Monseigneur Habert : “Nous voulons porter un message d’encouragement”
Une délégation de quinze évêques, de quinze diocèses différents, le 24 février en visite au salon de l’agriculture, porte de Versailles à Paris. Par cette présence, ils manifestent leur soutien au monde agricole. Rencontre avec Mgr Jacques Habert, évêque du diocèse de Séez, référent de la Mission rurale pour l’Église en France. Par Florence de Maistre.
En quoi le salon de l’agriculture est-il un évènement important ?
Cette manifestation est importante à double titre. D’une part, nous, les évêques, allons découvrir, rencontrer, prendre connaissance de nombreuses réalités liées à la vie et au travail des agriculteurs. Ces informations sont importantes : elles permettent de mieux en comprendre les évolutions et les enjeux. D’autre part, ensemble, en délégation, nous posons un acte public. Nous témoignons de notre attention particulière à ce qui se passe dans le monde rural. Nous adressons un signal fort de notre désir de mieux l’appréhender. Nous participerons à ce salon en observant la façon dont il est touché par la problématique de l’encyclique Laudato Si’. Pour le dire rapidement, est-ce un “salon vert” ? Nous verrons comment la question écologique est reçue et traitée. Nous nous mettrons à l’écoute des participants.
Que retenez-vous de vos visites précédentes ?
Le salon de l’agriculture a une audience nationale qui va bien au-delà de la visite du Président de la République. De nombreuses personnes s’y déplacent, l’affluence est sans conteste. L’intérêt de nos contemporains est manifeste, ça doit nous interpeller ! L’évènement permet de voir la diversité, parfois les affrontements, le dialogue entre les agriculteurs, leurs différentes méthodes et façons d’envisager leur activité. Lors des éditions passées, j’ai pu observer l’évolution des modes de productions et le discernement des agriculteurs. Il y a ceux qui conservent un mode conventionnel, en l’améliorant, en veillant à la terre, à réguler les pesticides dans une vision écologique globale. Et ceux, plus « radicaux », qui choisissent de s’engager dans des projets comme la permaculture, avec des structures beaucoup plus petites et un mode d’exploitation renouvelé. Ce salon est un lieu de confrontation au sens positif du terme. En tant qu’Église, nous adoptons une posture d’écoute. Nous avons déjà pu être témoins d’échanges et de rencontres franches entre les professionnels, facilités par notre présence. J’espère vivre, cette année encore, cette expérience du dialogue.
Quels sont les temps forts prévus ?
Deux parcours sont prévus. L’un est pour les évêques qui viennent pour la première fois. Ceux qui sont déjà venus ont des propositions diversifiées. En une journée, nous avons le temps de voir cet immense chantier ! Nous irons ensemble voir Terrena, un groupe de réflexion sur la Nouvelle Agriculture, présent dans de nombreux départements. Nous souhaitons mieux comprendre cette démarche. Nous irons ensuite au stand du Cneap, le réseau des établissements d’enseignement agricole privés. Je pense aux jeunes confirmands qui choisissent cette voie. Ces parcours sont instructifs. Il y a des possibilités d’embauche qui nécessitent de belles formations. Nous poursuivrons avec une visite aux chambres d’agriculture. L’après-midi est libre, nous sommes souvent attendus localement. Pour ma part, j’irai au stand de la Normandie, rencontrer les gens de l’Orne. Que l’on se connaisse déjà ou pas, ce sont toujours de beaux moments. Les personnes présentes sont touchées qu’un évêque se déplace, vienne dire bonjour et s’intéresse à leur activité. Ça a un impact et du sens. Je suis également touché de les entendre parler de leur terre, de leur souffrance, recherche et espérance. Ce partage permet d’être ensuite plus pertinent dans notre message.
Justement, quel message souhaitez-vous partager ?
Nous voulons porter un message d’encouragement. Nous avons bien conscience que cette agriculture souvent stigmatisée, objet de nombreuses critiques, fortement décriée depuis des décennies a besoin de soutien. Les agriculteurs eux-mêmes mesurent la prise de conscience à opérer et ses conséquences. En nous appuyant sur Laudato Si’, nous voulons encourager le dialogue, nous mettre modestement au service d’une réflexion déterminante. Par ailleurs, le salon sera également l’occasion d’annoncer publiquement le rassemblement “Terres d’espérance : rencontres nationales du rural” initié par les évêques en France, accompagné par les mouvements et communautés. Il se tiendra du 24 au 26 avril prochain à Châteauneuf-de-Galaure dans la Drôme. Huit cents personnes sont déjà attendues pour partager leurs expériences à la lumière des encycliques La joie de l’Évangile et Laudato Si’. Encore une façon de souligner notre attention particulière pour le monde rural et agricole.
Qu’attendez-vous de cette édition 2020 ?
Je me réjouis des rencontres à venir et du partage des convictions. Je souhaite avoir une connaissance plus fine des enjeux et des choix à poser, pour être plus attentif aux personnes, mieux les accompagner. J’espère pouvoir apporter quelques éléments de la doctrine sociale de l’Église à tous ceux qui s’emparent de ces grandes questions et qui souhaitent les approfondir. Cette visite au salon de l’agriculture s’inscrit bien dans la démarche initiée par le Conseil permanent autour de l’écologie. Elle est également en cohérence avec notre prochaine assemblée plénière d’avril qui sera centrée sur les questions agricoles. Je me réjouis de cette visite avec mes confrères évêques. Nous sommes attentifs à la dimension pastorale, à la question de l’évangélisation. Nous retrouver ensemble à ce salon, attelés à cette tâche, est un beau signe fraternel, un témoignage.