Festi’Rural, le premier festival de chrétiens dans le monde rural

Le Cantal a accueilli en août 2025 la toute première édition du Festi’Rural, initiée par le mouvement Chrétiens dans le Monde Rural (CMR). Conçu comme un rendez-vous festif et fédérateur, l’événement a rassemblé habitants et visiteurs autour de temps conviviaux, d’animations intergénérationnelles et de moments de partage. Entre valorisation des initiatives locales et ouverture à la dimension spirituelle, le Festi’Rural a marqué une étape forte dans la mise en lumière de la vitalité du monde rural.

quatre questions au P. Arnaud Favart, délégué de la mission rurale à la Conférence des évêques de France
Quels moments ou rencontres vous ont particulièrement marqué ? Quelles dimensions de ce rassemblement ont, selon vous, donné de la force aux familles rurales et aux communautés chrétiennes locales ? Comment s’inscrit-il dans la dynamique pastorale nationale ?
Festirural a proposé de commencer par des randonnées découvertes. Animés par des acteurs passionnés par leur métier, nous avons mesuré l’importance de l’eau, de la faune et de la flore, des forêts, des activités agricoles. La lecture du territoire fait partie de la démarche de l’Action catholique, elle vise à découvrir l’histoire et les traditions qui ont façonné l’espace. Découvrir les ressources locales du Cantal, les joies et les espoirs des habitants, participe à l’expression d’une foi incarnée dans des réalités concrètes. Nous étions ainsi préparés aux nombreux débats, ateliers et rendez-vous thématiques de la ruralité. La Mission rurale met le projecteur sur la présence et la proximité. Contempler la manière dont Jésus a été présent à ses disciples et enraciné dans l’histoire de son peuple nous stimule pour écrire nos propres présences d’Église dans les territoires ruraux. Nos présences d’Eglise s’inspirent de la manière dont le Christ a été présent aux réalités de son temps, dont il a pris soin de ses contemporains. Que Dieu ait tant aimé le monde, écrit saint Jean, nous importe et nous appelle à mieux connaître la vitalité du monde, et à le servir pour le rendre toujours plus habitable par la justice et la sainteté fraternelle. Voilà souffle pastoral qui nous anime !
Chrétiens en monde rural (CMR) accompagne depuis longtemps les personnes et familles en milieu rural. Concrètement, quels sont aujourd’hui les principaux défis que vous percevez dans la vie des campagnes, et comment le mouvement y répond-il ? Est-ce que les territoires ruraux portent selon vous une richesse spirituelle particulière pour l’avenir de l’Église ?
À rebours du sentiment d’abandon, la conférence inaugurale de Valérie Jousseaume, géographe et enseignante chercheuse à l’université de Nantes, a mis l’accent sur l’avenir qui se construit dans les campagnes ». Où et par qui sont prises les décisions relatives à l’école d’un village, la proximité d’un service public, d’un commerce et d’un équipement de santé ? Bien souvent, ce qui concerne la ruralité est décidé ailleurs que dans le territoire concerné. Les campagnes se sentent reléguées à de simples interstices. Ce point est significatif pour comprendre la fragile vitalité des territoires ruraux, qu’ils soient dans l’orbite d’une métropole ou éloignés.
Le monde urbain, industriel et numérique voudrait s’émanciper de ce qui nous lie à la terre et au rythme des saisons. Selon Valérie Jousseaume, c’est un monde frénétique fasciné par une vision du progrès sans limites, une croissance dont on espère plus de libertés ! Or l’industrialisation a créé de la spécialisation, et la spécialisation a été une première étape sur le chemin de la déconnexion ou dématérialisation. Spécialiser, c’est séparer les tâches comme l’organisation sociale. La séparation génère un sentiment de cloisonnement, de délocalisation. Le commerce alimentaire, base du pain quotidien, n’a pas échappé pas cette évolution. Ce chemin de déconnexion alimente en rural la perte de liens de proximité. L’effort devient plus abstrait pour comprendre que « tout est lié ». Retisser le lien social est devenu une priorité. Faire du commun est au cœur de la vie associative et les mouvements s’y emploient. Leurs équipes sont des cellules privilégiées pour mettre en commun le cœur de la vie chrétienne.
Festirural s’est montré un laboratoire d’initiatives capables de dessiner des perspectives d’avenir pour une agriculture en difficulté
Mgr Noblot, évêque de Saint-Flour a dit que « les mouvements d’action catholique sont un carrefour de plusieurs mondes et de plusieurs sensibilités, et que c’est une chance pour l’Église ». En tant que délégué de la Mission rurale, comment recevez-vous cette parole ? Qu’est-ce que cela dit, selon vous, du rôle des mouvements d’action catholique dans le monde actuel ?
« Vous êtes la lumière du Monde, vous êtes le sel de la Terre ». Il n’a pas échappé à Jésus que le témoignage de ses disciples s’exprimerait dans ces deux dimensions, tantôt avec une visibilité rayonnante, tantôt dans la profondeur. Pour faire un bon Cantal, je parle du fromage, il faut du sel, et ce Festirural ne manquait pas de sel, ni d’audace. Ce qui donne du goût n’est pas est visible, ça vient rarement à la lumière médiatique, mais l’importance n’en est pas moindre pour donner de la saveur à l’espérance. Elle ne se voit pas, mais elle est bien un moteur de l’action. C’est ainsi que j’entends le ferment spirituel des mouvements d’Action catholique. Festirural s’est montré un laboratoire d’initiatives capables de dessiner des perspectives d’avenir pour une agriculture en difficulté, de cultiver une écologie de l’alliance avec l’ensemble du vivant, de contribuer à des relations plus justes, fraternelles et inclusives, de mûrir des décisions de long terme en fonction des générations futures et de la solidarité internationale. C’est en ce sens qu’elle est au carrefour de plusieurs mondes.
Quand vous regardez vers l’avenir, quels fruits espérez-vous que ce festival porte, à la fois pour la vie de l’Église et pour le quotidien des habitants des territoires ruraux ? Pensez-vous que de tels rassemblements puissent renouveler la façon dont l’Église est présente au cœur des campagnes ?
Le sentiment d’abandon paralyse. De tels rassemblements redonnent de l’élan à la dimension collective et de la vigueur à ce qui était fragile. Ils remettent de la communion dans ce qui paraissait isolé et mettent en valeur les multiples liens qui font le trésor de nos relations sociales, familiales et ecclésiales. Ils favorisent le dialogue, renouvellent notre manière de penser et nous rassemblent dans l’action de grâce. La pédagogie du projet et de la relecture pratiquée par l’action catholique aident les équipes à se projeter dans une longue histoire faite de traditions et d’innovations.
Malgré toutes les mutations qui les affectent, les ruraux aiment leur territoire et ont à cœur de le rendre vivant. Or qui caractérise le vivant, ce sont tous les multiples liens qui font de ce monde un monde de relations. Sans relations et sans alliance, c’est la mort ! De même, une Église vivante sur un territoire, c’est ce sont des chrétiens qui aiment tisser des liens, qui agissent pour relier ce qui est désuni. Quand on croit au Vivant Ressuscité, on est habité par cette espérance d’un monde réconcilié par le Christ.
images du Festi’Rural
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