Benoît XVI : les relations avec le judaïsme
Depuis toujours, comme théologien, le Cardinal Ratzinger s’est intéressé au judaïsme. On citera en particulier sa préface, comme Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, du document publié en 2001 par la Commission biblique et intitulé « Le Peuple juif et ses saintes écritures dans la Bible chrétienne ». C’est donc tout naturellement que le nouveau pape s’est inscrit dans la continuité de l’œuvre si importante de son prédécesseur dans ce domaine.
Dès le surlendemain de son élection le 22 avril 2005, le pape Benoit XVI adressait un message au Grand Rabbin de Rome dans lequel il affirmait sa ferme intention de « poursuivre le dialogue et renforcer la collaboration avec les fils et les filles du peuple juif ». Dès le mois de juin 2005, la première rencontre du nouveau pape avec des représentants d’une religion non-chrétienne sera avec une délégation de l‘International Jewish Committee for Interreligious Consultations.
Cet engagement, il le réaffirmera lors de sa visite à la synagogue de Cologne en août 2005 où il fit un important discours dans lequel il invitait chacun des partenaires à poursuivre le dialogue de façon sincère et confiante permettant ainsi de « parvenir à une interprétation commune des questions historiques encore discutées et, surtout, de faire des pas en avant dans l’évaluation, du point de vue théologique, du rapport entre judaïsme et christianisme. ». Dans la lettre adressée au cardinal Walter Kasper, le 26 octobre 2005, à l’occasion du 40° anniversaire de la déclaration Nostra Aetate du Concile Vatican II, il affirmait, notamment, que le « dialogue entre juifs et chrétiens doit continuer à enrichir et à renforcer les liens d’amitié qui se sont développés » et, en regardant vers l’avenir, il exprimait son espoir que « aussi bien dans le dialogue théologique que dans la collaboration et les contacts quotidiens, les chrétiens et les juifs donnent un témoignage toujours plus convaincant du Dieu unique et de ses commandements, de la sainteté de la vie, de la promotion de la dignité humaine, des droits de la famille et de la nécessité de construire un monde de justice, de réconciliation et de paix pour les générations futures. »
En septembre 2005, au Vatican, Benoit XVI a reçu les deux Grands Rabbins d’Israël Shlomo Moshe Amar et Yona Metzger et, en janvier 2006, le Grand Rabbin de Rome Riccardo Di Segni. En recevant ce dernier il affirmait avec force : « L’Eglise catholique est proche de vous et est une amie. Oui, nous vous aimons, et nous ne pouvons pas ne pas vous aimer, à cause des Pères : par eux, vous nous êtes des frères très chers et préférés. »
Ariel Sharon, Premier ministre d’Israël, lui avait écrit dès après son élection et l’avait invité à venir en Israël. Le Président de l’Etat d’Israël, Moshe Katsav, lui a rendu une visite d’Etat en novembre 2005. Shimon Peres, en septembre, en septembre 2007, à son tour, est venu à Castel Gandolfo. Il a renouvelé l’invitation faite au pape à venir en Israël. Benoit XVI a également reçu Ehoud Olmer, en décembre 2006.
Lors de ses voyages à l’étranger, Benoit XVI n’a pas manqué de poser des gestes à l’intention de la communauté juive ou de la rencontrer aussi souvent que possible.
Le 28 mai 2006, il s’est rendu au Camp d’Auschwitz-Birkenau. En Autriche, en septembre 2007, il est allé prier quelques instants à la Juden Platz de Vienne pour rendre hommage aux victimes de la Shoah. A de multiples occasions, il n’a pas manqué de dénoncer et de condamner avec force toute forme d’antisémitisme.
Lors de son voyage aux Etats-Unis, en juin 2008, Benoit XVI a adressé un message à la communauté juive qui fêtait Pessah (Pâque juive) et s’est rendu dans deux synagogues à Washington et New-York.
Le 12 septembre 2008, en France, Benoit XVI a reçu les représentants de la communauté juive à la nonciature apostolique. A cette occasion, il a rappelé que « par sa nature même, l’Eglise catholique désire respecter l’Alliance conclue par le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. »
En 2009, lors de « l’affaire Williamson », Benoit XVI a réaffirmé son attachement au peuple juif et sa condamnation de l’antisémitisme. En effet, le 21 janvier 2009, Benoit XVI a signé le décret levant l’excommunication de quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988, décision rendue publique le 24 janvier. Entre-temps, le 22 janvier, la télévision suédoise révèle des propos négationnistes tenus par Mgr Williamson, l’un des quatre évêques, lors d’une interview enregistrée quelques semaines plus tôt.
Le mercredi suivant, lors de l’audience générale, le pape a expliqué sa décision de lever l’excommunication des évêques de la fraternité Saint Pie X et, en même temps, a réaffirmé son attachement au peuple juif « La Shoah doit être pour tout un avertissement. On ne saurait l’oublier, la nier ou la redimensionner, d’autant que la violence contre un seul être humain est une violence contre l’humanité entière. (…)Renouvelant avec affection ma totale et indiscutable solidarité envers nos frères destinataires de la Première Alliance, j’espère que le souvenir de la Shoah pousse l’humanité à méditer sur l’imprévisible puissance du mal lorsqu’il a conquis le cœur de l’homme…La Shoah enseigne à tous, et aux jeunes en particulier, que seul une patiente poursuite de l’écoute et du dialogue, de l’amour et du pardon, peut conduire peuples, cultures et religions vers la fraternité et la paix dans la vérité que nous attendons tous ».
Finalement, à l’issue d’une audience à Rome, le 12 mars 2009, le Rabbin David Rosen, directeur international des affaires interreligieuses du Comité juif américain (American Jewish Committee), a observé qu’il n’y avait « aucun compromis de la part du Saint-Siège avec l’antisémitisme et la négation de l’Holocauste. (…) La chose est résolue ».
Cette même année, du 8 au 15 mai, Benoit XVI a effectué un pèlerinage en Terre Sainte. Lors de sa visite au mémorial de la Shoah, Yad Vashem, « lieu vénéré », il déclarait « En regardant les visages qui se reflètent à la surface de la nappe d’eau immobile à l’intérieur de ce mémorial, on ne peut pas ne pas se rappeler que chacun d’eux porte un nom. (…) Tandis que nous sommes ici, en silence, leur cri résonne encore dans nos cœurs. C’est cri élevé contre tout acte d’injustice et de violence. C’est le reproche continuel du sang versé. »
Lors de son pontificat, Benoit XVI a porté une attention particulière à la connaissance juive du christianisme, tout particulièrement à travers son livre Jésus de Nazareth, dans lequel il a citeé abondement le rabbin Jacob Neusser. Tout en se réjouissant des pas accomplis depuis le Concile Vatican II, il soulignait que juifs et chrétiens « demeurent souvent ignorants les uns des autres. C’est à nous qu’il revient, en réponse à l’appel de Dieu, de travailler afin que demeure toujours ouvert l’espace du dialogue, du respect réciproque, de la croissance dans l’amitié, du témoignage commun face aux défis de notre temps. » Pour Benoit XVI la relation entre juifs et chrétiens est une relation de fraternité en devenir : « Chers amis, à cause de ce qui nous unit et à cause de ce qui nous sépare, nous avons une fraternité à fortifier et à vivre. Et nous savons que les liens de la fraternité sont une invitation continuelle à se connaitre mieux et à se respecter ».
Après sa démission, conscient du travail théologique qui reste à faire pour écrire un traité De Judaeos, dans un document qui sera public, il communique ses réflexions à la suite du texte « Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » de 2015. Il approfondit le débat et l’analyse sur deux affirmations essentielles, le rejet de la théologie de la substitution, et le caractère irrévocable de l’Alliance établie par Dieu en faveur d’Israël. Ce texte, qui a suscité débats et réactions, provoquant même des précisions apportées par le pape émérite, souligne combien la réflexion demeure ouverte. A la suite de l’interprétation de son texte, dont il regrettera qu’il suscite une « insinuation absolument fausse » le pape émérite déclarera que l’échange avec les juifs ne relève donc pas de la « mission » à proprement parler, mais d’un « dialogue sur la compréhension de Jésus de Nazareth ».