Le pape François et les relations avec le judaïsme
Le pape François poursuit et approfondit le dialogue entre l’Église catholique et le judaïsme, s’inscrivant dans la lignée de ses prédécesseurs depuis Vatican II malgré un contexte géopolitique complexe. Nous vous proposons de découvrir divers éclairages dans cet article.


Comment le pape François a-t-il poursuivi ce chemin de dialogue entre Juifs et Chrétiens ? « Je suis bien conscient que nous avons derrière nous dix-neuf siècles d’antijudaïsme chrétien et que quelques décennies de dialogue sont bien peu de choses en comparaison. Cependant, ces derniers temps, beaucoup de choses ont changé et d’autres vont changer. Il faut travailler avec plus d’intensité pour demander pardon et pour réparer les dommages occasionnés par l’incompréhension. » [1]
On connait les liens forts de Mgr Bergoglio avec la communauté juive et tout particulièrement son amitié avec le Grand rabbin Skorka. On peut citer leur livre d’entretien : « Sur la terre comme au ciel [2] ».
Dès son élection, dans son message à la communauté juive de Rome, le Pape François s’inscrit dans la ligne de ses prédécesseurs : « J’espère vivement pouvoir contribuer au progrès que les relations entre juifs et catholiques ont connu à partir du concile Vatican II, dans un esprit de collaboration rénovée et au service d’un monde qui puisse être toujours plus en harmonie avec la volonté du Créateur [3] ».
Dans son Exhortation apostolique « La joie de l’Évangile » parue fin novembre 2013, les principes acquis depuis Vatican II sont réaffirmés : Le caractère particulier du lien entre judaïsme et christianisme, notre foi commune au Dieu Unique, la part importante des Écritures que nous partageons avec une « riche complémentarité qui nous permet de lire ensemble les textes de la Bible hébraïque et de nous aider mutuellement à approfondir les richesses de la Parole [4]. » La pérennité de l’alliance est réaffirmée.
Il va infléchir la relation avec le monde juif dans la ligne générale de son pontificat que représente le souci des pauvres et des « périphéries » ainsi « en plus du dialogue, il est aussi important de trouver des voies sur lesquelles juifs et chrétiens puissent coopérer dans la construction d’un monde plus juste et fraternel. À cet égard, je rappelle tout particulièrement nos efforts communs pour servir les pauvres, les personnes marginalisées et celles qui souffrent [5]. »
Il manifeste également le souci de la transmission : « Il est important que nous nous appliquions à transmettre aux jeunes générations l’héritage de notre connaissance réciproque, de notre estime mutuelle et de notre amitié qui se sont développées grâce à l’engagement d’associations. » [6].
Dans la ligne de ses prédécesseurs, il réaffirme l’incompatibilité entre antisémitisme et christianisme : « C’est une contradiction qu’un chrétien soit antisémite. Ses racines sont un peu juives. Un chrétien ne peut pas être antisémite ! Que l’antisémitisme soit banni du cœur et de la vie de tout homme et de toute femme ! [7] »
Lors de 50 ans de la déclaration N.A. il reviendra sur cette question : « Le Concile, avec la déclaration Nostra Aetate, a tracé la route : « oui » à la redécouverte des racines juives du christianisme ; « non » à toute forme d’antisémitisme et condamnation de toute injure, discrimination et persécution qui en découlent. »
Quelques années plus tard, il insistera sur le danger que représente l’indifférence face à ce fléau : « Je ne me lasse pas de répéter que l’indifférence est un virus dangereusement contagieux à notre époque, un moment où nous sommes de plus en plus connectés [8]. »
D’autre part, il déclare « Attaquer les Juifs ou Israël relève de l’antisémitisme. » (Allocution du 29 octobre 2015.)
Il évoquera sa visite au camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau, le 29 juillet 2016, dans le cadre des JMJ de Cracovie en Pologne. « Je me souviens du rugissement du silence assourdissant que j’ai ressenti il y a deux ans à Auschwitz-Birkenau : un silence troublant qui ne laisse de l’espace que pour les larmes, pour la prière et pour la demande du pardon.[9]»
Des gestes de fraternité
Parmi les gestes concrets, le Pape François, trente ans après le Pape Jean-Paul II, se rend à la synagogue de Rome et comme ses prédécesseurs, il pèlerinera en Israël. Là, comme Saint-Jean-Paul II et Benoît XVI, il se rend à Yad Vashem, puis au Kotel. De plus, il ajoute un temps de recueillement sur la tombe de Théodore Herzl. On notera également la nomination, en juin 2017, de deux rabbins à l’Académie Pontificale de la Vie : le rabbin Steinberg, directeur de l’Unité d’éthique médicale de l’hôpital Shaaré Tsedek de Jérusalem, et le rabbin Fernando Szlajen, directeur du centre culturel de la communauté juive AMIA à Buenos Aires.
Ainsi, on peut constater que le Pape François se situe dans la continuité de ses prédécesseurs depuis Vatican II en englobant cette particularité de la relation entre juifs et chrétiens dans son souci de l’ensemble de l’humanité dans ses membres souffrants et dans l‘impulsion qu’il veut donner à la réalisation d’attitudes concrètes.
Lors de la remise par une délégation de rabbins américains et européens de la déclaration Entre Rome et Jérusalem, le Pape relève deux points de celle-ci : « Un autre passage reconnaît que « en dépit de profondes différences théologiques, les catholiques et les juifs partagent des croyances communes » et « l’affirmation selon laquelle les religions doivent utiliser le comportement moral et l’éducation religieuse — et non la guerre, la coercition ou la pression sociale — pour exercer leur capacité à influencer et à inspirer. Ceci est très important [10]. »
En 2022, le Pape François préface l’anthologie des textes de saint Jean-Paul II ayant trait aux relations avec le judaïsme. Cet ouvrage, publié par le Service National pour les Relations avec le judaïsme de la Conférence des évêques de France, intitulé : « Une fraternité renouvelée », est une première mondiale. Il rassemble les homélies, les discours, messages et entretiens de saint Jean-Paul II durant les 27 ans de son pontificat.
François, dans cette préface, précise qu’« aucun retour en arrière n’est envisageable suite à ce qui a été réalisé (…) d’autant plus que « Nostra Aetate (n°4) a donné des directives claires qui restent d’une incontestable validité ». « C’est pourquoi, explique-t-il, j’ai suivi ses pas dans le dialogue judéo-catholique ». Avant de conclure « Ensemble, nous nous tenons devant Dieu pour rendre témoignage de son immense amour et de sa miséricorde ».[11]
Suite aux attaques terroristes du Hamas du 7 octobre 2023, le pape François, lors de l’audience du mercredi suivant, a réclamé la « libération immédiate de tous les otages ».
Dans cette même période, différentes déclarations et écrits du pape ont suscité, chez des responsables de communautés juives, un certain émoi.
Cependant, avec constance, lors des audiences du mercredi et des angelus, François, tout en appelant au cessez-le-feu, évoque régulièrement le sort des otages et demande leur libération. Il a reçu au Vatican des familles d’otages dont, sur proposition de la CEF, des proches d’Ofer Chalderon, franco-israélien.
P. Christophe Le Sourt,
délégué national pour les relations avec le judaïsme de la Conférence des évêques de France
et toute l’équipe du service
[1] Préface de La Bible de l’Amitié. Citations de la Tora/Pentateuque commentés par des juifs et des chrétiens, 2019
[2] Robert Laffont (16 mai 2013)
[3] Lettre adressée au chef de la communauté hébraïque de Rome, mars 2013
[4] Exhortation « Evangelii Gaudium » novembre 2013
[5] Discours à l’« American Jewish Committee », AJC), 13 février 2014, Vatican.
[6] Discours à l’« American Jewish Committee », AJC), 13 février 2014, Vatican
[7] Discours à la communauté juive de Rome, 11 octobre 2013
[8] Discours à la conférence de l’OCSE 29 janvier 2018
[9] Idem
[10] Discours du pape François aux représentants de la conférence des rabbins européens, du conseil rabbinique d’Amérique et de la commission du grand rabbinat d’Israël, jeudi 31 août 2017, Vatican
[11] Jean-Paul II, une fraternité renouvelée, l’Eglise et le judaïsme, Bayard, Cerf, Mame, 2022, p. 8,9,10
Événements majeurs pour le pape François et les relations avec le judaïsme
Les liens d’amitié entre le rabbin Skorka et le pape François
Le pape François et le rabbin Abraham Skorka entretiennent une amitié profonde et de longue date, qui remonte à l’époque où François était archevêque de Buenos Aires. Il a accompagné le pape François lors de son voyage en Terre sainte en mai 2014. Cette amitié exceptionnelle entre le pape François et le rabbin Skorka illustre la possibilité d’un dialogue interreligieux profond et sincère, basé sur le respect mutuel et la compréhension.

Le voyage du pape François en Terre Sainte
Ce voyage de trois jours, qui s’est déroulé du 24 au 26 mai 2014, avait pour but de promouvoir le dialogue interreligieux et l’œcuménisme. Le rabbin Skorka, un vieil ami du pape François de Buenos Aires, faisait partie de la délégation officielle aux côtés d’un professeur musulman, Omar Abboud. Leur présence était hautement symbolique et visait à mettre en avant l’importance du dialogue entre les trois grandes religions monothéistes. Un moment particulièrement émouvant a eu lieu lorsque le pape François a embrassé fraternellement le rabbin Skorka et le professeur Abboud devant le Mur des Lamentations à Jérusalem.

Le pape François en visite silencieuse à Auschwitz-Birkenau
Le pape François s’est rendu à Auschwitz-Birkenau le 29 juillet 2016, dans le cadre des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) qui se déroulaient à Cracovie. Cette visite a fait de lui le troisième pape à visiter ce camp d’extermination nazi, après Jean-Paul II en 1979 et Benoît XVI en 2006. Au cours de sa visite, le pape a rencontré douze survivants du camp, dont une personne âgée de 101 ans, a prié dans la cellule de saint Maximilien Kolbe, un prêtre qui a sacrifié sa vie pour sauver celle d’un père de famille, a allumé un cierge au pied du Mur de la mort, lieu d’exécutions sommaires et a écrit dans le livre d’or du Mémorial : « Seigneur, prend pitié de ton peuple. Seigneur, pardon pour tant de cruauté ». Le pape a choisi de ne pas prononcer de discours, préférant le recueillement silencieux, conformément au souhait exprimé par le grand rabbin de Pologne, Michael Schudrich. Cette visite s’inscrivait dans une journée consacrée à « la rencontre avec la douleur et la souffrance sous ses différents aspects », selon les mots du porte-parole du Vatican.

sur le même sujet

La pastorale du pape François
Depuis son élection en mars 2013, le pape François a mis en place des chantiers théologiques et pastoraux : écologie, écoute des pauvres, périphérie au cœur de l’Église, dialogue avec les autres religions. Retour sur ces grands chantiers[...]
sur le site du Vatican
ça peut également vous intéresser
