Irak : l’Espérance de Mgr Yousif Thomas Mirkis

Il n’était pas revenu en France depuis 2019. De passage pour un court séjour à Paris, Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque chaldéen de Kirkouk et de Souleymanieh, au Kurdistan irakien évoque la situation de son pays, l’Irak. Malgré l’instabilité politique et sécuritaire du pays, cette figure de l’église chaldéenne pense qu’un avenir est possible et redit son « espérance ». En janvier 2022, il a créé une « Maison de la Miséricorde », un lieu de vie pour les seniors, les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et les enfants autistes.

 » En tant que chrétien et disciple de Jésus-Christ, Jésus n’était pas seulement optimiste mais il dépassait vraiment la lecture de son temps et de la situation dans laquelle il a été victime « , souligne Mgr Yousif Thomas Mirkis, Archevêque chaldéen de Kirkouk et Souleymanieh. A l’image des Européens qui se sont relevés « de deux guerres mondiales », il veut pleinement participer à la reconstruction de son pays, dévastée par plusieurs années chaotiques doublée d’une crise politique, économique, sociale et sanitaire. L’instabilité sécuritaire de la région a frappé de nouveau l’Irak fin septembre 2022.

« Nous sommes dans une période qui nous pousse à être pessimiste mais est-ce que ce pessimisme va servir à quelque chose ? Où aller puiser la source de mon optimisme ?, s’interroge Mgr Mirkis. Je dois convaincre ceux qui ont la possibilité de faire un changement. Jésus-Christ avait réduit ce changement à un verre d’eau et un morceau de pain. » Ce changement, selon lui, doit reposer entre les mains des nouvelles générations.  » Depuis 2019, les jeunes descendent dans les rues de Bagdad ou de Nassriyiah. Jamais dans l’histoire de notre région, nous n’avions vu des jeunes aussi mûrs dans leurs revendications. Cela dénote d’un changement qu’on doit pouvoir expliquer : les jeunes veulent une patrie qui leur apporte des infrastructures (écoles, hôpitaux), de l’électricité. Le temps des utopies est dépassé !  » s’exclame-t-il.

La naissance de « Maison de la Miséricorde »

« Qu’il serait beau que comme souvenir, disons, comme un « monument » de cette Année de la Miséricorde, il y ait dans chaque diocèse une œuvre, sous la forme d’une structure, de miséricorde : un hôpital, une maison pour les personnes âgées, pour les enfants abandonnés, une école là où il n’y en a pas, une maison pour récupérer les toxicomanes », soulevait le Pape François en 2016 lors du Jubilé de la Miséricorde.

« Ceux qui restent en Irak n’ont souvent pas réussi à obtenir de visa », constate Mgr Mirkis. D’autres ressortissants irakiens sont revenus au pays après avoir abandonné leur projet d’exil en Europe, au Liban ou en Turquie. Avec l’émigration massive des jeunes Irakiens vers l’Occident, des familles ont laissé derrière eux une génération de personnes vieillissantes restée au pays. Pour venir en aide aux personnes âgées malades et isolées, le diocèse de Kirkouk avec l’Œuvre d’Orient a porté pendant plusieurs mois à Souleymanieh le projet de « La Maison de la Miséricorde ». Faute de structure d’accueil adapté et de personnel formé, Mgr Mirkis a décidé de venir en aide aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, les seniors et les enfants d’autistes. Une des premières maisons spécialisées en Irak à voir le jour en janvier 2022. Au troisième étage du bâtiment, il a aussi ouvert trois jardins d’enfants destiné aux chrétiens, aux kurdes, aux musulmans, aux mandéens et aux yézidis. Son objectif ?  Mélanger les enfants de différentes confessions et aussi créer des espaces de récréation entre les enfants et les personnes atteintes de pathologies de type maladie d’Alzheimer.

Que sont devenus les 700 étudiants irakiens ?

L’évêque de Souleymanieh pense à l’avenir de son pays. Il n’en est pas à son premier projet car il avait aidé en 2015-2016 (en partenariat avec la Conférence des évêques de France et l’œuvre d’Orient) environ 700 étudiants irakiens pour leur permettre de continuer leur étude dans leur langue (logement, nourriture, accès aux soins et Internet, formation… etc). Avec la progression de l’état islamique les étudiants avaient fui les régions de Mossoul, de la Vallée de Ninive et se sont retrouvés à Kirkouk, démunis de tout. « C’était un phare d’espérance car les habitants n’avaient plu d’espoir », rappelle-t-il. « Cette espérance a été positive avec les Yézidis, les musulmans, et surtout avec les treize localités chrétiennes de Mossoul ». Cinq après ce soutien aux étudiants irakiens, « seuls 10% des familles sont restées à Souleymanieh, la plupart d’entre elles sont repartis vivre dans leur village », précise-t-il.

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