Les catholiques, artisans de paix en Bosnie-Herzégovine
A quelques jours du voyage apostolique du Pape François, le 6 juin 2015, à Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine, témoignage du P. Ivan Nujic, ofm, aumônier de la Communauté catholique francophone. « La paix soit avec vous » est le thème de la visite papale.
Dans quel contexte politique, économique et sociétal cette visite a-t-elle lieu ?
La Bosnie-Herzégovine est un Etat très handicapé, né après un cessez-le-feu suivi des négociations internationales en décembre 1995, à la fin d’une guerre civile très cruelle, où plus de 100.000 personnes ont été tuées. Maintenant, 20 ans plus tard, on voit au pouvoir la même idéologie qui a provoqué la guerre : un nationalisme nourri de haine, de peur et de préjugés. La République est à son extrême : Nous voyons ses institutions se dissoudre de plus en plus. Les autorités serbes de Banja Luka veulent, autant que possible, renforcer leur autonomie politique et diminuer le rôle des institutions communes. Les Croates, eux aussi, se renferment dans leur camp, ce qui pousse les partis bosno-musulmans à se tourner vers la Turquie et les pays arabes. Notre économie est mourante et privée de stratégie. Les entreprises publiques sont contrôlées par les politiciens au pouvoir, ce qui leur permet de contrôler les médias et de s’assurer un nouveau mandat aux prochaines élections, en octobre 2016.
C’est la 3ème visite d’un Pape en Bosnie-Herzégovine. Quelle est la popularité du Pape François ? Qu’attendez-vous de ce voyage ?
Les habitants de la Bosnie-Herzégovine ont beaucoup aimé le Pape Jean-Paul II à cause de sa simplicité et son engagement pour la paix en Bosnie. De notre point de vue, le Pape François lui ressemble beaucoup : il est reconnu comme un ami des petits et des pauvres, si bien que beaucoup de nos amis et voisins musulmans croient qu’il est franciscain ! Le pape vient pour renforcer les catholiques dans leur foi, aussi pour soutenir le dialogue oecuménique et interreligieux et, enfin, pour encourager tous les citoyens de Bosnie-Herzégovine à veiller sur la paix dans leur pays. Les catholiques ont une très grande responsabilité pour la stabilité de cette société, qui est très vulnérable mais qui, tout simplement, doit réussir. La réussite de la paix en Bosnie prouve que les chrétiens et les musulmans peuvent vivre ensemble aussi en ailleurs Europe, où il y a assez de place pour tous les enfants de Dieu.
Les catholiques sont minoritaires. Comment décririez-vous les relations avec les autres religions ?
C’est très différent d’une région à l’autre. Parfois, ces relations sont inexistantes, comme au Nord du pays, d’où les catholiques ont été expulsés il y a 20 ans, ou bien dans la région de Medjugorje, où il n’y a que des catholiques. Les peuples de ce pays ont toujours su garder un esprit de convivialité et de bon voisinage. Au niveau officiel, les partis politiques continuent à empoisonner l’espace public en produisant la méfiance envers les autres et en créant un espace public exclusif. Puis, les chefs des communautés religieuses se retrouvent régulièrement dans le cadre d’un Conseil mais sans un résultat important. Par contre, les initiatives civiles montrent que, au cœur de la société, il a toujours existé un esprit d’ouverture et de sympathie pour l’autre. De nombreux non-catholiques vont chanter à la grande chorale pendant la messe avec le Pape !
Quel est le visage de la communauté francophone que vous accompagnez à l’église Saint-Antoine de Sarajevo ?
Nous sommes une petite communauté, composée de quelques jeunes familles de diplomates français et Français expatriés ou embauchés à Sarajevo, auxquels se joignent nos amis francophones Italiens, Slovènes, Grecs et autres – une trentaine de personnes en tout. Comme les diplomates ne restent pas longtemps à un poste, notre communauté change de visage assez souvent mais nous n’avons pas peur. Cette année, le jour de Pâques, nous avons eu une grande joie : un double baptême.
Un franciscain formé et ordonné à Strasbourg
Membre de la Province franciscaine (OFM) de Bosnie, enseignant au Lycée classique et séminaire mineur franciscains de Visoko (à 30 km au Nord de Sarajevo), le Père Ivan Nujic, 44 ans, a fait une partie de ses études de théologie à Strasbourg. Il y a été ordonné prêtre en 1998. « Cette expérience m’a enrichi pour toute la vie, se souvient-il. Sarajevo, comme Strasbourg, est une ville très cosmopolite et ouverte mais qui tient à garder ses anciennes traditions. Bien que peu nombreux, les catholiques francophones, comme les locaux, sont très présents dans la vie sociale et culturelle de la ville ».
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En ce jour où je commence mon voyage au Sri Lanka et aux Philippines, je vous demande de prier pour moi et pour les peuples de ces pays.
— Pape François (@Pontifex_fr) January 12, 2015