles, pour la majorité publiées pour la première fois, extraites de ses conversations, où elle est le plus elle-même. Comme ce n’est pas un récit, le lecteur peut choisir de lire tel ou tel passage, comme s’il conversait directement avec Marthe. Nous avons souhaité la rendre familière à tout un chacun. On ne peut nier sa vie mystique tellement forte, mais on doit respecter aussi sa discrétion et il y a certaines périodes où l’on ne sait rien sur les phénomènes extraordinaires qu’elle vivait. Nous avons effectué un tri important pour choisir les échanges qui permettent de la voir telle qu’elle était, très humaine, dans son ordinaire. Elle incarne parfaitement le verbe de Péguy, « le spirituel est devenu charnel » : dans son lit, elle reçoit à la ferme et se rend extrêmement présente aux gens. Tous les extraits proposés dans le livre me touchent, ce serait vraiment difficile d’en choisir un.
Qu’est-ce que la reconnaissance de l’héroïcité de ses vertus, en novembre 2014, dit de la vie de l’Église en France ?
Les dépôts de causes de béatifications françaises ont été très nombreux au XIXe siècle et très faibles au XXe siècle. Tout à coup arrive à Rome toute une saisine de causes : Robert Schuman, Edmond Michelet, Claire de Castelbajac, le P. Henri Caffarel, Jérôme Lejeune, Marthe Robin, et bien d’autres encore. Ces dossiers sont sérieux et bien menés. Nous risquons de connaître une série de déclarations d’héroïcité des vertus et de béatifications ! La France de la fin du XXe siècle connaît, en temps de crise, une sainteté très présente. Or les saints sont des fondateurs, des pères et des mères, un espoir des temps nouveaux. L’Église nous montre sa capacité à engendrer des saints, capables de porter du fruit. La vie de Marthe Robin du point de vue humain est une absurdité complète : mais son influence est extrêmement féconde. Elle a d’ailleurs connu la plupart de ces personnes mortes en réputation de sainteté. Elle était un carrefour et un carrefour de saints !
A lire
« Ce que Marthe leur a dit. Conversations inédites »
Marie-Thérèse Gille / P. Bernard Peyrous
Éd. de l’Emmanuel / Éd. Foyer de Charité